êS*- vV^ '^^, M ♦ "^dlU N' -Z^:/ /^O n^3 # Library of the University of Toronto Digitized by the Internet Archive in 2010 witii funding from University of Ottawa Iittp://www.arcliive.org/details/oeuvrescomplette10rous (OUVRES COMPLETTES DE J. J. ROUSSEAU. U V R E s COMPLETTES DE J. J. ROUSSEAU, ClTOTEN DE GewÈVB. NOUVELLE ÉDITION. TOME DIXIÈME. clic A PARIS, 'Erlitt, Libraire, rue St. Jarrpie^, n°. zG. f^/ AILLE , rue de la Harpe, u". i5o. Cji\É(joiRH , rue (lu Coq St. Honoré. _ V oLLAivD , quni des Augusiiiis, n". 25. 1790. EMILE, o u DE L'ÉDUCATION. SUITE DU LIVRE CINQUIÈME. ^//.^«er ^^Raphaè'l, prétez-moi le pinceau de la volupté. Diviu Milton , apprends à ma iilinncgrossièieà décrire les plaisirs del'amour et de l'innocence. Mais non , cachez vos arts mensongers devantla sainte vcritedeJa nature. Ayez seulement dos cœurs sensibles , des âmes honnêtes; puis laissez errer votre imagination sans contrainte sur les transports de deux jeu- nes amans , qui sous les yeux de leurs parens etdc leurs guides, se livrent sans trouble h la douce illusion qui les flatte , et , dans l'.vresse des désuss'avançant lentement vers le terme entrelacent de fleurs et de guirlandes l'heu- reuxlieu qui doit les unir jusqu'au tombeau. Tan^t d'images charmantes m'enivrent mui- £miJe. Tome 1 V^. ^ É M I L E. 2 ïuéme- ie les rassemble sans ordre et san. suite 'le délire quelles me causent m em- pêchc'delesUev.Oh!quiest-ceqvuauu cœur et qui ne saura pas faire en lu.-tuemc ,e tableau délicieux des situations diverses du père, delà mère, de la fille, d., gouver- neur de l'élève , et du concours des u.is et des autres à l'union du plus cbarmant couple dont l'amour et la vertu puissent fa.re le bonbeur ? . . . i „*. C'est à présent que devenu ver.tabIoment empressé de plaire , Emile commence a sent.r ÎepriK des talensa,réables qu'il s'est donnes. J^;.e aime a chanter; il chante avec die il fait plus, iUui apprend la mr>s.quc.Lllc est v.vc et légère , elle aime à sauter , .1 danse avec elle; il change ses sauts en pas. il la perfcct.onne. CCS leçons sont charman. tes la saleté folâtre les anime , elle adoucit ,e tunule respect de l'amour ; .1 est perm.s «aunamantdedonnerses leçons avec volupté; il est perm.s d'être le maître de sa ma.trcssc. On a un vieux clavecin tout derat.sc Emile raccommode et l'accorde. 1 1 est lac leur , d est luthier ausM-bien que menuis.er ; d eut ton- iours pour u.ax.me d'apprendre à se passer du secours d'autrut dans tout ce qu il pou- L I V R E V. S vait faire lui-même. La maison est dans une situation pittoresque , il en tire dilTârentes Tucs auisquelles Sophie a quelquefois mis la mair. , et dont elle orne le cabinet de sou père. lat-i cadres n'en &ont point dores et n'ont pas besoin de l'être. En voyant dessiner ^////Vé-, en l'imitant, elle se perfectionne à son exem- ple ; elle cultive tous les talens , et son charme les embellit tous. Son père et sa mère se rap- pellent leur ancienne opulence en rçvo} ant briller autour d'eux les beaux-arts qui seuls la leur rendaient chère; l'amour a paré toute leur maison ; lui seul y fait régner sans frais et sans peine les mêmes plaisirs qu'ils n'y ras- semblaient autrefois qu'à force d'argent et d ennui. Comme l'idolâtre enrichitdes trésors qu'il estime l'objet de son culte , et pare sur l'autel le dieu qu'il adore; l'amant a beau voir sa matt.esse parfaite, il lui veutsans cesse ajouter de nouveaux oruemens. Elle n'en a pas besoin pour lui plaire ; mais il a besoin lui de la parer : c'est un nouvel hommage qu'il croit lui rendre ; c'est un nouvel in térct qu'il donne au plaisir de la contempler. Il lui semble que rien de beau n'est à sa place quand il n'orne pas la suprême beauté. C'est \x\x specUcle à-la- A 2 4 EMILE. fois toucliant et visible, de voir Em'ff eru- pressc d'appreudre aSopIiieiout ce qu'il sait , sans consulter si ce qu'il lui veut apprendre est de son goût ou lui convient. 11 lui parle de tout, il lui explique tout avec un etnprcs- seuient puéril •, il croit qu'il n'a qu'à dire , et qu'à l'instant elle l'entendra ; il se ligure d'avance le plaisir qu'il aura de raibonner, de pliiloso|)her avec elle ; il regardr coTume inutile tout l'acquis qu'il ne peut point étaler à ses yeux : il rougit presque de savoir quelque chose qu'elle ne sait pas. Le voilà donc lui donnant leçon de phi- losophie , de physique , de uiathéuiatiqui- , d'histoire , de tout en un mot. Sophie se prête avec plaisir à son zèle et tâche d'eu proGter. Quand il peut obtenir de donner ses leçons à genoux devant elle , qn'Jjf/ii/e est content! il croit voir lescieux ouverts. Cependant cet(« situation , plus gênante pour l'ecolière que pour le maître , n'est pas la plus favorable à l'instruction. L'on ne sait pas trop alors que faire de. ses yeux pour éviter ceux qui les pour- suivent, et quand ils se rencontrent la leçoa n'en va pas mieux. L'art de penser n'est pas étranger aux femmes, mais elles ne doivent faire qu'ef- L I V R E r. 5 fleurer les sciences de laisonnement. Sovhie conço.t tout, et neretient pas grand chose. Ses plus grands progrès sont dans la inorale et les choses de goût ; pour la physique , die nen ret.ent que quelque idée de; lois géné- rales et du système du .Bonde. Queiquefoi* dans leurs promenades en conten.plant les i-ervedlos de la nature, leurs cœurs innocent et purs osent s'élever jusqu'à son auteur • ils ne craignent pas sa présence , ils s'épanchent con;ointement devant lui. Quoi ! deux amans dans la fleur de l'â-e emplo.cntleur téte-à-téte à parler de religion ' I s passent leur temps à dire leur catéchisme • Que sert d'avilir ce qui est sublime ? Oui sausdou(e, ils le disent dans nilusiou qui les charme ;.lssevoientparfaits,iIss'aiment ils s entretiennent av.c enthousiasme de ce qui don-ne un prix à la vertu. Les sacrifices qu'ils iu. font la leur rendent chère. Dans des trans- ports qu'.I faut vaincre , ils versent quelque- fois en.semhle des larzr>es plus pures que la rosec du ciel , et ces douces larmes font l'en- chantement de leur vie : ils sont dans le plus charmant délire qu'aient jamais éprouvé des âmes humaines. Les privations mcme ajou- tcut à leur Loiiheur et les honorent à leurs A 3 6 EMILE. propres yeux de leurs sacrifices, llounnes sensuels , corps sans amcs , ils couuaîuont \in jour vos plaisirs , et regretteront toulc leur vie l'beurGus temps où ils se les sont refusés. Malgré cette bonne intelligence , il no laisse pas d'y avoir quelquefois des disseu- tions , même des querelles ; la maîtresse n'est pas sans caprice , ni l'amant sans emporte- ment ; mais ces petits orages passent rapide- ment et ne font que raffermir l'union ; l'expc- vience m»5«ne apprend à Ji/rii/ea ne les plus tant craindre-, Ici raccommademeus lui sont toujours plus avantageux que les brouilleries ne lui sont nuisibles. Le fruit de la première lui en fait espérer autant des autres; il s'est trompé : mais enfin , s'il n'en rapporte pas toujours un profit aussi sensible ^ il y gagno toujours de voir conhrmer par Sor/iie l'in- térêt sincère qu'elle prend à son cœur. Oa veut savoir quel est donc ce prol-t. J'y con- sens d'autant plus volontiers que cet exemple me donnera lieu d'exposer une maxime très- utile , et d'en combattre une trcs-f-incstc. J^rni/c aime; il n'est donc pas téméraire; et l'on conçoit encore mieux que l'impérieuse Sorfiie n'est pas lillc a lui passer des familia- LIVRET. 7 ïhés. Comme la sagesse a sou terme en toute chose, on la taxerait bien plutôt de trop de dureté que de trop d'indulgence , et non père lui-même craint quelquefois que son extrême fierté' ne dégénère en hauteur. Dans les tète-k' tête les plus secrets , Emile n'oserait solli- citer la moindre faveur , pas même y paraîtra aspirer; et quand elle veut bien passer son bras sous le sien à la promenade , grâce qu'elle ne laisse pas changer en droit , a peine ose-t-il , quelquefois, en soupirant , presser ce bras contre sa poitrine. Cependant , après une longue contrainte, il se hasarde à baiser fur- tivement sa robe , et plusieurs fois il es tassez heureux pour qu'elle veuille bien ne s'en pas apercevoir. Un jour qu'il veut prendre un peu plus ouvertement la même liberté , elle s'avise de le trouver très-mauvais. Il s'obs- tine, elle s'irrite, le dépit lui dicte quelques mots piquaus ; Emilewç. les endure pas sans réplique : le reste du jour se passe eu bou- derie, et l'on se sépare trcs-mécontens. Sophie est mal à son aise. Sa mère est sa confidente ; comment lui cacherait-elle soa chagrin ? C'est sa première brouillerie ; et u^e brouillerie d'une heure est une si grande affaire ! Elle se repeut de sa faute ; sa mèra A4 8 EMILE. lui permet de la réparer , son père le IvH ordonne. Le lendemain , £'w/7e inquiet revientplutôi qu'à l'ordinaire. So/'fiie est à la toilette de sa mère; le père est aussi dans la même chambre : JSmi/e entre avec respect, mais d'un air triste. A peine le père et la mère l'ont-ils salué que 6'o/'^/(? se retourne , et lui présentant la main , lui dcinande , d'un ton caressant, comment il se porte. Il est clair que cette jolie maia ne s'avance ainsi que pour être baisée : il la reçoit , et ne la baise pas. Sophie , un peu honteuse , la retire d'anssi bonne gràct- qu'il lui est possible. £ m t'/e , qui n'est pas fait aux manières des femmes , et qui ne sait à quoi le caprice est bon , ne l'onblie pas aisément , et ne s'apaise pas si vîtc. Le père de Sophie ^ la voyant embarrassée , achève de la décon- certer par des railleries. La pauvre iill« con- fuse , humiliée, ne sait plus ce qu'elle fait, et donnerait toutau monde pour oser pleurer, rliis elle se contraint , plus son cœur se gonfle ; une larme s'échappe enfin malgré qu'elle en a.'\t.£mi/e voit cette larme, se pré- cipite à SCS genoux , lui prend la main , la baise plusieurs fois avec saisissement. Ma foi, VOUS êtes trop bon, dit le pèic en éclatant do LIVRET. 9 lire ; j'aurais moins d'indulgence pour tontes CL-v, folles, et je pnuiiais la bouche qni m'au- rait offensé. Emile ^ enhardi par ce discours , tourne un œil suppliant vers la mère ; et croyant voir un signe de consentement , s'ap- proche en tremblant du visage de Sophie , qui de'touvne la tête , et, pour sauver la bouche , expose une joue de roses. L'indiscret ne s'eu contente pas ; ou résiste faiblement. Qneî baiser, s'il n'élaitpas pris sous les yeux d'une mère ! Scvère Sophie! prenez garde à vous : on vous demandera souvent votre robe à baiser, h condition que vous la refuserez quel- quefois. ^près cette exemplaire punition ,1e père sort pour quelque aflairc , la mère envoie .5'o/7//V sous quelque prétexte ; puis elle adresse la parole à ^';/;//^ , et lui dit , d'un ton assez sérieux : « Monsieur , je crois qu'un jeune « homme aussi bien né , aussi bien élevé que •t vous , qui a des scntimcns et des mœurs , « ne voudraitpas paver dudéslionneur d une « famille , l'amitié qu'elle lui témoigne. Je •1 ne suis i)i farouche , ui prude ; je sais ce « qu'il faut passer à la jeunesse folâtre , et ce « que j'ai soufl'ert sous mes yeux, vous le « prouve assez. Consultez votre ami sur vos A 5 lo EMILE. « devoirs , il vous dira quelle difTcrfiice il y « a entre les jeux que la présence d'un père « et d une mère autorise, et les libertés qu'oa « prend loin d'eux en abusant de leur con- « fiance , et tournant en pièges les mêmes « faveurs qui , sous leurs yeux , nesontqu'in- « nocentes. Il vous dira , Monsieur, que ma « fille n'a eu d'autre tort avec vous que celui « de ne pas voir , dîs la première fois , ce « qu'elle ne devait jamais souffrir : il vous « dira que tout ce qu'on prend pour faveur « en devient une , et qu'il est iiulif^ne d'un « homme d'honneur d'abuser de la simplicité «t d'une jeune fille , pour usurper en secret « les mêmes libertés qu'elle peut souffrir « devant tout le monde. Car on sait ce que « la bienséance peut tolérer en public; mais « ou ignore où s'arrête dans l'ombre du « rojstcre celui qui se fait seul juge de se» « fantaisies v. Après cette juste réprimande , bien plus adressée à moi qu'à moJi élève , cette sage mère nous quitte, et me laisse dans l'admis ration de sa rare prudence , qui compte pour peu qu'on baise devant elle la bouche de sa fille , et qui s'cllVaie qu'on ose baiser sa robe en particulier. En rélléchistaut ù la folie de L I V R E V. it nos maximes , qui sacrifient toujours à la décence la véritable hnnnêteté, je comprends pourquoi le langage est d'autant plus chaste que les cœurs sont plus corrompus, et pour- quoi les procédés sont d'autant plus exacts que ceux qui les ont sont plus malliouuêtes. En pénétrant , à cette occasion , le cœur à"Emi/e des devons que j'aurais dii plutôt lui dicter , il me vient une réflexion nouvelle , qui fait peut-être le plus d'honneur à Sophie , et que je me garde pourtant bien de commu- niquer à son amant. C'est qu'il est clair que cette prétendue fierté qu'on lui reproche n'est qu'une précaution très-sage pour se garantir d'elle-même. Ayant le malheur de se sentir uu tempérament combustible , elle redoute la première étincelle , et l'éloigné de tout son pouvoir. Ce n'est point par fierté qu'elle est sévère , c'est par humilité. Elle prend sur i:mi/e l'empire qu'elle craint de n'avoir pas sur Sophie ; elle se sert de l'un pour com- battre l'autre. Si clic était plus confiante, elle serait bien moins fière. Otez ce seul pomt , quelle fille au monde est plus facile , est plus douce? qui est-ce qui supporte plus patiem- ment une offense ? qui est-ce qui craint plus d'eu faire à autrui ? qui est-ce qui a moins de A 6 3 2 EMILE. piétcntions en tout genre , Iiors la vcrtii ? Encore n'est-ce. pas de sa vertu qu'elle est fière , elle ne l'est qne pour la conserver ; et quand elle pent se livrer sans risque au pen- cliant de son cœur , elle cares.«>e jusqu'à son amant. Mais sa disci-cte mère ne f.iit pas tons CCS détails à son père u.cuie : les hommes ne doivent pas tout savoir. Loin nicnie qu'elle semble s'c'norj^neillir de sa conquête , Sof/.ic en est devenue encore pins aîlahlc , et uioins exigeante avec tout le juonde , hors peut-être le seul qui produit ce changement. Le sentiment de l'indépendance n'enfle |)Ins son noble cœur. Elle triomphe avec modestie d-'unc victoire qui lui coûte sa liberté. Elle a le inninticn moins libre et le parler p'us timide , depuis qu'elle n'entend jilns le mot d'amant sans rougir, ûïais le con- trnlement perce à travers son embarras, et cette ho;ite elle-même n'c^t pa.^ un sentinieiit fâcheux. C'est sur-tout avec les jeunes surve- îians que la dinVreiiee de sa conduite est le ])lus sensible. Dcpui.s qu'elle ne les craint plus , l'«xtrémc réserve qu'elle avait avec c:i\ s'est beaucoup relâchée. Décidée dans son choix , elle se montre sans scrupule gra- cieuse aux iudiQcrcns ; moins didicile sur L I V R E V. 33 leur ineiite depuis qu'elle n'y prend plus d'inte'iêt, elle les trouve tonjours assez aima- bles pour des gens qui ue lui seront jamais rien. Si le véritable amour pouvait user de coquetterie, J'en croirais même voir quelques traces dans la manière dont Sophie se com- porte avec eux en présence de son amant. On dirait que , non contente de l'ardente passion, dont elle l'embrase par un me'lange exquis de réserve et de caresse , elle n'est pas fâchée eucore d'irriter cette même passion par un peu d'inquiétude. On dirait qu'égayaut à dessein ses jeunes hôtes , elle destine au tour- ment à^ Emile les grâces d'un enjouement qu'elle n'ose avoir avec lui : mais Sophie est trop attentive, trop bonne , trop judicieuse pour le tourmenter en effet. Pour tempérer ce dangereux stimulant, l'amour et l'honué- tcté lui tiennent lieu de prudence : elle sait l'alarmer elle rassurer précisément quand il faut; et si quelquefois elle l'inquiète, elle ne l'attriste jamais. Pardonnons le souci qu'elle donne à ce qu'elle aime , à la peur qu'elle a qu'il ne soit jamais assez enlacé. Mais quel cfl'ct ce petit manège fcra-t-il sur Emile'i Sera-t-il jaloux, ne le scra-t-Jl 14 EMILE. pas ? C'est ce qu'il faut examiner ; car de telles digressions entrent aussi dans l'objet de mou livre, et m'éloignent peu de mou sujet. J'ai fait voir prece'dcmraent comment , dans les choses qui ne tiennent qu'à l'opi- iiion, cette passion s'introduit dans le cœur de l'homme. Mais en amour c'est autre chose ; la jalousie parait alors tenir de si près à la nature, qu'on a bieu de la peine à croire qu'elle n'en vienne pas , et l'exemple même des animaux , dont plusieurs sont jaloux jusqu'à la fureur, semble établir le sentimeut oppose sans réplique. Est-ce l'opinion des liommcs qui apprend aux coqs à se mettre eu pièces, aux taureaux à se battre jusquà la mort ? L'aversion contre tout or qui trouble et comliat nos plaisirs est un mouvement nafu.. rel , cela est incontestable. Jusqu'à certain point le désir de posséder exclusivement co qui nous plaît est encore dans le même cas , mais quand ce dcsir devenu passion se trans- forme en fureur ou en une fantaisie oiubra- geu.se et chagrine , appelée jalousie , alo»-s c'est autre chose ; cette passion peut être uatu- lellc ou ne l'être pas, il faut distinguer. LIVRET. i5 L'exemple tire' des animaux a e'te' cî-devant examiné dans le discours sur l'inégalité; et maintenant que j'y réfléchis de nouveau, cet examen me paraît as?cz solide pour oser y renvoyer les lecteurs. J'ajouterai seulement anx distinctions que j'ai faites dans cet écrit, que la jalousie qui vient de la nature tient beaucoup à la puissance du sexe, et que quand cette puissance estouparaîtctre illimitée, celte jalousie est à son comble: car le mâle ^lors mesurant ses droits sur ses besoins, ne peut jamais voir un autre mâle que comme un im- portun concurrent. Dans ces mêmes espèces les femelles obéissant toujours au premier venu, n'appartiennent aux mâles que par droit de conquête, et causent entr'eux des combats éternels. Au contraire, dans les espèces où un s'unit avec une , où l'accouplement produit nue sorte de lien moral , une sorte de mariage , la femelle appartenant par son choix au mâle qu'elle s'est donné, se refuse communément à tout autre , et le mâle ayant pour garant do sa fidélité cette affection de préférence s'in- quiète aussi moins de la vue des autres mâles , et vit plus paisiblement avec eux. Dans ces espèces le mâle partage k soiu des petits, et i6 EMILE. par nue de ces lois de la nature qu'on n'ob- seive point sans attendrissement, il semble que la femelle rende au père rattachement qu'il a pour ses enfans. Or, à considérer l'espèce humaine dans sa simplicité' primitive , il est aisé de voir par la puissance bornée du nulle , et par la tempé- rance de ses désirs, qu'il est destiné par la nature à se contenter d'une seule femelle ; ce qui se confirme par l'égalitc numérique des individus des deux sexes, nu moins dans nos climats; égalité qui n'a pas lieu, à beaucoup près, dans les espèces où la plus jurande force des mâles réunit plusieurs femelles à un seul. Et , bien que l'homme ne couve pas connue le pif^eon , cl que, n'ayant pas non plus des inamcUes pour allaiter, il soit à cet éf;ard dans la classe des quadrupèdes; les enfans sont si long-temps ram|)ans et faihles , que la mère et eux se pashcraient diilicilemeut de l'attachement du père , et des soins qui eu sont reircl. Toutes ces observations conccnircnl donc à proiJVcr que la fureur jalouse des niàlcs, dans quelques espèces d'animaux, ne conclut point du tout pour l'honme; et l'esceptioii xuciuc des climats uicridiouaus, où la poly- LIVRET. 17 garnie est établie , ne fait que mieux con- firmer le principe , puisque c'est de la plu- ralité des femmes que vient la tyranuique précaution des maris , et que le sentiment de sa propre faiblesse porte l'homme à recourir à la contrainte , pour éluder les lois de la nature. Parmi nous , où ces mêmes lois , en cela moins éludées , le son t dans un sens contraire et plus odieux, la jalousie a son motif dans les passions sociales, plus que dans l'instinct pri- mitif. Dans la plupart des liaisons de gaic.r;- t«rie , l'amant hait bien plus ses rivaux qu'il n'aime sa maîtresse; s'il craint de n'être pas seul écouté, c'est l'effet de cet amour-propre dont j'ai montré l'origine, et la vanité pâtit en lui bien plus que l'amour. D'ailleurs nos mal - adroites institutions ont rendu les femmes si dissimulées ( i ) , et ont si fort allumé leurs appétits , qu'on peut à peine ( i ) L'espèce de dissimulation que j'entends ici est opposée à celle qin' leur convient et qu'elles tiennent de la nature ; l'une consiste a déguiser les spntiinens qu'elles ont, et l'autre à feindre ceux qu'elles n'ont pas. Toutes les lenunes du monde passent leurvie à faire trophée de leur prétendue sensibilité, et n'aiment jamais rien qu'elles-mêmes. ï8 EMILE. compter sur leur attachement le mieux pronre , et qu'elles ne peuvent plus uiaïqucr de pré- férences qui rassurent sur la crainte des coa- currens. Pour l'auiour véritable, c'est autre chose. J'ai fait voir , dans l'écrit déjà cite , que ce sentiment n'est pas aussi naturel que l'on, pense ; et il y a bien de la dinérence entre la douce habitude qui affoctioune l'homme a sa compagne , et cette ardeur effrénée qui l'enivre des chimériques attraits d'un objet qu'il ne voit plus tel qu'il est. Cette passion , qui ne respire qu'exclusions «t préférences, ne diaère en ceci de la vanité, qu'en ce que la vanité exigeant tout et n'accordant rien , est toujours inique-, au-lieu que l'amour don- nant au tant qu'il exige , est par lui-uicme un sentiment rempli d'équilc. ]3'aillcurs plus il est exigeant, |)lus il est crédule : la même illusion qui le cause le rend facile à persuader. Si l'amour est inquiet, l'estime est conliaiite; et jamais l'anmur sans rcslime n'exista dans un cœur honnête, parce que nul n'aime, dans ce qu'il aime, que les qualités dont il fait cas. Tout ceci bien (-clairei , l'on peut dire , à coup sur, de quelle sorte de jalousie Hmi/c L I V R E Y. 39 sera capable ; car puisqu'à peine oette passion a-t-ellc un germe dans le cœur humain , sa formeestdétermineeuniquemcnt par l'éduca- tion. JE'7»//^ amoureux et jaloux ne sera point colère, ombrageux, méfiant, mais délicat , sensible et craintif: il sera plus alarmé qu'ir- rité ; il s'attachera bien plus à gagner sa maîtresse, qu'à menacer son rival; il l'écar- tera , s'il peut, comme uu obstacle , sans le îiaïr comme un ennemi; s'il le hait , ce ne sera pas pour l'audace de lui disputer un cœur auquel il prétend, mais pour le danger réel qu'il lui fait couiir de le perdre ; son injuste orgueil ne s'offensera point sottement qu'on ose entrer en concurrence avec lui; comprenant que le droit de préférence est uniquement fondé sur le mérite , et que l'honneur est dans le succès , il redoublera de soins pour se rendre aimable, et proba- blement il roussira. La généreuse Sophie , eu irritant son amour par quelque* alarmes , saura bien les régler , l'en dédommager ; et ces concurrens qui n'étaient soufferts que pour le mettre à l'épreuve , ne tarderont pas d'être écartés. Mais où me scns-je insensiblemcntrntrainc ? O-Ewr/e/ qu'cs-tu devenu? puis-je rccou- 20 É M I T, E. îiaîfie en toi mon élève? combien je te vois dccliu ! Où est ce jeune lionnnc forme' tte que chacun ait son tour. Il part le premier pour se débarrasser de nos montures. LIVRE V. 27 Eu laissaut ainsi Sophie derrière lui , il ue trouve plus le cheval une voiture aussi com- mode. 11 revient essouffle', etuous rcncoutre à moitié chemin. Au voyage suivaut Emile ne veut plus do chevaux. Pourquoi ? lui dis-je ; nous n'avons qu'à prendre un laquais pour en avoir soin. Ah ! dit-il , surchargerons -nous ainsi la respectable famille ? vous voyez bien qu'elle veut tout nourrir, hommes et chevaux. Il est vrai, reprends-je, qu'ils ont la noble hospitalité de l'indigence. Les riches, avares dans leur faste , ne logent que leurs amis : mais les pauvres logent aussi les chevaux de leurs amis. Allons à pied, dit-il; n'eu ave:c-vous pas le courage, vous qui partagez de si bon cœur les fatiguaus plaisirs de votre enfant ? Très- volontiers , reprends - je à l'instant ; aussi bien l'amour, ù ce qui me semble, ne veut pas être fait avec tant de bruit. En approchairt , nous trouvons lanière et la hlie plus loin encore que la première fois. Nous sommes venus conanc un trait. Emile est tout en nage : \\\\ç main chéri© daigne lui passer un mouchoir sur les joues. 11 y aurait bien des chevaux au monde , ayant J3 2 a8 EMILE. que nous fussions dcàormais tentes de nous eu servir. Cependant il est assez cruel de ne jiouvoir jamais passer la soirée ensemble. L'éle s'a- vance les jours commencent à diminuer, (^uoi que nous puissions dire, on ne nous permet jamais de nous en retourner de nuit, et quand nous ne vcnonv; |)as dès le matin, il faut presque repartir aussi-tôt qu'on est arrive'. A force de nous plaindre et de s'in- quietor de nous, la mère pense cnlin qu'à la vérité' l'on ne peut nous loger décemment dans la maison, maisqu 'on peut nous trouver un gîte au village pour y coucher quelquefois. A ces mots Kmili; frappe des mains, tres- saillit de joie ; et Sophie, sans y songer, bai?c un peu plus souvent sa mère le jour qu'elle a trouvé cet expédient. J'en à peu la douceur de l'amitié , la familiarité de l'innocence s'établissent et s'an'ermissent entre nous. Les jours |)rescrits par Sophie ou par sa nv xc , je viens ordi- nairement avec mon ami -, quelquefois aussi je le laisse aller seul. La conliance élève l'ame , et l'on ne doit plus traiter un homme en enfant ; et qu'aurais-jc avancé jusque-là, si mou élève ne méritait pas mou estime ? L I V R E V. 29 Il m'anive aussi d'aller sans lui : alors il est triste et ne murmure poiat ; que serviraient ses murmures ? et puis, il sait bien que je ne vais pas nuire à ses intérêts. Au reste que nous allions ensemble ou séparément, 0!i conçoit qu'aucun temps ne nous arrête, tout fiers d'arriver daus un état à pouvoir être plaints. Malheureusement Sophie nous interdit cet honneur, et dcfcnd qu'où vienne par le mauvais temps. C'est la seule fois que je la trouve rebelle aux règles que je lui dicte en secret. Un jour qu'il est allc seul , et que je ne l'attends que le lendemain , je le vois r.rrivcr Je soir même, et je lui dis en l 'embrassai :t : Quoi ! cher Emile, tu reviens à ton ami ! Mais au -lieu de répondre à mes caresses il jup ilit avec un peu d'hnuicur : Ne croyez pas qtje je revienne si-tôt de mon gre , je viens maigre moi. Kllc a voulu qtie je vinsse - je viens pour clic et non pa:; poNr vous. Touché de cette naïvcli? , je rcuibiassc de lechcf, en lui disant : Ame franche, ami suiccre, ne me dérobe pas ce qui m'.ijipar- iient. Si tu viens pour elle, c'est pour moi qn-^ iu le dis ; ton retour est son ouvrage ; m.iis ta franchise est le luJcu. Garde u jaujai» £ '6 3o EMILE. cette noble candeur des belles âmes. On peut laisser penser aux indiOerens ce qu'ils veu- lent • tuais c'est un crime de souBrir qu'un ami nous fasse un mérite de ce qv.c nous n'avons pas fait pour lui. Je me garde bien d'avilir ^ ses yeux le pris de cet aveu, en y troiwant plus d amour que de gëne'rosite' , en lui disant qu'il veut moins s'ôter le mérite de ce retour, que le donnera Sophie. Mais voici comment il me dévoile le fond de son cœur, sans y songer : s'il est venu à son aise à petits pas et in:vau\t à ses amours , Ejiiilc n'est que l'amant do Sophie ; s'il arrive à grands pas, échauffé, quoiqu'un peu grondeur, Emile est l'ami de son Mentor. On voit par ces arrangemensque mon joiuic bommc est bien éloigné de passer sa vie auprès de Sophie, et de la voir autant qu'il voudrait. Un voyage ou deux par semaine bornent les permissions ([u'il reçoit ; et ses visites, souvent d'une seule demi -journée s'étendent rarement au lendeuuiin. Il em- ploie bien plus de temps à espérer de la voir ou a se féliciter de l'avoir vue, qu'à la voir en effet. Dans celui même qu'il donne îl SCS voyages , il passe moius auprès d cllo LIVRE V. 3t qu'à s'eu approcher ou s'en e'ioigner. Ses plaisirs vrais, purs, délicieux, mais moins re'els qu'imaginaires, irritent sou amour saus eS'e'miuer son cœur. Les Jours qu'il ne la voit point il n'est pas oisif et sédentaire. Ces jours -Ta, c'est Emile encore ; il n'est point du tout trans- forme'. Le plus souvent il court les cam- pagnes des environs , il suit son liistoiro nalnrelle, il observe, il examine les terres, leurs productions, leur culture ; il compare les travaux qu'il voit à ceux qu'il connaît ; il cherche les raisons des différences ; quand il juge d'autres méthodes préférables à celles du lieu, il les donne aux cultivateurs ; s'il propose une meilleure forme de charrue, il eu fait faire sur ses dessins ; s'il trouve nae carrière de marne, il leur eu apprend l'usage inconnu dans le pays ; souvent il met lui- même la main à l'œuvre ; ils sont tous étonnés de lui voir manier leurs outils plus aisément qu'ils ne font eux-mêmes, tracer des sillons plus profonds et plus droits que les leurs, semer avec plus d'égalité, diriger des ados avec plus d'intelligence. Ils ne se moquent pas de lui comme d'un beau diseur d'agri- culture ; ils voient qu'il la sait eu cllct. Eu 32 EMILE. lin mot, il ctend son zèle et ses soins "h tout es qui est d'iitilitc première et {^l'iiéralo ; incmc il ne s'y borne pas. Il visite les maisons des paysans, s'informe de leur rtat , de leurs familles, du nombic de leurs enfans , de la quantité de leurs terres, de la nature du pro- duit, de leurs débouehes, de leurs facultés, de leurs cliarge.i , de leurs dettes, etc. Il donne peu d'argent, sachant que pour l'or- dinaire il est mal employé; mais il en dirige l'emploi lui-même, et le leur rend utile maigre qu'ils en aient. 11 leur fournit des ouvriers, et souvent leur i)ayc leurs propres journées pour les lravau\ dont ils ont i)esoin. A l'un il fait relever ou couvrir sa cliaumièreàdenii tombée, à l'autre il fait défricher sa terre abandonnée faute de moyens , à l'antre il fournit uno vache, un cheval, ilu be'tail de toute espèce à la place de celui qu'il a perdu t deux voisins sont près d'entrer en procès, il les gagne, il les acconunode ; un paysan tombe malade , il le fait soigner; il le soignes lui-même (2) ; uu autre est vexé par nu ( 2) Soigner im paysau mnl.ule , ce n'est pa» le purger, lui donner «les drogues, lui envoyer un Lhirur^ien. Ce n'est pas de tout cela q^u'out L I V R E V. 33 voisin puissant, il le protège et le lecom- mande ; de pauvres jeunes gens se recher- chent , il aide à les marier', une bonne femme a perdu son enfant chén , il va la voir, il la console ; il ne sort point an^si-tôt qu'il est entre' ; il ne dédaigne point les indigens, il n'est point presse' de quitter les malheu- reux ; il prend souvent son repas chez les paysans qu'il assiste ; il l'accepte aussi chez ceux qui n'ont pas besoin de lui ; en dc\ enant le bienfaiteur des uns et l'ami des autres , il ne cesse point d'être leur égal. Enhn , il fait toujours de sa personne autant de bien que de son argent. Quelquefois il dirige ses tournées du côté de l'heureux séjour : il pourrait espérer do voir Sophie a la dérobée , de la voir à la pro- menade sans en être vu. Mais Huiile est toujours sans détour dans sa conduite , il ne besoin ces pnuvre? gens dans Ifurs maladies; c'est de noarriuireineilleureetplus abondante. Jeûnez, vous autres, quand vous avez la fièvre; mais quand vos paysans l'ont , donnez-leur de la viande et du vin : presque toutes leurs maladies viennent de misère et d'épuisement : leur meilleure tisanne est dans votre cave ; leur seul apothicaire doit être votre bouclie.r. 34 E M I L ï:. sait et newiit rien éluder. Il a cette aimable délicatesse qui Hatte et nourrit l'aïuour- propre du lion te'moigiiagc de soi. IJ garde a la rigueur sou bail , et n'approche jamais assez pour tenir du hasard ce qu'il ne veut devoir qu'à Soffiie. En revanche il erre avco plaisir dans les environs , recherchant les traces des pas de sa maîtresse , s'attendrissaiit surles peines qu'elle a prises et sur les courses quelle a bien voulu iaire par complaisance pour lui. La veille des jours qu'il doit lavoir, il ira dans quelque ferme voisine ordonner une collation jjour le lendemain. La prome- nade se dirige de ce côte' sans qu'il y paraisse; on entre comme par hasard , on trouve des fruits , des gâteaux, de la crème. La friande Sop///e n'est pas insensible à ces attentions, et fait volontiers honneur à notre prévoyance j car j'ai toujours ma part au compliment» n en eusse- je aucune au soin qui l'attire; c'est un détour de petite bile pour être moins embarrassée en remerciant. Le père et moi mangeons des gâteaux et buvpns du viii : mais JZniilc est de IVcot des femmes , tou- jours au guet pour \olcr quelque assiette de crème oij la cuiller de Sophie ait Irempc. h propos de gâteaux, je parle h Emile de. L I V R E V. 35 fies anciennes courses. On veut savoir ce que c'est qua ces cour.ses: je l'explique, on en lit • on lui demande s'il sait courir encore? mieux qi.e jamais, répoud-il; je serais bien fàclié de l'avoir oublié. Quelqu'un de la compagnie aurait grande envie de le voir courir, et u^'oso le dire; quelqu'autre se cbargc delà proposi- tion , il accL-ptc: on fait rassembler deux ou trois jeun.s ^ens des environ.^; on décerne un pnx , et pour mieux imiter les anciens jeux on met un gâteau sur le but; chacun se tienÊ prêt ; le papa donne le signal en frappant des ïnams. L'agile Emile fend l'air, et se trouve au bout de la carrière qu'à peine mes trois lourdauds son! partis. Emile reçoit le pris dos mains de Sophie , et nou moins généreux qu'^/z/e, fait des préscns à tous les vaincuy Au milieu de l'éclat du triomphe, ii ophi» ose défier le vainqueur , et se vante decourir aussi-bien que lui. 11 ne refuse point d'entrer en lice avec elle; et, tandis qu'elle s'apprête à l'entrée de la carrière , qu'elle retrousse sa robe des deux côtés , et que, plus curieuse d'étaler une jambe fine aux yeux A'Émilc^yxQ de le vaincre à ce combat, elle regarde si ses jipcs sont assez courte* , i\ dit un mot à l'oieiUc de la mèi-e; elle soiuit et fait i^ 36 É M I L E. si'Tne d'approbation. Il vient alors se placer à côte' de sa coiicuncntc , et le si|;nal n'est pas plutôt doMiiJ qu'on la voit partir et voler comme un oiseau. Les femmes ne sont pas faites pour courir; quand elles fuient, c'est pour être atteintes. La course n'est pas la seule chose qu'elles fassent mal-adroitement, mais c'est la seule qu'elles fassent de mauvaise gr.iee : leurs coudes en arrière et colles contre leur corps leur donnent une attitude risihlc , et les hauts lalons sur lesquels elles sont juchées , les font paraître autant de sauterelles qui voudraient courir sans sauter. Emile n'imaginant point que Soyhie coure mieux qu'une autre femme , ne daigne pas sortir de sa place et la voit partir avec un sou- pire moqueur. .Mais Sophie est léj^ère et porte des talons bas-, elle n'a pas besoin d'arlilicc pour paraître avoir le pied petit; elle prend lis dcvans d'une telle rapidité, que, pour atteindre celte nouvelle ^//^/A;///f, il n'a que ]e temps qu'il lui faut quand il l'aperçoit si loin devant lui. Il part donc à son tour, Miniilnble à l'aigle qui loud sur sa proie; il la poursuit , la talonne, l'atteint enfin touto «ssouiflcc , passe douccmcui sou bras gauche autour LIVRE V. 37 autour d'elle, l'enlève comme une plume, et pressant sur son cœur cette douce charge, il achève ainsi la course , lui fait toucher le Lut la première ; puis criant , victoire à Sophie ^ met devant elle un genou en terre, et se reconnaît le vaincu. A CCS occupations diverses se joint celle du métier que nous avons appris. Au-moins \x\\ jour par semaine, et tous ceux oùle mauvais temps ne nous permet pas de tenir la cam- pagne, nous allons Emile et moi travailler chc^; un maître. Nous n'y travaillons pas pour la forme , en gens au - dessus de cet e'tat, mais tout de bon , et en vrais ouvrier?. Le père de Sophie nous venant voir , nous trouve une fois à l'ouvrage , et ne manque pas de rapporter avec admiration à sa femme et à sa fille ce qu'il a vu. Allez voir , dit-il , ce jeune homme à l'aftelier^ et vous verrez s'il me'prisr ia condition du pauvre! On peut imaginer si Sophie entend ce discours avec plaisir! On en reparle, on voudrait le sur- prendre à l'ouvrage. On me questionne sans taire semblant de rieu , et après s'être assu- rées d'un de nos jours , la mère et la fille prennent une calèche et viennent à la ville le même jour. Minile. 'l'omc \Y. C 3« EMILE. F.n entrant dans l'attclicr, ^" temps qu'il •t ne nous est ne'cessaire, afin de nous repo- « scrapprochant d'ici. Nous avions déjà fait « les trois quarts du chemin quand des la- « mciitalions douloureuses nous frappent « l'oroijlc : elles parlaient d'une gorge delà « colline à quelque distance de nous. Nous « accourons aux cris, nous trouvons un mal- « heureux paysan qui , revenant de la ville « un peu pris de vin sur son cheval , en •< était tombe si lourdement qu'il s'étaitcassé « la jambe. Nous crions, nous appelons du « secours; personnencrépond ; nous essayons « de remettre le blcïsé sur son cheval , nous « n'eu pouvons venir à. bout : au moindre « monvcnicnt le malheureux souffre des dou- «« leurs horribles ; nous prenons le parti d'at- C5 46 É ]M I L E. ce tacher le clicral dans le boisa Ve'cart , puis « fcsaut un brancard de nos bras , nous y «c posons le blessé et le portons le plus dou- « cernent qu'il est possible, en suivant ses « indications sur la route qu'il fallait tenir « pour aller chez lui. Le trajet était loup, il « fallut nous reposer plusieurs fois. Nous « arrivons enfin rendus do fatigue ; nous trou- « vous avec une surprise auièrc que nous « connaissions déjà la maison, et que ce mi- « sérablc que nous rapportions avec tant de « peine, était le même qui nous avait si cor- ce dialement reçus le jour de notre premicrr « arrivée ici. Dans le trouble où nous étions « tous, nous ne nous étions point reconnus « jusqu'à ce moment. « 11 n'avait que deuv petits cnfans. Prêt* « a lui en donner un iroisicme , sa femme « fut si saisie en le voyant arriver , qu'elle « sentit des douleurs aij^uës et accoucha peu « d'heures après. (^)ue faire en cet état daws « une chaumière écartée , où l'on ne pouvait « espérer aucun secours ? /.'/«//f prit le parti « d'aller prendre le cheval que nous avions « laissé dans le bois , de le monter , de courir « à toute bride chercher un chirurgien 'a la ♦. ville. Il doniiu le cheval au chirurgieu , et L I V R E V. 47 « n'ayant pti trouver assez tôt une garde , il « revint à pied avec un domestique, après « vous avoir expédié ua«xprès, tandis qu'em- « barrasse, comme vous pouvez croire, entre « un homme ayant une jambe cassée et une « femme en travail , je préparais dans la mai- « son tout ce que je pouvais prévoir être ué- « cessaire pour le secours de tous les deuir. « Je ne vous ferai point le dtrtail du reste ; « ce n'est pas de cela qu'il est question. 11 « était deux heures après minuit avant que « nous ayionseu ni l'un ni l'autre un rao— « ment de relâche. Faitin nous sonunes re— « venus avant le jour dans notre asile ici « proche, oCi nous avons alleadu l'heure dfr « votre réveil pour vous rendre compte d& «, noire accident ». Je me tais sans rien ajouter. Mais avant que personne parle , Emile s'approche de sa mnkrcssc , élève la voix , et lui dit avec plus de fermeté que je ne m'y serais attendu : Sophie , vous êtes l'arbitre de mon sort , vous le savez bien. Vous pouvez me faire mourie de douleur; ntais n'espérez pas me faire ou- h' er les droits de l'humanité : ils me soni pins sacrés que les vôtres; je n'y renoncerai jamais pour vou». C 6 48 É M I L E. Sophie , à ces mots , au-lieu de répondre , se lève , lui passe un hrasautour du cou , lui donne un baiser sur la joue , puis lui ten- dant la main avec une ^râcc inimitable, elle lui dit : Emile j prends cette main, elle est à toi. Sois, quand tu voudras, mon époux et mon maître. Je tàclK-rai de mériter cet Loniicur. h peine l'a-t-elle embrasse' que le père en- cbanté frappe des mains en criant his , his ; et Sopliie , sans se iaire presser, lui donne aussitôt deux baisers sur l'aulrr jonc ; mais presque au nicnic instant, rUravéc oc tout ce qu'elle vient de faire, elle se sauve dans les bras de sa mère , et cache dans ce sein ouaternel son visage enUanimé de honte. Je ne décrirai point la commune joie, tout le moitdc la doit sentir. Après le dînt-, Sn~ pliic demande s'il y aurait trop loin pour aller voir ces pauvres malades. Sop/iie le désire et c'est une bonne oeuvre : on y va. On les trou- A'c dans deux lits sépares ; Emile en avait fait Apporter un : on trouve autour d'eux du ivionde pour les soulager; Emile y avr.it pour- vu. Mais au surplus tous deux sont si m^l en ordre qu'ils souffrent autant du mal-aise q^ne de leur ctat. Sophie se fait donner uu L I V R E V. 49 tablier de la bonne femme , et va la ranger dans sou lit; elle en fait ensuite autant à rhoinme ; sa main douce et légère sait aller cliercher tout ce qui les blesse, et faire poser plus molleraciit leurs membres endoloris. Ils se sentent déjà soulagés à son approche, ou dirait qu'elle devine tout ce qui leur fait mal. Celte fille si délicate no se rebute ni delà mal- propreté ni de la mauvaise odeur , et sait faire disparaître l'une et l'autre sans mettre personne en oeuvre, et sans que les malades soient tourmentés. Elle qu'on voit toujours si modeste et quelquefoissi dédaigneuse , elle qui pour tout au monde n'aurait pas lou- ché du bout du doigt le lit d'un homme , retourne et change le blessé sans aucun scru- pule , et le met dans une situation plus com- mode pour y pouvoir rester long-temps. Le zèle de la charité vaut bien la modestie ; ce qu'elle fait , elle le fait si légèrement et avec l.uit d'adresse qu'il se sent soulagé sansprcs- qucs'ètrenpcreu qu'on l'ait touché. La femme et le mari [)énisscni de concert l'aimable lillo (jui le;; sert, qui les plaint, qui les console. ("est un ange du ciel que Dieu leur envoie; elle en a la figure et la bonne grâce , elle eu a la douceur et la bonlé. Emile attendri la 5o EMILE. contemple eu silcuce. Honiuie, aime ta com- pagne : DiEO le la donne pour te consoler dans tes peines, pour te soulager dans tes uidiix : voilà la leinmc. On fait baptiser le nouveau m-. I,es deux amansle présentent, l)nilaiit au fond de leurs cœurs d'eu donner autant à laire à d'autres. Ils aspirent au nionient désiré ; ils croient J toucher, tous les scrupules de Sophie sont levés , mais les miens viennent. Ils ncw sont pas encore où ils pensent : il iant ([ue eliacuti ait son tour. Un matin (|u'ils ne se sont vus depuis doux jours, j'entre dans la chambre iVllmile wnç. lettre à la main , et je lui dis en le regardant fixement : (^)ue feriez-vous si l'on vous ap- prenait que Sophie est morte ? Il fait un grand cri, se lève en frappant des mains , et, sans dire, un seul mot, me regarde d'un œil rgare. Répondez donc, poursuis-|e aicc la nièuK' tranquillité. 7\lor>i irrite de mon sang- froid , il s apjiroche les yeux enllanniies de colère, cts'arretant diins nue atti tuile pres- que mcnarantc : (le que je ferais.... je n'en sais rien ; mais ce que je sais, c'est que je ne rcvcrrais de ma vie celui qui me l'aurait ap- pris. Rassurez-vous, ri [)oiids-iecn souriant : L I V R E V. 5i elle vit , clic se porte bien , elle pense à vous, et nous sommes attendus ce soir. Mais allons faire un tour de promeaade, et nous cau- serons, La p.Tssion dont il est préoccupé ne lui permet plus de so livrer conime auparavant à des entretiens purement raisonnes; il faut riutéresser par cette passion même à se rctidte attentif à mes leçons. C'est ce que j'ai fait par ce terrible préambule; je suis bien sûr maintenant qu'il m'écoutera. « Il faut être beureux . cher J^mi/e ; c'est « la fin de tout être sensible ; c'est le premier « désir que nous imprima la nature, et le « seul qui ne nous quitte jamais. Mais où « est le bonheur ? qui le sait ? chacun le « cherciie , nul ne le trouve, (hi use la vie t à le poursuivre, et l'on meurt sans l'avoir « atteint. Mon jeune ami , quand à ta nais- « sance je te pris dans mes i)!as , et qu'at- « testant l'être suprême de rengagement que «« j'osai contracter , je vouai mes )onrs au « bonheur des tiens , savais-jc moi-même à « quoi je m'engageais ^ non : je savais seu- « lemcnt qu'en te rendant heureux j'étais sûr « de l'être. En fesant pour toi cette utile re- « cherche, je la rendais commune à lousdcux. 52 EMILE. « Tant que nous ignorons ce que nous « devons faire , la sagesse consiste à rester « dans l'inaction. C'est de toutes les maxitues « celle dont l'hominc a ie plus grand besoin, « et celle ({u'il sait le moins suivre. Cherclier « le bonlieur sans savoir où il est, c'csts'cx- « poser à le fuir, c'c^t courir autant de ris- « ques contraires qu'il y a de routes pour « s'c'gnrcr. Mais il n'-ippartient pas à tout le « monde de savoir ne point agir. Dauslin- « quiétude où nous tient l'ardeur du hien- « être, nous aimons mieux nous tromper à « le poursuivre que de ne rien faire pour le « chercher , et sortis une fois de la jilace où « nous pouvons le connaître, nous n'y sa- « vous plus revenir. « A vec la même ignor.TTice j'essavai d'e- « viter la même faute. Eu prenant soin de « toi , je re-solus de ne pas faire un pas inu- « tile et de t'cmpcrher d'en faire. Je me tins « dans la route de la nature, en attendant « qu'elle me montrât celle du bonheur. Il « s'est trouvé qu'elle était la même, et qu'en « n'y pensant pas je l'avais suivie. « Sois mon témoin, sois mon juge, je ne « te récuserai jamais. Tes premiers ans n'ont « point çte' sacrifies à ciu\ qui les devaient LIVRE Y. 53 « suivre ; tu as joui de tous les biens que la « uatiue t'avait donnés. Des maux auxquels « elle t'assujettit, et dont j'ai pu te garantir, « tu n'as senti que ceux qui pouvaient t'eu- « durcir aux autres. Tu n'en as jamais souf- « fcrt aucun que pour en éviter un plusgrand. « Tu n'as connu ni la haine, ni l'esclavage. « Libre et content, tu es resté juste et bon : « car la peine et le vice sont inséparables , et « jamais l'homme ne devient méchant que « lorsqu'il est malheureux. Puisse le souvenir « de ton etifancc se prolonger jusqu'à tes « vieux jours : je ne crains pas que jamais « ton bon cœur se la rappelle sans donner « quelques bénédictions a la main qui la « gouverna. « Quand tu es entré dans l'âge de raison , « je t'ai garanti de l'opiniou des hommes ; « quand ton cœur est devenu sensible , je t'ai « préservé de l'empire des passions. Si j'avais « pu prolonger ce calme intérieur jusqu'à la « fin de la vie, j'aurais mis mon ouvrage en « si'uetc , et lu serais toujours heui-eux autant « qu'un honuuc peut l'élrc : mais , cher « Emile , j'ai eu beau tremper ton amc dans « le-Styx, je n'ai pu la rendre par-tout invul- « uc'rable ; il s'élcye ua nouvel ennemi quo 54 EMILE. « tu n'as pas encore appris à vaincre , etdont « je ne puis plus te sauver. Cet ennemi , c'est « toi-mcinc. La nature et la fortune l'avaient « laissé lil)re. Tu pouvais endurer la misère; « tu pouvaissupportcr les douleurs du corps , «c celles de l'ame t'étaient incouiuus; tu ne « tenais à rien qu'à la condiliou humaine , « et maintenant tu tiens à tous les altaclie- « mens que tu t'es donnés; en apprenant à « désirer, tu t'es rendu l'esclavede tes désirs, «t Sans que rien cliani;eeu toi , sans que rieu « t'odcnse, sans que rien toucheàton être, « que de douleurs peuvent nltaquer ton auu> ! « que de inauv tu peux sentir sans être ma- « lade ! que de morts lu peu\ sonlVrir sans « mourir. Un mei)son<:;e , une erreur , un « doute peut te mettre au désespoir. « Tu vo\ai> au theàlre les héros livrés à « des douleurs extiémcs , faire retentir la « scène de leurs ens insensés , s'aflli^er eouuuc « des feuuues, pleurer comuie des enlans , et « mériter ainsi les applaudissemnis publics. « Souviens-toi dn scandale que le causaient « ces lamentalious , ces cris , ces plaintes, « dausdes lionuuesdont on nedcvaitaltendrc « qne des actes de consianec et de fermeté. « (^uoi ! disais-tu tout uidigné , ce sont 1^ L I V R E V. 55 « les exemples qu'on nous donne à sulrre," « les modèles qu'on nous offre à imiter ! « A-t-on peur que l'hoiiirae ne soit pas assez « petit p assez malheureux , assez faible , si « l'eu ne vient encore encenser sa faiblesse « sous la fausse image de la vertu ? Mon « jeune ami , sois plus indulgent de'sormais « pour la scène : te voilà devenu l'un de ses « héros. « Tu sais scuiTrir et mourir ; tu sais endurer « la loi de la ne'cessité dans les maux physi- « ques , mais tu n'as joint encore impose de « lois aux appétits de ton creur , et c'est de « nos affections, bieu plus que de nos besoins, « que naît le trouble de notre vie. Nosde'sirs « sont e'teudus , notre force est presque « nulle. L'homme tient par ses vœux à mille « choses , et par lui-même il ne tient à rien , « pas même à sa propre vie ; plus il aug- « mente ses altacheniens plus il multiplie ses «t peines. Tout ne fait que passer sur la tene : « tout ce que nous aimons nous échappera « tôt ou tard, et nous y tenons comme s'il « devait durer éternellement. Quoi effroi sur « le seul soupçon de la mort de Sophie ! » As-tu donc compté qu'elle vivrait tou- « jours ? Ne meurt-il personne à son âge î 5^ EMILE. « Elle doit -tnourir , mon enfant , et pe;it- « élre avant toi. Qui sait si clic ist vi\aiileà « pif'scnt inêuj" ? La nature ne t'av^ait asservi « qu'à une seule mort; tu t'asservis à uno « seconde; te voilà dans le cas de mourir « deux fois. « Ainsi sonmis à les passions dcrcglc'cs^ m que tu vns rester à plaindre ! Toujours des « privations , loujours des pertes , toujours « des alarmes ; tu ne jouiras pas même de ce « qui le sera laissé. La crainte de tout perdre « t'empêchera de rien posséder; pour n'avoir « voulu suivre que tes passions, jamais tu ne « les pourras satisfaire. Tu chercheras tou- « jours le repos , il fuira toujours devant « toi ; tu seras mi."»crable et tu deviendra» « méchant; et comment pourrais-tu n» pas « l'être, n'ayant de loi que les désirs effrénés ? « Si tu ne peux supporter des privations invo- « Ion taircs,conunent t'en imposeras-tuvolon- « tairrment? Comment saiir;is-tu sacrifier lo « penchant au devoir , et résister à ton cœur « pour écouter ta raison ? Toi qui ne veux « déjà plus voir celui qui t'apprendra la mort « de ta maîtresse , comment verrais-tu celui « qui voudrait te l'ôter vivante , celui qui «^ t'oserait dire : Elle c»t morte pour toi , U L I V R E V. 5; « vertiî te sépare d'elle ? S'il faut vivre •c avec elle quoi qu'il arrive , que Sophie soit « marie'e ou non , que tu sois libre ou ne le « sois pas , qu'elle t'aime ou te haïsse , qu'on « te l'accorde ou qu'on te la refuse , ii'iui- « porte , tu la veux , il la faut posséder à « quelque prix que ce soit. Appreuds-moi « donc à quel crime s'arrête celui qui n'a de « lois que les vœux de sou cœur , et ne sait « résister à rien de ce qu'il désire ? « Mon enfant, il n'y a point de bonheur « sans courage , ni de vertu sans combat. Le « uiot de vertu vient de/o?ce ; la force est la « base de toute vertu. La vertu n'appartient « qu'à nn être faible par sa nature et fort par « sa volonté ; c'est en cela que consiste le « mérite de rhomme juste ; et quoique nous « appelions Dieu ban , nous ne l'appelons « pas vertueux , parce qu'il n'a pas besoin «t d'cQbrt pour bien faire. Pour t'expliquer « ce mot si profané , j'ai attendu que tu lusses « en état de m'en tendre. Tant que la vertu « ne coûte rien a pratiquer , ou a peu besoin « de la connaître. Ce besoin vient quand « les passions s'éveillent : il est déjà venu « pour toi. « En t'éleyaut daas toute la simplicité d« 58 EMILE. « la nature , au-lieu de te prêcher de péni- « blés devoirs , je t'ai garanti des vicci qui « rendent ces devoirs pénibles , je t'ai moins « rendu le nicusonge odieux qu'inutile , je « t'ai moins appris à rendre à chacun eu qui « lui appartient qu'à ne te soucier que d« « ce qui est à toi. Je t'ai lait plutôt boa « que vertueux : mais celui qui n'est que bon « ne demeure tel qu'autant qu'il a du plaisir « à l'être : la bonté se brise et péril sous le « choc des passions humaines ; l'homme qui « n'est que bon n'est bon que pour lui. « (Qu'est-ce donc que l'homme vertueux ? « c'estcelui qui sait vaincre ses aiïections. Car « alors il suit sa raison, sa conscience, il fait « son devoir , il se tient dans l'ordre, et rien « ne l'eu peut écarter. Jusqu'ici tu n'étais «t libre q\i'cn apparence ; tu n'avais que la « liberté précaire d'un csclaveàqui l'on n'a « rien commandé. Maintenant sois libre eu « effet ;appreudsà devenir ton propremaitre; « conuuandeà ton cœur, ô Emile , et tuseras « vertueux. « Voilà donc un autre apprentissage à « faire , et cet appreutissa^c est plus pénible « que le premier : car la nature nous délivre « des maux qu'elle uou* impo»e , ou nous L I V R E V. 59 « apprend à les supporter ; mais elle ne nous « dit rien pour ceux qui nous viennent de « nous ; elle nous abandonne à nous-mêmes • « elle nous laisse, victimes de nos passions, « succomber à nos vaines douleurs , et nous « glorifier encore des pleurs dont nous au- « rions dû rougir. « C'est ici ta première passion. C'est la « seule , peut-être , qui soit di^ne de toi. Si « tu la sais régir en hounnc, elle sera iader- « nière; tu subjugueras toutes les autres, et « tu n'obéiras qu'à celle de la vertu. « Cette passion n'est pas criminelle , je le « sais bien; elle est aussi pure que les auies « qui la ressentent. L'iionnctetc la forma « l'innocence l'a nourrie. Heureux amans ! « les charmes de la vertu ne font qu'ajouter « pour vous à ceux de l'amour; et le doux « lien qui vous attend n'est pas moins le « prix de votre sagesse que celui de votre « attachement. Maisdi.s-raoi homme sincère , « cette passion si pure t'en a-t-clle moins « subjugué ? T'en cs-tu moins r-ndu Tcs- « clave ? et si demain elle cessait d'être inno- « ccntc , rétouQerais-tu dès demain ? C'est « à présent le moment d'essayer tes forces; * il u'cst plus temps quand il les faut cm- 6o É M I L È. « ployer. Ces dan^-^crcnx essais doivent s» « faire loin du péril. On ne s'exerce point au « combat devant l'ennemi ; on s'y prépare « avant la guerre; on s'y présente déjà tout « préparé. « C'est une erreur de distinguer les passions « eu permises et diiciuliu-s , pour se livrer « ans premières et se refuser aux autres. « Toutes sont bonnes quand on eu reste le « maître , toutes sout mauvaises quand ou « s'y laisse asujeltir. Ce qui nous est délendu « par la nature, c'est d'étendre nos attiche- « meus plus loin que nos forces -, ce qui nous « est délendu par la raison , c'est de vouloir « ce que nous ne pouvons obtenir ; ce qui * nous est défendu par la conscience n'est « pas d'être tentés , mais de nous laisser « vaincre au\ tentations. Il ne dépend pas « de nous d'avoir ou de n'avoir pas des pas- « sions ; mais il dépend de nous de régner « sur elles. Tous les sentimens que nons * dominons sont légitimes , tous ceux qui « nous dominent sont criminels. Un homme « n'est pas coiipable d'aimer la feuune d'au- « trui , s'il tient cette passion malheureuse * asservie à la loi du devoir : il est coupable d'aitticr L I V R E V. 6e « d'aîincr sa propre femme au point d'im- « moier tout à cet amour. « N'attends pas de moi de longs préceptes » de morale , je n'en ai qu'un seul à te donner, j» et celui-là comprend tous les ai; très. Sois « liomuic ; retire ton coeur dans les bornes « de ta condition. Etudie et connais ces « bornes ; quelque étroites qu'elles soient , « ou n'est point malheureux tant qu'on s'y « renferme : ou ne l'est que quand on veut « les passer; on l'est quand, dans ses de'tirs « insensés, on met au rang des possibles ce « qui ne l'est pas ; on l'est qn^id ou oublie « son état d'homme pour s'en forger d'ima- « ginaircs , dcisquels on retouibe toujours « dans le sien. Les seuls biens dont la jjri- « vatiou coûte sont ceux auxquels on croit « avoir droit. L'évidente impossibilité de les « obtenir en détache, les souhaits sans espoir « ne tourmentent point. Ungueux n'cstpoint ■» tourmenté du désir d'être roi; un roi no «c veut ctic dieu que quand il croit u'ctre « plus homme. « Les illusions de l'orgueil sont la source K de nos plus grands maux : mais la contcm- « plation de la misère humaine rend le sage « toujours modéré. Il se tieut à sa place , il Éini/c. Tome IV, D 6a EMILE. « ne s'agite point pour en sortir , il n'use « point inutilsuient ses forces pour jouir de * ce qu'il ne peut conserver , et les employant « toutes à bien posséder ce qu'il a , il est ea « elFct plus puissant et plus ricliedc tout ce « qu'il désire de moins que nous. Etre mortel « et périssable , irai-')e me former des nœuds « éternels sur cette terre où tout chaude , où « tout passe, et dont je disparaîtrai deniam ? « O Emile ^ô mon fils ! en le perdant que me « resterait-il de moi ? et pourtant il faut que « j'apprenne à te perdre : car qui sait quand « tu me se tas 6 té ? « Veux-tii donc vivre beureux et sa^jc ? « n'attache ton cœur qu'à la beauté qui ne « périt point : que ta condition borne tes « désirs , (jue tes devoirs aillent avant tes pen- « cbaus ; étends la loi de la nécessité aux «t choses morales ; apprends à perdre ce qui « peut t être enlevé : apprends à tout quitter « quand la vertu l'ordonne , à le mettre au- « dissus des événemeii» , à détacher ton cœur « sans qu'ils le déchirent , à être courageux « dans l'adversité, alin de n'être jamais misé- « rable; a être ferme dans ton devoir, afi» « de n'être jamais criminel. Alors tu seras « heureux malgré la fortune , et sage malgré L I V R E V. 63 « les passions. tMois tu trouveras dans la « possession même des biens fragiles une « volupté que rien ne pourra troubler; tu « les poîse'deras sans qu'ils te possèdent , et « tu sentiras que l'homme à qui tout échappe « ne jouit que de ce qu'il sait perdre. Tu « n'auras point , il est vrai , l'illusion des « plaisirs imaginaires ; tu n'auras point aussi « les douleurs qui en son tle fruit. Tu gagneras « beaucoup à cet échange , car ces douleurs « sont fréquentes et réelles , et ces plaisirs « sontraresetvains. Vainqucurde tantd'opi- « nions tromiieuses , tu le seras encore de « celle qui donne un si grand prix à la vie. « Tu passeras la tienne sans trouble et la ter- « mineras sans efîVoi : tu t'en détacheras « comme de toutes choses. Que d'autres saisis « d'horreur pensent en la quittant cesser « d'être ; instruit de son néant , tu croiras « commencer. La mort est latin delà vie du « méchant, et le commencement de celle du « juste » j&'miVf m'écoute avec une attention mêlée d'inquiétude. Il craint à ce préambule quel- que conclusion sinistre. Il pressent qu'en lui montrant la nécessué d'exercer la force de l'amc, je veux le soumettre à ce dur exercice, D 2 C4 EMILE. et comme un blcs.^é qui ficinit en voyant approcher le chirmgicn , il croit dcjà sentir sur sa plaie la main douloureuse, mais salr- taire , qui l'cmpéclic de tomber eu cor- ruption. Incertain , trouble , presse' de savoir où j'en veux venir, au-litu de repondre, il m'interroge, mais avec crainte, (^ue faut-il faire, me dit-il presqu'cn tremblant, et sans oser lever les yiux ? Ce qu'il faut faire ! re'pondis-jc d'un ton forme, il laut q-iltter Sophie. <^i'C dius-vons? sVcrie-il avec em- portement; quitter Sophie! la quitter, la tromper , cire un traître , uu fourbe , un parjure!.... (^)uoi ! roprends-jc en l'interrom- pant; c'est de moi qu'/^wi/f craint dap- prcndre à mériter de pareils noms ? Non , continue-t-il avec la même impeluosile, ni de vous, ni d'un autre: ]t saurai , malgré vous, conserver voire ouvrage; je saurai ne les pas tueriter, .Te \\\t suis attendu a celte première furie: je la laisse passer sans m'c'nu>uvoir. Si je n'avais pas la modcralion quo je lui préclie, j'aurais bonne gv.^ce à la lui préclier ! Emile me connaît trop pour me croire Ciipahlc d'exiger de lui lien qui soil mal , et il sait L I V p. E V. 6h bien qu'il ferait mal de quitter Sophie, dans le sens qu'il donne à ce mot, II attend fcnfia que je m'explique. Alors je rcpieuds mou discours. « Croycz-vou?, clier Emile, qu'un liomme ;, « en quelque situation qu'il se trouve , puisse « être plus heureux que tous Ictcs depuis « trois mois ? Si vous le croyez , de'trompez- « vous. Avant de goûter les plaisirs de la vie , « vous en avez épuisé le bonheur. Il n'y a <- rien au-delà de ce que vous avez senti. La « iVilicitc des sens est passagère. L'éLît habi- « tucl du cœur y perd toujours. Vous avez « plus joui par l'espérance , que vous uer « jouirez jamais en réalité. L'imr.giuatiou , « qui parc ce qu'on désire, l'abaudonne dans « la possession. Hors le seul être existant par « lui-nicme , il n'y a rien de beau que ce qui « n'eïtpas.Si cet état eut pu dtircr toujoiirs, « vous aiuicz trouvé le bonheur suprême. « ]V1ais (ont ce qu. tient à l'iioiunio se seut « de sa caducité; tout c:;t (iui , tout est ])as- « s.iji^erdaus la .vie humaine, et quand l'état « qui nous rend heureux durerait sansccss»^, « l'hahitud.: d'en jouir tiens en ôlerait 1» «t goût. Si rien ue change au-dchors , le cœur U 'i 66 EMILE. « change ; le bonheur non? quitte , ou nous « le quittons. « Le temps que tous ne mesuriez pas « s'écoulait durant votre délire. L'été finit, « l'hiver s'approche. Quand nous pourrions « continuer nos courses dans une saison si « rude, on ne le souffrirait jamais. H fant « bien, malgré nous, cliangei de manière de « vivre; celle-ci ne peut plus durer. Je vois « dans vos yeux impatiens que cette diffi- « culte ne vous embarrasse guère : l'aveu de « Sophie et vos propres désirs vous suggèrent « un moj-cu facile d'cViter la neige, et do « n'avoir plus de voyage à faire pour l'aller « voir. L'expédient est commode -^ans doute; « mais !c printemps venu , la neige fond et « le maiiage reste; il y faut penser pour « toutes les saisoiis. « Vous voulez < pou«er So/'/iic, et il n'y a « pas cinq mois que vous la connaissez ! « Aous voulez lépouser, non parce qu'elle « vous conviciU , P.ais parce qu'elle vous «. plaît ; comme si l'umoui; no sr trompait « jamais <;ur les convenances , et que ceux « qui commencent par s'aimer ne finissent « jamais par se hiVr? Elle est vertueuse, je « le sais ; mais en Cbt-ce a .iz? sulTit-il d'ctro L I V R E V. 67 « hoiiRétes gens pour se convenir? ce n'est « pas sa vertu que je mets en doute , c'est son « caractère. Celui d'une femme se montrt-t-il « en un jour ? Savez-vo-us en combien de « situations il faut l'avoir vue pour connaître « à fond son humeur ? Quatre mois d'atla- « chement vous rëpoudent-ils de toute la « vie ? Peut-être deux mois d'absence vous « feront-ils oublier d'elle; peut-être un autre « n'attend-il que votre êloignemcnt pour « vous effacer de son cœur ; peut-être à votre « retour la trouverez-vous aussi indifférente « que vous l'avez trouvée sensible jusqu'à « préseut. Les scntimcns ne dépendent pas « des principes; elle peut rester fort honnête, « et cesser de vous aimer. Elle sera cous- « tante et fidelle , je penche à le croire ; mais « qui vous répond d'elle et qui lui répond « de vous , tant qtic vous ne vous êtes point « mis à l'cprcuve ? Attendez -vous pour « cette épreuve , qu'elle v-jus devienne « inutile ? A ttendcz- vous pour vous con- « naître , que vous ne puissiez plus vous « séparer? « Sophie n'a pas dix-huit ans, à peine en « passez-vous vingt-deux ; tet âge est celui « de l'amour , mais non celui du ii.ariage. 62 E M I L E. « Quel père et quelle lucrc de fauiillc! Eh! « pour savoir élever des ciifans , atlcndez au- « moins de cesser de rèlrc ! Savcz-vons à « combien de jeunes personnes les fatigues de « la grossesse supportées avant 1 âge ont « affaibli la constitution ^ ruiné la santé, « abrégé la vie ? Savez-vous combien d'eii- « fans sont restés laiiguissans et faibles , faute « d'avoir été nourris dans un corps assez « formé? Quand la mère et l'enfant croissent « h-la-fois, et que la subslancc nécessaire à « raccroisscmcnt de chacini des dcnv se par- « tagc, ni l'un ni l'autre n'a ce que luidesti- « nait la nature : comment se peut-il que tous « dmx n'en soulTient pas ? Ou je connais fort « mnl^w/Vt", ou il aimera mieux avoir une « femme et des ciifans robustes , que de con- « tenter son impatience aux dépens de leur « vie et de leur santé. « Parlons de vous. En aspirant h l'état « d'époux et de père , en avcz-vous bien « médité les devoirs? En devenant chef de « famille , vous allez devenir membre do « ri'^tat , et qu'est-ee qu'être membre de « l'Etat, le savez-vous? savez-vous ce que « c'est que gouvernement , lois , patrie ? « savez-vous à quel pris il vous est permis LIVRET. €^ « de vivre, et pour qui vous devez mourir ; « Vous croyez avoir tout appris , et vous « ne savez rieu eucore. Avant de prendre « une place daus l'ordre civil, apprenez à « le connaître et à savoir quel rang vous y « convient. « Emile, il faut quitter Sophie; ;c u» « dis pas l'abandonner: si vous eu étiez « capable , elle serait trop heureuse de ne ' « vous avoir point épousé; il la faut quit- « ter pour revenir digne d'elle. Ne soyez pas (c assez vain pour croire dé)à la me'ritcr. O « combien il vous reste à faire ! venez remplir « cette noble tâcbe: venez apprendre à sup- « porter l'absence ; venez soigner le prix de « la fidélité , atin qu'à votre retour vous « puissiez vous honorer de quelque ciiose « aupr€S d'elle, et deujander sa main , nou * comme une grâce , mais comme une recom- « pense ». Non encore exerce' à lutter contre lui- même, non encore accoutumé a désirer une chose et à en vouloir une autre, le jeune homme ne se rend p.^s ; il résiste , Il dispute. Pourquoi se reluserait-il au bonlicurqui l'at- tend ? Ne serait-ce pas dédaii^ner la uiaio qui lui est oUertc que de tarder à l'accepter? 70 EMILE. Qii'est-il besoin de sVloignrr d'elle pour s'Ins- truire de ce qu'il doit savoir ? Et quand cela serait nécessaire , pourquoi ne lui laisse- rait-il pasdansdfs nœuds indissolubles le gage assuré de son retour? Ou'il s-oit son épouY, et il est prêt à me suivre; qu'ils soient unis , et il la quitte sans crainte Vous unir pour vous quitter , cher Emile,, quelle contradic- tioa ! Il est beau qu'un amant puisse vivre sans sa maîtiesse , mais un mari ne doit jamais quitter sa femme sans nécessite'. Pour guérir vos scrupules , je vois que vos délais doi- vent être involontaires : il faUt que vous puissiez dire à Sophie que vous la quittez malgré vous. Hé bien soyez content , et puisque vous n'obéissez pas b la raison , reconnaissez un anlfe maître. Vous n'avez pas onblié l'engagement que vous avz pris avec moi. Emile , il faut quitter Sophie: je le veux. A ce mot , il baisse la tctc , se tnît , rêve tiu moment , puis nie regardant avec nssu- ranee , il me dit : Quand partons-nous ? Dans huit jours , lui dij-je ; il faut préparer Sopliie à ce départ. Les femmes sont plus faibles , on leur doit des uu'nagemeus , et cette absence n'étant pas un devoir pc.ur elle, L I V R E V. yr comme pour vous , il lui est permis de la supporter avec moins de courage. Je ne suis que trop tenté de pr. longer jusqu'à la séparation de mes jeunes geus le journal de leurs amoui-s ; mais j'abuse de- puis long-tems de l'iirdulgeucc des lecteurs : abrc-gcons pour iiiiir une fois. Emile osera-t-il porter aux pieds de sa mai tresse la jnéiue assurance qu'il vient de montrer à son ami? Pour moi , je le crois ; c'est de la vérité même de son amour qu'il doit tirer cette assurance. Il serait plus confus devant elle , s'il lui ca coûtait moins de la quitter; il la quitterait eu coupable, et ce rôle est toujours eui!>ar- rassant pour un cœur honnête. Mais pins le sacrifice lui coûte , plus il s'en honore aux yeux de celle qui le lui rend pénible. Il n'a pas peur qu'elle prenne le change sur le motif qui le détermine. Il semble lui dire à chaque regard: O Sophie ! lis dans mon cœur , et sois lideJle ; tu n'as pas un amaut sans vertu. La hère Sophie , de son côté , (âclic de supporter avec dignité le coup imprévu qui la frappe. Elle s'eQûrce d'y paraître in- sensible ; mais comme elle n'a pas , ainsi qu'Emile , l'honneur du combat et de la y2 É isr I L E. victoire , sa fermeté se soutient moins. Elle pleure , elle ^émit en dcpit ircUc , ctlalVayeur d'êlre'oublice aigrit la douleur de la sépa- ration. Ce n'est pas devant son amant qu'elle pleure , ce n'est pas à lui qu'elle montre ses frayeurs ; elle étouiïcrait plutôt que délaisser échapper un soupir en sa picsence ; c'est moi qui rccoi* ses plaintes , qui vois ses larmes, qu'elle aHcctc de prendre pour confulent. Les feumics sont adroites et savent se dé- guiser /plus elle murmure eu secret contre ,na tyrannie , plus elle est attentive à me *flattc"r ; elle sent que son sort est dans me» niai us. Je la console , je la rassure , je lui re- ponds de son amant , ou plutôt de son époux : qu'elle lui garde la même ndcHité qu'il aura pour elle et dans deux ans il le sera, je le jure. Elle m'eslime assez pour croire que je jic veux pas la tromper. Je suis garant de cliacuu des deux envers l'autre. Leurs-cœurs , leur vertu , ma probité , la coniiance de leurs parens , tout les rassure ; mais que sert la raison contre la faiblesse ; ils se séparent comme s'ils ne devaient plus se voir. C'est alors que Sophie se rappelle les re- grets d'Eucharis, et se croit rccllcment à sa place L I V R E V. 73 place. Ne laissons point durant l'absence ré- veiller ces fantasques amours. Sophie , lui dis-je un jour, faites avec Emile un échange de livres. Doiincz-lui votre Ttléuiaque , atiii qu'il apprenne à lui ressembler, et qu'il vous donne le Spectateur , dont vous aimez la lecture. Etudiez -y les devoirs des honnêtes femmes , et songez que dans deux ans ces devoirs seront les vôtres. Cet échange plaît à tous deux et leur donne de la coutjauce. Enfin vient le triste jour, il faut se sé- parer. Le digne père de Sophie^ avec lequel j'ai tout concerté , m'embrasse en recevant mes adieux; puis me prenant à part, il me dit ces mots d'un ton grave et d'un accent un peu appuyé : « J'ai tout fait pour vous com- » ])laire ; je savais que je tiait;iis ayec un » homme d'honneur : il ne me reste qu'un » mot à vous dire. Souvenez-vous que votre » élève a signé son contrat de maria^-e sur » la bouche de ma tille. >> Quelle différence dans la contcna:ice des deux amans! Emile impétueux ^ ardent agité , hors de lui , pousse des cri.s , verse des torrcns de pleurs sur les mains du père, d» Ja mère , de la hlle , embrasse eu sanglottaut Emile. Tome IV~. £ 74 EMILE. tous les gens de la maison , et répète mille fois les mêmes ehoses avec un desordre qui ierait rire cii toute autre occasion. Sophie morne, paie, l'œil cleint , le regard sombre, reste en repos, ne dit rien, ne pleure point, ne voit personne , pas même Kinile. Il a beau lui prendre les mains ^ la presser dans ses bras, elle reste inuuobilc, insensible à ses pleurs, à ses caresses, à tout ce qu'il fait; il est d(-')à parti pour elle. Combien cet objet est plus touchant qnc la plainte im- portune et les rej^rets bruyans de son amant! Il le voit , il le sent, il en est navré : je l'entraîne avec peine : si je le laisse encore un mouuMit , il no voudra plus partir. Jo suis charmé qu'il emporte avec lui celle triste imai^c. vSi jamais il est tenté d'oublier ce qu'il doit à Sophie , en la lui rappelant telle qu'il la vit au moment de son départ, il faudra qu'il ait le cœur bicu alicuc si je ucle ramène pas à clic. L I V R E V. y5 DES VOYAGES. Vy N dcmaude s'il est bon que les jeunes gcus voyagent , et l'on dispute beaucoup là- dcssns. Si l'oa posait autrement la ques- tion , et qu'on demandât s'il est bon que les hommes aieu.t voyagé , peut-être ne dispu- terait-on pas tant. L'abus des livres tue la science. Croyant savoir ce qu'on a lu , on se croit dispense' de l'apprendre. Trop de lecture ne sert qu'à faire de prc'soinptueux ignorans. De tous les siècles de littérature , il n'y cti a point eu où l'on lût tant que dans celui-ci , et point où l'ou fût moins savant: de tous les pays de l'Eu- rope, il n'y en a point où l'on imprime tant d'histoires, de relations de voyages, qu'en France, et point où l'on connaisse moins le génie et les mœurs des autres na- tions. Tant de livres nous font )icgliger le livre du inonde , ou si nous y lisons encore , chacun s'en tient à son feuillet, (^uand le mot peut-on être Persan me serait inconnu , ie devinerais , à l'entendre dire, qu'il vient du E3 ,,6 É M I L E. pays où les préjuges nationaux sont le plu» eu règue , et du sexe qui les propage 1« plus. Un Parisien croit connaître les hommes, et ne connaît que les Français ; dans sa ville , toujours pleine d'étrangers, il regarde cliaqu» étranger comme un ])lu'nomène extraordi- naire qui n'a rien d'égal dans le reste de l'univers. Il faut avoir vu de près les bourgeois de cette grande ville, il faut avoir vécu chez cwx pour croire qu'avec tant d'esprit on puisse être aussi stupidc. Ce qu'il y a de bi/arre est que chacun d'eux a lu dix fois, peut-être , la description du pays dont un habitant va si fort l'émerveiller. C'est trop d'avoir à percer à-la-fois les pré- jugés des auteurs et les nôtres pour arrivera la vérité. J'ai passé ma vie a lire des relations de vova^e , et je n'en ai jamais trouvé deux qui m'aient donné la même idée du même peuple. En comparant le peu que je ])Ouvais observer avec ce que j'avais lu , j'ai lini par laisser là les voyageurs , et regretter le tempsque j'avais donné pour m'insiruire h leur lecture, bien convaincu qu'en fait d'observation de tout» espèce il ne faut pas lire, il faut voir. Cela serait vrai daus cclto occasiou , quaud tous L I V R E V. 77 les royngeurs seraient sincères, qu'ils ne di- raient que ce qu'ils ont vu once qu'ils croient, et qu'ils ne déguiseraient la vérité' que par les fausses couleurs qu'elle prend à leurs yeuv. (^ue doit-ce être quand il la faut deuiélcr encore à travers leurs mensonges et leur mau- vaise foi ? Laissons donc la ressource des livres qu'on nous vante à ceux qui sont faits pour s'en contenter. Elle est bonne, ainsi que l'art de llaimond Lnlle , pour apprendre à baljiller de ce qu'on ne sait point. Elle est bonne pour dresser des Platons de quinze ans à philosopher dans des cercles , et à instruire une compagnie des usages de l'Egypte et des Indes , sur la foi de Paul Lucas ou do Tarernier. Je liens pour niasime incontestable, que quiconque n'a vu qu'un peuple , au-lieu de connaitreles liouuncs , ne connaît quelesgens avec lesquels il a vécu. Voici donc encore une autre manière déposer la même question des voyages. Sudit-il qu'un homme bien élevé ne connaisse que ses compatriotes , ou s il lui importe de connaître les liomuics eu général ? 11 ne reste plus ici ni dispute ni doute. Voyez cumbicn la solution d'une question diilitilc E3 78 E M I L E. dc'pcnd quelquefois de la manière de la poser ! Mais pour étudier les hommes faut - il parcourir la terre euti<";re ? Faut-il aller au Japon observer les Européens ? Pour con- naître l'espèce faut-il connaître tous les indi- vidus ? Non , il y a des hommes qui se res- semblent si fort que ce n'est pas la peine do les étudier séparément, gui avudix Français les a tous vus; quoiqu'on n'en puisse pas dire autantdcs A nt^lais et de quelques autres peuples, il est pourtant certain que chaque nation a son caractère propre et spécifique, qui se tire par induction, non de l'observa- tion d'un seul de ses membres , mais de plusieurs. Celui qui a comparé dix peuples connaît les honuncs, comme celui qui a vu di,\ Français connaît les Français. Il ne suffit pas , pour s'instruire, de courir les pays , il faut savoir voyager. Pour ob.-ierver il faut avoir des yeux , et les tourner vers l'objet qu'on veut coimaîtrc. 11 y a beaucoup de {];ens que les voyages instruisent encore moins que Icu livres, parce qu'ils ignorent l'art de penser, que dans la lecture leur esprit est au-moins guidé par l'auleur, et que dans leuri; voyages , ils ne savent rieu voir d'cnx- L I V R E V. 79 mêmes. D'antres ne s'instruisent point parce qu'ils ue vcvilent point s'instruire. Leur objet est si diRerent que celui-là ne les frappe guère; c'est grand hasard si l'on voit exactement ce qu'on ne se soucie point de regarder. De tous les peuples du monde le Français est celui qui voyage le plus , mais plein de ses usages , il confond tout ce qui n'y ressemble pas. Il y a des Français dans tous les coins du monde. Il n'y a point de pays où l'on trouve plus de gens qui aient voyage qu'on en trouve en ^ France. Avec cela pourtant, de tous les peu- ples de l'Europe, celui qui en voit le pins les connaît le moins. L'Anglais voyage aussi, mais d'une autre i7iauière-, il faut que ces deux peuples soient contraires en lout. La noblesse anglaise voyage , la noblesse fran- çaise ne voyage point : le peuple français voyage , le j^puplc anglais ne voj'age point. Cette différence me paraît lionorable au der- nier. Les Français ont presque toujours quel- ques vues d'intérêt dans leurs voyages: mais les Anglais ne vont point chercher fortune chez les autres nations , si ce n'est par le commerce et les mains pleines ; quand ils y voyagent, c'est pour y verser leur argent , lion pour vivre d'industrie ; ils sont trop i^4 8« E M I L F. fiers po\ir aller ramper hors de clicz eux' 6cla fart aussi qu'ils s'instruisent mieux chez l'e'tranger que ne font les Français qui ont un tout autre objet en tête. Les Anglais ont pourtant aussi leurs préjugés nationaux; ils en ont même plus que personne; mais ces préjug.és tiennent moins a l'ignorance qu'à la passion. L'Anglais a les préjugés de l'or- gueil , et le Français ceux de la vanité. Comme les peuples les moins cultivés sont généralement les plussagcs,ccux qui voyagent le moins, Tovagcnt le mieux ; parce qu'étant moins avancés que nous dans nos rcclicrches frivoles , ctmoiîis occupés des objets de notre >aine curiosité, ils donnent toute leur atten- tion à ce qui est véritahicmcnt utile. Je ne connais guère que les Espagnols qui voyagent dccelfe manière. Tandis qu'un Fr.Tncaiscourt chez les artistes d'un pavs, qu'un Anglais en fait dessiner quelque antique , et qu'un Alle- mand porte son alhiiiii ch< z tous les sa vans, l'Espagnol étudie eu silence le gouvernement , les mœurs, la police, et il est le seul des quatre qui , de retour chez lui , rapporte de ce qu'il a vu quelque remarque utile à son pays. Les aucicnsvoyageaient peu, lisaient peu, L I V R E V. 8r fesaicnt peu de livres , et pourtant ou voit dans ceu\ qui nous restent d'eux , qu'ils s'ol>seivaient mieux les vins les autres que nous n'observons nos contempoi-ains. Sans remon- ter aux écrits ù'Homcre ^ le seul poète qui nous transporte dans les pays qu'il décrit , on ne peut refuser à Hérodote l'honneur d'avoir peint les mœurs dans son histoire , quoiqu'elle soit plus en narrations qu'en ré- flexions , mieux que na font tons nos his- toriens, en chargeant leurs livres de portraits et de caractères. Tacite a mieux décrit les Germains de son temps qu'acun écrivain n'a décrit les Allemands d'aujourd'hui. Incou- tcs(ai)leiiicnt ceux qui sont versés dans l'his- toire ancienne connaissent mieux les Grecs, les Carthaginois , les Romains, les Gaulois, les Perses, qu'aucun peuple de nos jours ne connaît ses voisins. 11 faut avouer atissi que les caractères originaux des peuples s'effaçant de jour en jour deviennent eu même raison plus diffi- ciles à saisir. A mesure que les races se mêlent, et que les peuples se confondent, on voit peu à peu disparaître ces diflérences nationales qui frappaient jadis au premier eoup-d'ocil. Autrefois chaque nation restait £ 5 83 EMILE. plus renfermée en clic- même , il y nvait moins (le communications, juoius de voya- ges , moins d'intercts communs ou contraires, moins de liaisons politiques et civiles de peuple à peuple ; point tant de ces tracasseries royales appelées négociations, point d'am- bassadeurs ordinaires ou résidons continucl- lemenl ; les grandes navigations étaient rares, il y avait peu de commerce éloigné, et le peu qu'il y en avait était fait par le priucc même qui s'y servait d'étrangers , ou par des gens méprisés qui ne donnaient le toa à personne, et ne rapprochaient point les nations. Il y a cent fois plus de liaison main- tenant entre l'Europe et l'.Xsie, qu'il n'y en avait jadis entre la Gaule et rEspn;^nr : l'Europe seule était plus éparse que la lerrc entière ne l'est aujourd'hui. j\ jouiez à cela que les anciens peiiplcs se regardant la plupart connue auloclitonos , ou originaires de leur propre pays, l'occu- paient depuis assez long- temps, pour avoir perdu la mémoire des sn":el( s reculés où leurs ancêtres s'y étaient établis , rt pour avoir laissé le temps au climat de faire sur eux des impressions durables ; au -lieu que parmi nous, après les iuvasious des Ilumaius, les LIVRE V. 83 récentes emigratious des barbares ont tout mêle ^ tout conroudu. Les Français d'au- jourd'hui ne sont plus ces grands corps blonds et blancs d'autrefois ; les Grecs ne soiît plus ces beaux hommes faits pour servir de modèic à l'art ; la figure des Romains cux-mcuies a changé de caractère, ainsi que leur naturel ; les Persans , originaire* de Tartarie , perdent chaque jour de leur lai>» dcur primitive, par le mélange du sang Cir- cassieu. Les Européens ne sont plus Gaulois, Germains, ibériens, Allobroges; ils ne sont tous que des vScythes diversement dégénérés quant à la (ignre^ et encore plus quant aux Wiœiirs. Voilà pourquoi les antiques distinctions des races, les qualités de l'air et du terroir, wiarquaient plus fortement de peuple à pcu2)Ie les tcmpéramens, les ligures, les mœurs, les caractères, que tout cela ue peut se marquer de nos jours, où l'inconstance européenne ue laisse à nulle cause naturelle le temps de l'aire ses impressions , et où les forets abattues, les marais desséchés, la terre plus uniformément, quoique plus mal cultivée, wc laissent plus , même au physique , la E 6 84 EMILE. iiiémc diffcicncc de terre à (erre, et de pavs à pays. Peut-être avec de semblables re'flexions se pressera it-o 11 moins de tourner en ridieni© Hérodote , Citsias , Pline , pour avoir représenté des habitans de divers pnys, avec des traits originaux et des difTcrences uiar- qucesqne nous ne leur vo\ uns plus. Il i. unirait retrouver les mêmes liounues, pour recon- naître en eux les mêmes lij^ures j il fandrait que rien ne les eut cbaniçcs , pour qu'ils fussent restes les mêuies. Si nous pouvions considérer à -la -fois tous les liouuues qui ont été, peut-on douter que nous ne les trouvassions plus variés de siècle à siècle, qu'on ne les trouve au)oiird hui de uatiuu à nation ? En uu'mc- temps que les observations de- viennent plus dilFiciles, elles se font pins néi^ligcmuient et plus mal ; c'est mic antre raison du peu de succès de nos reeberches dans l'bistoirc naturelle du genre-humain. L'instruction qu'on retire des voyages se rapporte ù l'obiet qui Us fait entreprendre, (^uaud cet objet est wn système de philo- sophie, le voyageur ne voit jamais que ce qu'il veut voir: quand cet oitjctest l'iutc'rct. LIVRET. 85 il absorbe toute l'attention de ceu-î qui s'y livrent. Le coramcice et les arts, qui mêlent et confondent les peuples , les cnipcchent aussi de s'ctndier. Quand ils savent le proût qu'ils peuvent faire l'un avec!' autre, qu'ont-ils de plus à savoir ? Il est utile à l'homme de connaître tous les lieux où l'on peut vivre, afin de choisir ensuite ceux où l'on peut vivre le plus com- modément. Si chacun se suffisait a lui-mcine, il ne lui importerait de connaître que le pays qui peut le nourrir. Le sauvage qui n'a besom de personne, et ne convoite rien au monde, ne connaît et ne cherche à connaître d'autres pays que le sien. S'il est foret- de s'étendre pour subsister, il fuit les lieux habités par les hommes; il n'en veut qu'aux bêtes, et n'a besoin que d'elles pour se nourrir. Mais pour nous à qui la vie civile est nécessaire, et qui ne pouvons plus nous passer de manger des hommes, l'intérêt de chacun de nous est do fréquenter les pays où L'on en trouve le plus. Voilà pourquoi tout adlue à Rome, à Pans, à Londres. C'est toujours dans les capitales que le sang humain se vend à meilleur mar- ché. Aiubi l'on uc couuaît que les grands ^5 EMILE. peuples, et les grands peuples se ressemblent tous. Nous avons, dit-on, dos savans qui voyagent pour s'instruire ; c'est une erreur. Les savans voyagent par intérêt comme les autres. Les Platons , les PytJiagores ne se trouvent plus, ou s'il y eu a , c'est bien loin de nous. Nos savans ne voyagent que par ordre de la cour ; on les dépccbc , ou les défraye , on les paye pour voir tel ou tel objet, qui, trcs-surcmcnt , n'est ])as un objet moral. Ils doivent tout leiu" temps à cet objet unique, ils sont trop honnêtes gr.is pour voler leur argent. Si dans quelque pays que ce puisse être, des curieux voyagent à leurs dépens, ce n'est jamais pour étudier les hommes, c'est pour les inslruire. Ce n'est pas de science qu'ils ont besoin, mais d'os- tentation. Comment apprendraient-ils dans leurs voyages à secouer le joug de l'opinion ? ils ne les font que pour dît-. Il y a bien de la différence entre voyager pour voir du pays , ou pour voir des peuples. Le premier objet est toujours celui des cu- rieux , l'autre n'est pour eux qu'accessoire. Ce doit être tout le contraire pour celui qui veut philosopher. L'tufantobscrvc les choses. LIVRE T. S7 en attendant qu'il puisse observer les hommes. L'hoinme doit commencer par observer ses semblalîles, et puis il observe les choses s'il en a le temps. C'est donc mal raisonner que de conclure que les voyages sont inutiles , de ce que nous "Voyageons mal. Mais l'utilité des voyages reconnue, s'ensuivra-t-il qu'ils conviennent à tout le monde ? Tant s'en faut j ils ne conviennent, au contraire, qu'à très-peu de gens : ils ne conviennent qu'aux hommes assez fermes sur eux-mêmes, pour écouter les leçons de l'erreur sans se laisser séduire, et pour voir l'exemple du vice sans se laisser entraîner. Les voyages poussent le naturel vers sa pente , et achèvent de rendre l'homme bon ou mauvais. Quiconque revient de courir le monde, est, à son retour, ce qu'il sera tonte sa vie j il en revient plus de mcchans que de bons, parce qu'il en part pins d'en- clins au mal qu'au bien. Les jeunes gens mal élevés et mal conduits contractent dans leurs voyages tous les vices des peuples qu'ils Iré- qucntent , et pas une des vertus dont ces vices sont mêlés : mais ceux qui sont hcu- rensement nés, ceux dont on a bien cultivé le bou naturel , et qui voyagent dans le vrai Sîî EMILE. dessein de s'instruire, reviennent, tons, meilleurs et plus sages qu'ils n'étaient partis, j^iiisi voyagera mon Emile : ainsi avait voyage' ce jeune liomme , digne d'un meilleur siècle, dont l'Europe étonnée admira le mé- rite, qui mourut pour son pays à la fleur de SCS ans, mais qui méritait de vivre, et dont la tomI)e, orriec de ses seules vertus, atten- dait pour être honorée qu'une main étrangère y semât des fleurs. Tout ce qui se fait par raison doit avoir SCS règles. Les voyages , pris comme une partie de l'cducation , doivent avoir les leurs. Voyager pour voyager , c'est errer , être vagabond ; voyager pour s'instruire , est encore un objet trop vague : l'instructioii qui n'a pas vn but déterminé, n'est rien. Je voudrais donner au jeune homme im intérêt sensible à s'instruire, et cet intérêt bien choisi fixerait encore la nature de Tins- truction. C'est toujours la suite de la méthode que j'ai tâché de pratiquer. Or, après s'être considéré par ses rapports physiques avec les autres êtres , par ses rapports moraux avec les autres hounnes, il lui reste à se considérer par ses rapports civils avec ses coucitoyens. 11 faut pour cela L I T R E V. 89 qu'il commence par étudier la nature du gouverneuient en général, les diverses formes de gouvernement, et enfin le gouvernement particulier sous lequel il est ne', pour savoir s'il lui convient d'y vivre : car par un droit que rien ne peut abroger, chaque homme en devenant majeur et maître de lui- ^ me, devient maître an-si d'o renoncer nu contrat par lequel il tient à la cominiinaute , en quittant le pays dans lequel elle est étaljlie. Ce n'est que par le séjour qu'il y fait après l'âge de raison , qu'il est censé conuriuer tacitement rengagement qu'ont pris ses an- cêtres. Il acquiert le droit de renoncer à sa patrie, connue à la succession de son père: encore, le lieu de la nais.sance étant un dou de la nature, ccde-t-on du sien en y renon- çant. Par le droit rigoureux chaque homme reste libre à ses risques en quelque lieu qu'il naisse, à moins qu'il ne se soumette volon- tairement aux lois, pour acquérir le droit d'en être protégé Je lui dirais donc, par exemple : Jusqu'ici vous avez vécu sous ma direction , vous étiez hors d'état de vous gouverner vous-même. ' Mais vous approchez de l'âge où les lois, •vous laissant la disposition de votre bien , 9^ E M I L E. vous rendent maître de votre personne ; vous allez vous trouver seul dans la société^ dépendant de tout, même de votre patri- moine. Vous avez en vue un établissement. Cette vue est louable , elle est un des devoirs de l'iiouime ; mais avant de vous marier, il fani savoir quel bomme vous voulezêtre, à quoi vous voulez passer voire vie, quelles mesures vous voulez prendre jiour assurer du pain à vous et à votre Tamille ; car bien qu'il ne faille pas faire d'un tel soin sa principale affaire, il y faut pourtant songer une fois. Voulez -vous vous engager dans la dépendance dos hommes que vous me- pr/sez ? Voulez-vous établir votre fortune ot iixer votre état par des relations civiles qui vous mettront sans cesse à la discrJtiou d autrui , et vous forceront , pour e'tliap- pcr aux fripons , de devenir fripon vous- même ? Là-dessus je lui décrirai tous les moyens possibles de faire valoir son bien , soit dans le commerce, soit dans les charges , soit dans la iiuance , rt je lui montrerai qu'il n'y on a pas un qui ne lui laisse des risques h courir, qui ne le mcttcdansunelat précaire ctdependant, et ne le force de régler ses mœurs , ses senti-' L I V R E V. 9T mens , sa conduite , sur l'exemple et les pre'- jugés d'autrui. Il y a , lui dirai-je , un autre moyen d'em- ployer son temps et sa personne ; c'est de se mettre au service, c'est-à-dire de se louer à très-bon compte , pour aller tuer des gens qui ne nous ont point fait de mal. Ce me'tier est en grande estime parmi les hommes , et ils font un cas extraordinaire de ceux qui ne sont bons qu'à cela. Au surplus , loin de vous dispenser des autres ressources, il ne vous les rend que plus nécessaires; car il entre aussi dans l'honneur de cet ëtat de ruiner ceux qui s'y dévouent. Il est vrai qu'ils ne s'y ruinent pas tous. La mode vient même insensi- blement de s'y enrichir comme dans les autres. Mais je doute qu'en vous expli- quant comment s'y prennent pour cela ceux qui réussissent , je vous rende curieux de les imiter. Vous saurez encore que dans ce métier même il ne s'agit plus de courage ni de valeur, si ce n'est peut-être auprès des femmes; qu'au contraire le plus rampant, le phis bas, le plus seivilcest toujours le plus honoré; que si vous vous avisez de vouloir faire tout de boa votre métier, vous serez méprisé, haï, 92 EMILE. chasse peut-être , tout au-moiiis accable' de ]>asse-droits et supplante- par tous vos cama- rades , pour avoir fait votre service à la tranchée, tandis qu'ils fcsaient le leur à la toilette. On se doute bien que tous ces emplois divers ne seront pas fort du goût d'Emile. Eh quoi ! me dira-t-il , ai-je oublié les jeux de mou enfance? ai-Je perdu mes bras ? ma force est-elle épuisée ? ne sais-je plus tra- vailler ? (^ue m'importent tous vos beaux emplois , et toutes les sottes opinions des hommes? Je ne connais point d'autre gloire que d'être bienfesant et juste; je ne connais point d'autre bonheur que de vivre iiidcpen» dant avec ce qu'on aime , en gagnant tous les jours de l'appélit et de la saule par son travail. Tous ces embarras dont vous me par- lez ne me touchent guère. Je ne veux pour tout bien qu'une petite métairie dans quel- que coin du monde. .Te mettrai toute mon avarice à la faire valoir , et je vivrai sans inquiétude. Sophie et mon champ , et je serai riche. l)ui , ninn ami , c'est assez pour le bon- lieindu sage d'une femme et d'un champ qui soient à lui. Mais ces trésors, bien que modes- L I V R E V. 93 tes , ne sont pas si communs que vous pensez. Le plus rare est trouve' pour vous, parlons de l'autre. Un champ qui soit à vous, cher Emile! et dans quel lieu le clioisirez-vous ? Eu quel coin de la terre pourrez-vous dire : je suis ici mou maître et celui du terrain qui m'ap- partient. On sait en quels lieux il est aise de se faire riche, mais qui sait où l'on peut se passer de l'être ? Qui sait où l'on peut vivre indépendant et libre, sans avoir besoin de faire mal a personne et sans crainte d'eu recevoir ? Croyez-vous que le pays où il est toujours permis d'être honnête homme soit si facile à trouver ? S'il est quelque moyen légitime et sûr de subsister sans intrigue, sans affaires , sans dépendance , c'est , j'en conviens, de vivre du travail de ses mains, en cultivant sa propre terre ; mais où est l'état où l'on peut se dire , la terre que je foule est à moi ? Avant de choisir cette heu- reuse terre, assurez-vous bien d'y trouver la paix que vous cherchez ; gardez qu'un gouvernemenl violent, qu'une religion per- sécutante, que des moeurs perverses ne vous y viennent troubler. Mettez-vous a l'abri des îpipôts sans mesure tiui déNoreraicut le fruit 94 É M I L E. de vos peines, des procès sans fin qui con- sumeraient votre fonds. Faites eusorte qu'en vivant justement vous n'aviez point à fair» votre courà des iutendans, à leurs substituts, à des juges, à des prêtres, h de puissans voi- sins, à des fripons de toute espèce, toujours prêts à vous tourmenter si vous les négligez. Mettez-vous sur-tout à l'abri des vexations des grands et des riches; songez que par-tout leurs terres peuvent confiner à la vigne de JSaboth. Si votre malheur veut qu'un homme en place achète ou bâtisse une maison près de votre chaumière, ro'pondez-vous qu'il ne trouvera pas le moyen , sous quelque prêtes te , d'envahir votre héritage, pour s'arrondir, ou que vous no verrez pas , dès domain peut-être, absorber toutes vos ressources dans un lar^e o grand chemin ? Que si vous couservezducrédit pour parer à tous ces inconvënicns , autant vaut conserver aussi vos richesses, car elles ne vous coûteront pas plus à garder. La richesse et le crédit s'étaycnt mutuellement; l'un se soutient toujours mal sans l'autre. J'ai plus d'expérience que vous, chérie' /«//. port des magistrats au gouverncnjent doit être inverse de celui des sujets au souverain : c'est-à-dire que plus l'F.lat s'agrandit, plus Je gouvernement doit se resserrer, lilhuicnt que le nombre des chefs diminue en raison de l'augmcntalion du peuple. Pour fixer ensuite cette diversité de forme» «DUS «les dénominations j)lii précises, nous remarquerons en premier lieu que le souve- rain peut commettre le dépôt du gouverne- ment ^1 tout ie j)euple ou à la plus grande partie du peuple, en sorte qu'il y ait plus de citoyens magistrats que de citoyens suuples LIVRE V. T17 •barticnliers. On donne le nom de démocratie à cette forme de gouvernement. Ou bien il peut resserrer le [gouvernement entre les mains d'un moindre nombre, en sorte qu'il y ait plus de simple citoyens que de magistrats, et cette forme porte le nom d'aristocratie. Entin, il peut concentrer tout le gouver- nement entre les mains d'un magistrat uni- que. Cette troisième forme est la plus commune, et s'appelle monarchie ou gouver- nement royal. Nous remarquerons que toutes ces formes, ou du moins les deux premières, sont sus- ceptibles de plus et de moins , et ont même ■une assez grande latitude. Car la démocratie peut embrasser tout le peuple ou se resserrer jusqu'à la moitié. L'aristocratie à sou tour peut de la moitié du peuple se resserrer indétcrminémeut jusqu'au plus petit nombre: la royauté même admet quelquefois un par- tage , soit entre le père et le Cls , soit entre deux frères, soit autrement. Il y avoit tou- jours deux rois à Sparte, et l'on a vu dans l'empire romain jusqu'à huit empereurs à- ?a-fois, sans qu'on pût dire que l'empire fût dirisé. Il y a un point où chaque forpa» G S m8 EMILE. de gouvernement se confond avcclasuiTantc; et sous trois dénominations spécifiques le gouvernement est réelleineut capable d'autant de formes que l'Etat a de citoyens. Il y a plus ; chacun de ces j^ouvernemens pouvant à certains égards se subdiviser en diverses parties, l'une administrée d'une ma- Jiicre et l'autre d'une autre, il peut résulter de ces trois formes combinées luie mnkitiultde formes mixtes dont chacune est uiultipliabls jîar toutes les formes simples. On a de tout temps beaucoup dis|)utésur la meilleure forme de gouvernement, sans considérer que chacune est la meilleure en certains cas , et la pire en d'autres. Pour nous, si dans les différens Etats le nonibrc des ma- gistrats ( 6 ) doit être inverse de celui des citoyens , nous conclurons qu'en général le gouvernement dcuiocralique convient aux petits F.lats , l'aristoeraliquc aux mé- diocres, et Je monarchique aux graiuls. C'est par le hl de ces recherches que nous ( f> ) On so souviendra que je n'entend'! parler ici que des magistrats suprêmes ou chefs de la ii.Tiion ; les antres n'cianl que leurs substituts en telle ou telle paiiie. LIVRET. 119 parviendrons à savoir quels sont les devoirs et les droits de citoyens; et si l'on peut séparer les uns des autres , ce que c'est que la patrie-, en quoi précisément elle consiste , et à quoi chacun peut connaître s'il aune pairie ou s'il n'en a point. Apres avoir ainsi considéré chaque espèce de société civile eu elle-même , nous les com- parerons pour en observer les divers rap- ports. Les unes grandes, les autres petites; les unes fortes , ksautres faibles , s'attaquaut , s'oiïcusant , s'eutre-détruisant , et dans cette action et réaction continuelle ,fcsantplus de misérables , et coulant la vie à plus d'hom- mes , que s'ils avaient tous gardé leur pre- tnière liberté. Nous examinerons siToan'eit a pas fait trop ou trop peu dans l'institution, sociale ; si les individus soumis aux lois et aux hommes , tandis que les sociétés gardent cntr'ellcs l'indépendance de la nature , ne restent pas exposés ïiux maux des deux états , sans eu avoir les avantages , et s'il ne vau- drait pas mieux qu'il n'y eût point de société civile au monde , que d'y en avoir plusieurs 2 ]S''est-cc pas cet état mixte qui parlicipe à tous ks deux , et n'assure ni l'un ni l'autre , per uuan luutnim Ucct , ncc LanqnaiiL in bcilj G 6 Ï20 EMILE. faratvm esse , nec tauqiiam In pace secn- ruiH-'' IS'«-.-il-ce pas cctti' association partielle et Hiparfate , qui produ.t la tyiauuic et la j.,L .lî-p; et la tyrannie et la guerre ne sont- elles pas les plus grands fléaux de riiuuianitc ? Notisex.Tiuinevonsenfiii l'espècede remèdes qii'oM a t lurchcs à ces inconvénicns , par les li ue it confédérations, qui , laissant chaque Elat son uriîire au-dtdans , l'aritie au dehors OOMtre tout agresseur iuiustc. Nous recher- cherons conunent on peut etahlirunc bonne association fedérative , ce qui peut la rendre durable , et jusqu'à quel point on peut riendre ledroitde la conléderallou , sans nuire à celui de la souveraineté. L'abbé de St. Pierre avait proposé une associatiou de tous les Etats de l'Kuropc , pour maintenir entr'eux unepaix perpétuelle. Cette association était-elle praticable , rt sup« posant qu'elle eût clé établie , était-il à prt^ tumer qu'elle eût duré (20) ? Ces recheiches nous mcnciit directement à toutes les qucs- (30) Dejiiiis que j'érriviis ceci , les raisons pour ont été ex;)osées djns !'extr.nit de ce projet; les raisons contre ^ du nioiii': r.r Iles qui m'ont j>aiu iioliil"<. , se tioiiveroiuH.ans le recueil de mes écrit» 4 Id suite de ce mê;ne txiraii. LIVRET. T2X tions de droit public, qui peuvent achever d'éclaircir celles du droit politique. Enfin nous poserons les vrais principes du droit de la guerre^ et nous examinerons pourquoi Cro/zw^ct les autres n'en ont donné que de faux. Je ne serais pas e'touné qu'au milieu de tons nos raisonuemens, mon jeune homme, qui a du bon sens, me dît eu m'interrom- paiit : On dirait que nous bâtissons notre édifice avec du bois , et non pas avec des hommes , tant nous alignons exactement chaque pièce à la règle ! Il est vrai , mon ami , mais songez que le droit ne se plie point aux passions des honnncs , et qu'il s'agissait entre nous d'établir d'abord les vrais [)rincipes du droit politique. A présent que nosfondemcns sont posés, venez exami- ner ce que les hommes ont bâti dessus , et vous verrez de belles choses 1 Alors je lui fais lire Télémaque , et pour- suivre sa route ; nous cherchons l'heureuse Salcutc , et le boa Jdoménée rendu sage à force de malheurs. Chemin lésant nous trou- vons beaucoup de Protesilax , et point de J-'/ii/oc/ls. Adraste roi des Dauniens n'est pas non plus iutiouvabic. Mais laissons les 122 î^ MILE, lecteurs imaginer nos voyaj;cs, ou les faire à notre place uu Télcmaque à la main , et ne leur suggérons point des applications aiïli- geantes , que l'auteur même écarte , ou lait tnalgrc lui. An reste, Emile n'étant pas roi , ni moi Dieu , nous ne nous tourmentons point de ne pouvoir imiter Tclcmnquc et y7/t'/;/6;rdans le bien qu'ils fcsaicnt aux hommes : personne ne sait mieux que nous se tenir à sa place , et ue désire moins d'eu sortir. Nous savons que la même teiclic est donnée à tous ; que quiconque aime le bien de tout son ca'ur , et le lait de tout son pouvoir , l'a remiilic. Nous savons que Tcliinaque et Mentor sout dcscliimères. Emile ne voyage pas en homme oisif, et fait plus de bien que s'il était prince. Si nous étions rois , nous ne serions plus bienfcsans; si nous étions rois et bieufesans , nous ferions sans le savoir mille maux réels pour un bien apparent que nous croirions faire. Si nous étions rois et sages, le premier bien que nous voudrions laire à nous-mêmes et au\ autres , serait d'aDcl.qiier la royauté et de redevenir ce que nous summes. J'ai dit ce qui rend I» s \ oyages infructueux à tout le luoudc. Ce qui les rend cucorc plus L I V R E V. T25 infructueux à la jeunesse , c'est la manière dont on les lui fait faire. Les gouverneurs , plus curieux de leur amusement que de sou instruction , la mènent de ville en ville , de palais en palais , de cercle en cercle , ou s'ils sont savaus et gcns-de-lettres , ils lui font passer son temps à courir des bibliothèques , a visiter des antiquaires, à fouiller de vieux monumens , à transcrire de viedies inscrip- tions. Dans chaque pays ils s'occupent d'au autre siècle ; c'est comme s'ils s'occupaient d'un autre pays ; en sorte qu'après avoir à grands frais parcouru l'Europe , livres aux frivolite's ou à l'ennui , ils reviennent sans avoir rien vu de ce qui peut les inte'resscr , ni ricu appris de qui peut leur être utile. Toutes les capitales se ressemblent ; tous les peuples s'y mêlent , toutes les rnœurs s'y confondent : ce n'est pas là qu'il faut aller étudier les nations. Paris et Londres ne sont à mes yeux que la même ville. Leurs habi- tans ont quelques préjugés diflérens , mais ils n'en ont pasmoinsles uns que les autres, et toutes leurs maximes pratiques sont les înémes. On sait quelles espèces d'houuncs doi- •vcnt se rassembler dans les cours. On sait quelles moeurs l'cutassemeul du peuple cl la^ EMILE. l'inégalité des fortunes doit par-tout pro- duire. Si-tôt qu'où me parle d'une ville com- posée de deux cents nulle aines , je sais d'avance comment ou y vit. Ce que je saurais de plus sur les lieux ne vaut pas la pciu» d'aller l'apprendre. C'est dans le.>^ provinces reculées , oîi il y a moins de mouvement, de commerce , où les étrangers voyagent moins , dont les habitans se déplacent moins , changent moins de for- tune et d'état , qu'il faut aller étudier le génie et les mœurs d'une nation. Voyez en passant la capitale , mais allez ob.server au loin le pays. Les Français ne sont pas à Paris , ils sont en Tourainc ; les Anglais sont plus anglais en .'Vlercic qu'à Londres , et les Efpa- gTiols plus espagnols en Galice qu'à Madrid. C'est à CCS grandes distances qu'un peuple se caracléri.'^e , et se montre tel qu'il est sans »uélange : c'est là que les bons et les mauvais effets du gouvernement se font mieux sentir ; comme au bout d'un plus grand rayou la mesure des arcs est plus exacte. Les rapports nécessaires des moeurs au gou- vernement ont été si bien exposés dans le livre de l'Esprit des lois , qu'on ne peut mieux faire (jue de recourir à cet ouvrage pour L I V R E V. 325 étudier ces rapports. Mais en général , H y a deux règles faciles et simples, pour juger de la bonté relative des gouvernemens. L'une est la population. Dans tout pays qui se dépeu- ple , l'Etat tend à sa ruine , et le pays qui peuple le plus , fût-il le plus pauvre , est inlailliblementle mieux gouverné. Mais il faut pour cela , que cette popula- tion soit un effet naturel du gouvernement et des mœurs : car si elle se fesait par des colonies, ou par d'autres voies accidentelles et passagères, alors elles prouveraient le mal par le remède. (^uaud^//^«i/c porta des lois contre le célibat , ces lois montraient déjà le déclindcrempire romain. Il faut que la bonté du gouvernement porte les citoyens à se marier , et non pas que la loi les y contrai- gne ; il ne faut pas examiner ce qui se fait par force , car la loi qui combat la constitu- tion , s'élude et devient vaine , mais ce qui se fait par l'influence des mœurs et par la pente naturelle du gouvernement ; car ces moyens ont seuls un effet constant. C'était la politique du bon abbé de St. Pierre, de chercher toujours un petit remède à chaque mal particulier, au-licu de remonter à leur «ource couununc , et de voir qu'on ne les 126 EMILE. pouvait guérir que tous à-la-fois. II ne s'agit pas de traiter séparéuicut chaque ulcère qui vient sur le corps d'uti malade, mais d'e'purcr la masse du sang qui les produit tous. On dit qu'il y a des prix en Angleterre pour l'agri- culture ; jo n'en veux pas davantage ; cela seul ino prouve qu'elle n'y brillera pas long- temps. La seconde marque de la bonté relative du gouvernement et des lois se tue aussi de la population , mais d'une autre manière; c'est- à-dire , de sa distribution, et non pas de sa quantité. Deux états égaux en grandeur et eu iiouil)re d'iioniuics peuvent être fort inégaux en force , et le plus puissant des deux est tou- jours celui dont les liabitans sont le plus également répandus sur le territoire : celui qui n'a pas de si grandes villes , et qui par conséquent brille le moins, battra toujours l'autre. Ce sont les graiulcs villes qui épuisent lui F.tat et font .sa faiblesse : la richesse qu'elles |)roduisent , est luic richesse appa- rente et illusoire : c'est beaucoup d'argent et peu d'efl'et. Ou dit que la ville de Paris vaut une province au roi de France ; moi je crois qu'elle lui en coûte plusieurs , que c'est à i)lus d'un égard que Paris Mt uouni pav le» LIVRE V. 127 provinces , et que la plupart de leurs revenus se versent dans cette ville et y restent , sans jamais retourner au peuple ni au roi. Il est inconcevable que dans ce siècle de calcula- teurs , il n'y en ait pas un qui sache voir que la France serait beaucoup plus puissante , si Paris était anéanti. Non - seulement le peuple mal distribué n'est pas avantageuxa l'Etat ; mais il est plus ruineux que la dépopulation même , eu ce que la dépopulation ne donne qu'un produit nul , et que la consomuiatiou mal entendue donne un produit négatif. Quand j'entends lin français et un anglais , tout fiers do la grandeur de leurs capitales , disputer entre eux , lequel de Paris ou de Londres contient le plus d'iiabitans , c'est pour moi coumio s'ils disputaient ensemble , lequel des deux peuples a l'houueur d'être le plus mal gou- verné. Etudiez un peuple hors de ses villes , ce n'est qu'ainsi que vous le connaîtrez. Ce n'est rien de voir la forme apparente d'un gouver- nement , fardé par l'appareil de l'adminis- tration et i)ar le jargon des administiatcuis, si l'on n'en étudie aussi la nature par les cflets ^u'il produit sur le peuple , et dans tous lea 128 EMILE. degrés de radmiiiistration. La dirTcrcncc de la forme au fond , se tioiivant p;irla2;éc entre tous CCS degrés, ce n'est qu'en les embrassant tous, qu'on connaît citte dillërence. Dans tel pays , c'est par les nrluœuvres des sub- dclc^ués qu'on commence î» sentir l'esprit da ministère, da >s tel autre , il faut voir élire les membres du paricaient , pour juger s'il est vrai que la nation soa 1 bre; dans quelque pays que ce soit , il e^t impossible que qui n'a vu que les villes connaisse le gouvernc- luent , attendu que l'esprit n'en est jamais le même pour la ville et pour la compagne. Or, c'est la campagne qui lait le pays , et c'est le peuple de la camp;igiie qui la.t la natiou. Cette e'tudc des d-rrérens peuples dans leurs provinces reculées, et d«ns la sim|)liclté de leur génie original , «lontu- une observation générale , bien favorable à mon épi^iraplie , et bien consolante pour le vrrur iwinani. C'est que toutes les nations ainsi tib.-.ervérs paraissent en valoir beaucoup mieux ; pius elles se rapprochent de la nature , plus la bonté domine dans leiu- caractère ; ce n'est qu'en se renfermant dan-. !;s villes, ce n'est qu'eu s'altcrautà force de culture qu'elles «• L I V R E V. Ï29 dépravent , et qu'elles changent en vices agréables et pernicieux , quelques défauts plus grossiers que lualfcsans. De cette observation résulte un nouvel avantage dans la manière de voyager que je propose, en ce que les jeunes gens, séjournant peu dans les grandes villes où règue une hor- rible corruption , sont moins exposés à la contracter , et conservent parmi des hommes plus simples , et dans des sociétés moins nom- breuses , un jugement plus sur , un goût plus sain des mœurs plus honnêtes. Mais au reste cette contagion n'est guère à craindre pour mon Emile ; il a tout ce qu'il faut pour s'en garantir. Parmi tontes les précautions que j'ai prises pour cela , je compte pour beaucoup l'attachement qu'd a dans le creur. Ou ne sait plus ce que pent le vénlahle amour sur les inclinations des jeunes gens , parce que ne le connaissant pas mieux qu'eux, ceux qni les gouvernent les en détournent. Il tant pourtant qu'un jeune homineaime ou qu'il soit déhanché. Il est aisé d'en imposer par les apparences. On me citera mille jeunes gens qui, dit-on , vivent fort cliasti ment sans amour-, mais qu'on me cite un homme fait, un véritable homme qui dise avoir ainsi pass» i2ô É M I L E. la jeauesse, et qui soit de bonne foi. Dans toutes les vertus , dans tous les devoirs ou ne cherche que rapparcncc ; luoi je cherche la re'alité ; et je suis trompé , s'il y a , pour y parvenir, d'autres moyens que ceux que je donne. L'idée de rendre Emile amoureux avant do 1* faire voyager, n'est pas de mou inventioa. Voici le trait qui me l'a suggéré. J'étais à Venise , en visite chez le gouver- neur d'un jeune anghii<. Celait eu hiver nous étions autour du feu. ],e gouverneur reçoit ses lettres de la poste. 11 h-s lit , cl puis en relit une tout haut à sou «•lève. IlIIc était eu anglais : je u'v compris j)lus rien; mais, durant la lecture , je vis le jeune homme dé- chirer de très-belles manchettes de point qu'il jjovlait , et les jeter au feu l'une après l'autre, le plus doucement qu'il put , alin qu'on ne s'en aperçut pas : surpris de ce caprice , jo le regarde au visage et crois y voir de l'émo- tion ; mais les signes extérieurs des passions , qn()iqu 'assez semblables chez tous les hommes, ont des différences nationales, sur lesquelles il est facile de se lrom|îer. Les peuples ont divers langages sur le visage , aussi-bien que dans la bouche. J'attends la bu de la lecture, LIVRE r: îSr et puis montrant au gouverueur les poignets nus de son élève, qu'il cachait pourtant de son mieux, je lui dis : Peut-on savoir ce que cela signifie ? Le gouverneur voyant ce qui s'était passé, se mit à rire , embrassa son élève d'un air de satisfaction, et, après avoir obtenu sou consentement, il me donna l'explication que je souhaitais. Les manchettes, me dit-il, que M. Jo//r» vient de déchirer, sont un présent qu'une dauie de cette ville lui a fait il n'y a pas long-temps. Or , vous saurez que M, Jo/in est promis dans son pays à une Jeune demoiselle pour laquelle il a beaucoup d'amour , et qui en mérite en- core davantage. Cette lettre est de la mère de sa maîtrosse, et je vais vous en traduire l'en- droit qui a causé le dégùt dont vous avez été le témoin. « Luci no. quitte point les manchettes d» « Lord Jolni.Miss Belti lioldham vint hier « passer l'après-midi avec elle et voulut à « toute force travailler à son ouvrage. Sa- ♦< chant que Luci s'était levée aujourd'hui « plutôt qu'à l'ordina're , j'ai voulu voir ce « qu'elle lisait, et je l'ai trouvée occupée ii «. défaiic tout ce qu'avait fait hier JUssUetti» ,33 EMILE. « Elle ne veut pas qu'il y ait dansson pre'- « sent uu seul point d'une autre main qu« « la sienne «. M. John sortit un moment après pour prendre d'autres manchettes , et je dis à sou gouverneur: Vous ave/ un «-lève d'un excel- lent naturel, mais parli/.-moi vrai. La lettre de la mère de Mis/^ Lvci n'est-elle point ar- rangée ? N'est-ce point lui c\pédient de votre façon contre la dame aux manchettes? Non, me dit-il, la chose est réelle; je n'ai pas mis tant d'art à mes soins ; j'y ai mis de la sim- plicité , du zèle, et Dieu a béni mon tra- vail. Le trait de ce jeune homme n'est point sorti de ma mémoire; il n'était pas propre à ne rieu produire dans la tctc d'un rêveur comme aïoi. 11 est temps de finir. Ramenons J. or d John \ Miss Luci^ c'est-à-dire Emile à Soyhie. 11 hii rapporte avec un cœur non moins tendre qu'avant son départ un esprit plus éclané , et il rapporte dans son pays l'avantage d'avoir connu hsgouvernrmens par tous leurs vices, et les peuples par toutes leurs vertus. J'ai même pris soin qu il se liât dans chaque na- tion avec quelque homme de mérite par un trait» LIVRET. i33 traité d'hospitalité a la manière des anciens , et je ne serai pas fâché qu'il cultive ces con- naissances par un commerce de lettres. Outre qu'il peut être utile et qu'il est toujours agréa- ble d'avoir des correspondances dans les pays éloignés, c'est une excellente précau- tion contre l'empire des préjugés nationaux, qui, nous attaquant toute la vie, ont tôt ou tard quelque prise sur nous. Rien n'est plus propre à leur ôter cette prise que le com- merce désintéressé des gens sensés qu'on es- time, lesquels n'ayant point ces préjugés , et les combattant par les leurs , nous donnent les moyens d'opposer sans cesse les uns aux autres, et de nous garantir ains- de tous. Ce n'est point la même chos' de comuiercer avec les étrangers chez nous ou chez eux. Dans le premier cas, ils ont toujours pour le pays où ils vivent un ménagt-m; nt qui kur hiit dégui- ser ce qu'ils en pensent ou qui leur en fait penser favorablement, tandis qu'ils y sont : de retour chez eux , ils en rabattent et ne^ont que justes. Je serais bien aise que l'étranger que je consulte eût vu mon pays, ma. s )e ne lui en demanderai son avis que dans le JÉmi/e. Tome IV. i34 é M I L E. A p R i: s avoir presque eiiiplovc' deux ans à parcourir quelques-uns des grands Etats de l'Europe et heaueoup plus de petits ; après eu avoir appris les deux ou trois j^riiicipales langues , après y avoir vu ce qu'il y a de vraiment curieux, soit en histoire mturell», soit en gouvernement, soit en arts, soit ea hommes, Emile dévore d'iuipalience m'a- vertit que notre terme approche. .Morsjelui dis : Hc bien, mou ami, vous vous souve- nez du principal objet de nos voyages; vous avez vu , vous avez observe, (^uel est enfin le résultat de vos observations ? à quoi vous fixez-vous? Ou je me suis trompe dans ma méthode, ou il doit me repondre à - peu - près ainsi : « A quoi je me fixe ! \ rester tel que vous « m'avez fait être , et à n'ajouier volontai- « rcmcnt aucune autre ch;jîue à celle dont « ine chargent la nature et les lois, l'iusj'e.xa- « mine l'ouvrage des honunes dans leurs ins- « titutions, plus je vois qu'à force de von- « loir être indèpeudans ils se font escl.Tves « et qu'ils usent leur liberté' même en vains « elforts pour l'assurer, l'our ne pas céder au « loncut des clioscs, ils se fout mille alla- L I V R E V. i33 « cliemcTis ; puis si-tôt qu'ils veulent faire un « pas ils ue peuvent, et sont étonnes de te- « niràtout. Il me semble que pour serendre « libre on u'a rieuàfaire; il suffit de ne pas « vouloircesser de l'être. C'est vous , ô mon « maître, qui m'avez fait libre en m'appre- « nant à céder à la uécessité. Qu'elle vienne « quand il lui plaît, je m'y laisse entraîner « sans contrainte , et , comme je ne veux pas « la combattre , je ne m'attache à rien pour « me retenir. J'ai cherché dans nos voyages « si je trouverais quelque coin de terre où je « pusse être absolument mien ; mais en quel « lieu parmi les hommes ue depcud-on plus « de leurs passions ? Tout bien examine' , « j'ai trouvé que mon souhait même était « contradictoire; car dussé-jc ne tenirà au- « tre chose, je tiendrais au-moins à la terre •< oii je me serais fixé ; ma vie serait atta- « chée à cette terre comme celle des Dryades « l'était à leurs arbres ; j'ai trouvé qu'em- « pire et liberté étant deux mots incompali- « blcs , je ne pouvaisétrejuaîlrc d'une chau- « micre qu'en cessant de l'ctre de moi. Hoc erat In votis inodiis agii non ita magnus. «■ Je me souyieus que lucs biens furent la H 2 i36 EMILE. « cause de nos recbeiclics. Vous prouviez « très-solidcmcnt que Je ne pouviiis j^ardeià- « la-fois ma richesse et uia liberté ; mais « quand vous vouliez que je fusse à-la-fois « libre et saus besoins , vous vouliez deux « choses ineoiupatibles , car je ue saurais « me tirer de la dépendance des houunes , « qu'eu reutrant sous celle de la nature. (^)ue « fcrai-je donc avec la fortune que mes pa- « rens m'ont laissée? Je commencerai {)ar « n'en point dépendre; je relâcherai tous «c les liens qui m'y attachent : si ou me la « laisse, elle me restera; si on me l'ôte, ou « ne m'entraînera point avec elle. Je ne me ijc tourmenterai point pour la retenir, mais « je resterai ferme à ma place. Riche ou pau- « vre je serai libre. Je uc le serai point scu- « seulement eu tel pays , en telle contrée , « je le serai par toute la terre. Pour moi , « toutes les chaînes de l'opinion sont brisées, •c je ne connais que celles de la nécessité. « J'appris à les |iorter des ma nai.-isanee et « je les porterai jusqu'à la jiiort , car je suis « homme ; et pourquoi ne saurais-je pas les « porter étant libre , puisqu'étant esclave il « lis faudrait bien porter encore , et celles « de l'esclavage pour surcroît ? LIVRE V. i37 « Que m'importe ma condition sur la « terre ? que ui'iuiporte où que je sois? par- <« tout où il y a des hommes , je suis chez « mes frères ; par-tout où il n'y en a pas , « je suis chez moi. Tant que je pourrai rester « inde'pendant et riche, j'ai du bien pour « vivre et je vivrai. Quand mon bien ui'as- « sujettira , je l'abandonnerai sans peine; « j'ai des bras pour travailler, et je vivrai. « Quand mes bras me manqueront , je vivrai « si l'on me nourrit; je mourrai si l'on m'a- «t bandoune ; je mourrai bien aussi quoi- « qu'on ne m'abandonne pas; car la mort « n'est pas une peine de la pauvreté , mais « une loi de la nature. Dans quelque temps « que la mort vienne , je la délie ; elle ne me « surprendra jamais fesant des pip'paratifs « pour vivre ; elle ne m'cmpcclicra jamais « d'avoir vécu. « Voilà , mon père , à quoi je me lixe. Si « j'étais sans passions, je serais, dans mon « état d'homme indépendant, comme Dieu «t même, puisque , ne voulant que ce qui est, «c je n'aurais jamais à lutter contre la dcsti- « née. Au-moins , je n'ai qu'une chaîne y ¥. c'est la seule que je porterai jamais, et je H 3 i38 EMILE. « puis m'en glorifier. Venez donc , douncz- « moi Sophie, et je suis libre. « Cher £mi/e, je suis bien aise d'entendre « sortir de ta bouche des discours d'hoiumc, « et d'en voir les sentimcns dans ton cœur. « Ce désintéressement outre ne me déplaît « pas à ton âge. 11 diminuera quand tu auras •c des eufans, et tu seras alors précisément «■ ce que doit ctrc un bon j)cre do famille « et nu homme saj^e. Avant tes voyages, jo « savais quel en serait TeOfet ; je savais qu'en « regardant de près nos institutions tu serais «t bicnéloignéd'y prendre lacouliancequ'cllcs «c ne méritent pas. C'est en vain qu'on aspire « à la liberté sous la saiivcgarde des lois. Des « lois ! où est-ce qu'il y en a, et oii est-co « qu'elles sont respectées ? Par- tout tu n'as ^ vu régner sous ce nom que l'intérêt par- « ticulier et les passions des hommes. jNlais «t les lois éternelles de la nature et do l'ordre « existent. Elles tiennent lie\i délai positive * au sage •, elles sont écrites au fond de sou «c cœur par la conscience et par la raison ; « c'est à telles-la qu'il doit s'asservir pour « être libre, et il n'y a d'esclave que celui « qui fait mil , car il le fait toujours malgré « lui. La libellé u'cst dans aucune forme do LIVRE V. iSp « gouveruemcut , elle est dans le cœiir de « l'homme libre^ il la porte par-tout avec « lui. L'homme vil porte par-tout la scr- « vitude. L'un serait esclave à Geuève, et « l'autre libre à Paris. « Si je te parlais des devoirs du citoyen," « tu me demanderais peut-être où est la « patrie , et tu croirais m'avoir confondu. « Tu te tromperais pourtant, cher Emile ., « car qui n'a pas une patrie a du moins un « pays. Il y a toujours un gouvernement « et des simulacres de lois sous lesquels il « a vécu tranquille. Que le contrat social «■ n'ait point été observé, qu'importe, si « l'intérêt particulier l'a protégé comme au- « raittait la volonté générale, si la violence « publique l'a garanti des violences parti- « eulières , si le mal qu'il a vu faire lui a « fait aimer ce qui était bien, et si nos insli- « tutions mêmes lui ont fait connaître et « haïr leurs propres iniquités ? O Emile . «< où est l'homme de bien qui ne doit rien à « son pays ? Quel qu'd soit, il lui doit ce « qu'il y a de plus précieux pour l'homme, « la moralité de ses actions et l'amour do « la vertu. Né dans le fond d'un bois, «< il eût vécu plus hauxux tt plus libre ", 140 EMILE. « mais n'ayant lieu à combattre pour suivre « ses peiichans il eut ete boQ sans mérite, « il n'eut point c'té vertueux, et maintenant « il sait l'être malgré ^es passions. La seule « apparence de l'ordre le porte à Icconnaî- « tre , à l'aimer. Le bien public , qui ne « sert que de prétexte aux autres, est pour ♦e lui seul lui motif réel. 11 apprend ù se « combattre, à se vaincre, à sacrifier son « intérêt à l'intérêt counnuu II n'est pas « vrai qu'il ne tire aucun profit des lois ; « elles lui donnent le courage d'être juste, « même parmi les mécbans. 11 n'est pas vrai « qu'elles ne l'ont pas rendu libre, elles lui « ont appri.s à régner sur lui. « Ne dis donc pas , que m'importe où que « je sois ? Il t'importe d être où tu peux « remplir tous tes devoirs , et l'un de ces « devoirs est l'attacbeinent pour le lien de la « naissance. Tes compatriotes te protégèrent « enfant, tu dois les aimer étant homme. « Tu dois vivre au milieu d'eus , ou du « moins en lieu d'où tu puisses leur être « utile autant qii« tu poux l'être, et où ils « .sachent où te prendre si jamais ils ont « besoin do toi. Il y a telle circonstance « où un homme peut être jjIus utile à ses LIVRE V. 741 « concitoyens hors de sa patrie que s'il vivait « dans son sein. Alors il doit n'écouter que « son zèle et supporter son exil sans mur- « mure ; cet exil même est un de ses devoirs. « Mans toi, bon Emile ^ à qui rien n'impose « CCS douloureux sacrifices, toi qui n'as pas « pris le triste emploi de dire la ve'nte' aux « hommes, va vivre au milieu d'eux, cultive « leur amitié' dans un doux commerce, sois « leur bienfaiteur, leur modèle : ton exemple « leur servira plus que tous nos livres, et le « bien qu'ils te verront faire les touchera « plus que tous nos vains discours. « Je ne t'exhorte pas pour cela d'aller vivre « dans les graudes villes ; au contraire un «< des exemples que les bons doivent donner « au\ autres est celui de la vie patriarchale « t't champclrc , la première vie de l'homme, « la plus paisible, la plus naturelle, et la « plus douce à qui n'a pas le cœur corrom^ui. « Heureux , mon jeune ami , le pays oii « l'on n'a pas besoin d'aller chercher la paix « dans un désert ! mais où est ce pays ? Un « homme bienfesant satisfait mal sou pen- « chant au milieu des villes, où il ne trouve « presque li cKcrccr son zèle que pour des « intrigans ou pour des fripons. L accueil 142 É M I L E. « qu'on y fait aux laineans qui vieuuent y « du rchcr fortune, ne fait qu'achever de « dévaster le paj's, qu'au contraire il faudrait * repeupler aux dépens des villes. Tous les •t liouimes qui se retirent de la grande société « sont utiles précisément parce qu'ils s'en « retirent, puisque tous ses vices lui viennent « d'être trop nouibreuse. JLssontencoreutilcs « lorsqu'ils peuvent ramener dans les lieux « déscrLs la vie, la culture, et l'amour de « leur premier état. Je m'atUndris en sou- « t;e;int combien de leursinipleretrai(e^/;///tf « et Sophie peuvent répandre de bieulaitâ « autour d'eux ; combien ils peuvent vivifier « la campagne et raniuier le zèle éteint de « l'infortuné villageois. .le crois voir k peu- « pie se multi])lier, les champs se fertiliser, « la terre j^rendre une nouvelle parure , la « multitude et l'abondance transformer les « tra\aux en fêtes ; les cris de joie et les « l)éuéilictions s'élever du milieu des jeux « autour du couple aimable qui les a rani- « mes. (1ii traite l'âge d'or de chimère, et « c'en sera toujours une pour quiconque a « le cœur et le goiU gâté». Il n'est pas méiue « vrai qu ou le regrette, puisque ces regrets « sont toujours vajuïi. (^uc faudrait- il doue LIVRE T. 143 « pour le faire renaître ? une seule chose « mais impossible ; ce serait de l'aimer. « Il semble déjà renaître autour de i'iiabi- « talion de Sophie\ vous ne ferez qu'achever « ensemble ce que ses dignes parcns ont « commence:. Mais , cher Emile , qu'une « vie si douce ne te dégoûte pas des devoirs « pénibles, si jamais ils te sont imposés ; « souvieui-toi que les Romains passaient do « la charnie au consulat. Si le prince ou « l'Etat t'appelle au service de la patrie « quitte tout pour aller remplir , dans le « poste qu'on t'assigne , l'honorable fonction « de citoyen. Si cette fonction t'est one'reuse « il est un moyen honnête et sûr de t'en « affranchir ; c'est do la remplir avec assez « d'intégrité pour qu'elle ne te soit pas long- « temps laissée. Au reste, crains peu l'em- « barras d'une pareille charge : tant qu'il y « aura des hommes de ce siècle , ce nVst « pas toi qu'on viendra chercher pour servir K lEtat ». Que ne m'est-il permis de peindre le retour A' Emile auprès de Sophie et la hn de leurs amours , on plutôt le commencement do l'amour conjugal qui les unit! Amour fondé sur l'estime qui dure autant que la vie, sur T44 É M I L F. les vertus qui ne s'ciïaccnt point avec la beaulc, sur les convenances des caractères qui rendent le couimerce aimable, et prolon- gent dausla vieillesse le chartnc delà première- union. Mais tous ces détails pourraient plaire sans être utiles, et jusqu'ici je ne me suis permis de détails agréables que ceux dont j'ai cru voir l'utilité, guitterai-jc celte rèj;le à la bn de ma lâclic ? Non, je sens, aussi- bion , que ma plume est lassée. Trop faible pour des travaux de si longue baleine, j'aban- donnerais celui-ci s'il était moins avance : pour ne pas le laisser imparfait, il est temps que j'acbève. En lin , je vois naître le p'us cbarmaut des jours ù'Emile ci le plus beuveux des miens •, je vois couronner nus soins et >o couunence d'eu goûter le fruit. Le digne couple s'unit d'une cbaîne indissoluble, leur bouebc prononce et leur cœur conbrme des scrmens qui ne seront point vains : ils sont époux. Eu revenant du temple ils se laissent conduire ; ils ne savent où ils sont, oi'i ils Tont, ce qu'on fait autour d'eux. Ils n en- tendent point , ils ne répondent que des mots confus, leurs yeux troublés ne voient plus new. C) délire ! ô faiblesse humaine ! Le sen- timent L î V R E V. 1^5 t'ment du bonheur écrase l'homme ; ii n'esE pas assez fort pour le sufjporter. Il y a bien peu de gens qui sachent, ntl jtDur de mariage, prendre un ton convenable avec les nouveaux époux. La morne décence des uns et le propos le'ger des autres me sem- blent e'galement de'piace's. J'aimerais mieux qu'on laissât ces jeunes cœurs se replier sur eux-mêmes, et se livrer à une agitation qui n'est pas sans charme , que de les en dis-» traire si cruellement pour les attrister par i)ne fausse bieuse'ance , ou pour les embar- rasser par de mauvaises plaisanteries qui , dussent-elles leur plaire en tout autre temps, sont très - sûrement importunes un pareil jour. Je vois mes deux jeunes gens dans la doucô langueur qui les trouble n'écouter aucun des discours qu'on leur tient : moi, qui veux qu'on jouisse de tous les jouis de la vie^ leur en laisserai-je perdre un si précieux ? Non, je v-eux qu'ils le goûtent, qu'ils le savourent, qu'il ait pour eux ses volupte's. Je les arrache à la fouie indiscrète qui les accable ; et les menant promener à l'écart, je les rappelle à eux-mêmes en leur parlant d'eux. Ce n'est p;is seulement à leurs oreillel Jimilc, Tome IV". I I4« É M I L E. que je veux parler, c'est à leurs cœurs ; et je n'ignore pas quel est le sujet unique dont ils peuvent s'occuper ce jour-là. Mes cnfans , leur dis - je eu les prenant tous deux par la raain , il y a trois ans que j'ai vu naître cette flamme vive et pure qui fait votre bonheur aujourd'hui. Elle ne l'ait qu'augmenter sans cesse ; je vois dans vos yeux qu'elle est à sou deruier degré' do véhémence; elle ne peut plus que s'allaiblir. Lecteurs, ne voyez-vous pas les tr.nisports, les eiiiportemens , les scnucus d'/i'/w/'/V, l'air dédaigneux dont Sopfiie dégage sa main de la mienne, et les tendres protestations que leurs yeux se font mutuel Icment de s'adorer jusqu'au dernier soupir? Je les lais.'-e faire, et puis je reprends. J'ai souvent pensé que si l'on pouvait pro- longer le bordieurde l'amour dans le mariage, on aurait le paradis sur la ferre. Cela ne s'est jamais vu jusqu'ici. Mais si la chose n'est pas tout-à-fait impossible, vous êtes bien dignes l'im et l'autre de donner un exemple que vous n'aurez reçu de personne , et que |)cu d'époux sauront imiter. Voulez-vous, mes cnfans , que je vous dise un moyen que j'imagine pouiCQla^ et que je crois cire le seul possible 2 LIVRE V. 147 Ils se regardeat en souriant et se moquant de ma simplicité. Emile inc remercie nette- ment de ma recette, en disant qu'il croit qne Sophie en a une meilleure , et que , quant à lui , celle-là lui suffit. Sophie approuve et paraît tout aussi confiante. Cependant à tra- vers son air de raillerie Je crois démêler un peu de curiosité. J'examine Emile. : ses yeux ardens dévorent les cliarmes de son épouse : c'est la seule chose dont il soit curieux, et tous mes propos ne l'embarrassent guère. Je souris à mon tour en disant en moi-même: je saurai bientôt te rendre attentif. La didërei-.cc |)resque imperceptible de ces mouvcmeus secrets, en marque une bien ca- ractéristique-dans les deux sexes , et bien con- traire aux préjugés reçus : c'est que générale- ment les hommes sont moins conslaus que les femmes, etse rebutent plutôt qu'elles de l'amour heureux. La feumie j)ressent de loin l'inconstance de l'Iiomme , et s'en inquiète; c'est ce qui la rend aussi plus jalouse, (^uand il commence à s'attiédir, forcée à lui rendre pour le garder tous les soins qu'il prit autre- fois pour lui plaire, eile pleure, elle s'hu- milie à son tour , et rarement avec le même succès. L'atlachcmcjitct les soins gagnent les I 2 14? EMILE. coeurs ; mais ils ne les rcc-ouvient guère. Je reviens à ma iccctte coulie le refroidisseuiciit de l'amour dans le mariage. Elle est simple et facile, reprens-Je; c'est de continuer d'être amans quand on cstepoux- En effet , dit Emile en rijiil du secret, clic ne nous sera pas pénible. Plus pcnible à vous qui paviez que vous ue pensez, pcul-étre. l.aisscz-uioi , je vous prie, le tem|)S de m'cxpliqucr. Les nœuds qu'on veut trop serrer rompent. Voilà ce qui airive à celui du uiariage , quand on veut lui donner plus de force qu'd n'en doit avoir. La tidclité qu'il impose aux deux époux est le plus saint de tous les droits , mais le ijouvoir qu'il donne à chacun des deux sur l'autre est de trop. La contrainte et l'amour vont mal ensemble , et le plaisir ne se com- mande pas. Ne rougissez point , ô Sophie, et ne songez pas à fuir. A Dieu ne plaise que je veuille offenser votre modestie; mais il s'agit du desiin de vos jours. Pour un si grand objet , souffrez entre un époux et un père des discours que vous ne supporteriez pas ailleurs. Ce n'est pas tant la possession que l'assu- jettissement qui rassasie, et l'on garde pour LIVRET. 149 une fille entretenue un bien plus long attache- ment que pour une femme. Comment a-t-oa pu faire un devoir des plus tendres caresses , et un droit des plus doux te'raoignages de l'araouf ? C'est le désir mutuel qui fait le droit, la aature n'en connaît point d'autre. La loi peut restreindre ce droit , mais elle ne saurait l'étendre. La volupté est si douce par elle-même ! doit-elle recevoir de la triste gêne la force qu'elle n'aura pu tirer de ses pr pies attraits? Non , mes enfans, dans le mariasie les cœurs sont liés , mais les corps ne sont point asservis. Vous vous devez la fidélité , non la complaisance. Chacun des deux ne peut être qu'à l'autre ; mais nul des deux ne doit être à l'autre qu'autant qu'il lui phiît. s'il est donc vrai , cher Emile , que vous Vouliez être l'amant de votre femme , qu'elle soit ton jours votre mai tresse et la sienne; soyez amant heureux, mais respectueux; obtenez tout de l'amonr sans rien exiger du devoir, et qucles moindres faveurs ne soient jamais pour vous des droits , mais des grâces. Je sais que la pudeur fuit les aveux formels et demande d'être vaincue ; mais avec de la délicatesse et du véritable amour, l'amant se trompe- I 3 iSo EMILE. t-il sur la volonté sccicte ? lî^iiore-t-il quand le cœur et les yeux Jiccordentcc i[uc ia bouche feiut de refuser? '^ue chacun dos deux , toujours maître de sa pcrsouue et de ses ca- resses, ait droit de ne les dispenser à l'autre qu'à sa propre toloiite'. Souveuez-vous tou- jours , que uièuic dans le mariage, le plaisir n'est le'gitiuie que quand le dêâir est partage'. Ne craignez pas, rues cnfans, que celte loi vous tienne éloignes ; au contraire , elle vous rendra tous deux j)lus altrutif;» à vous plaire, et proviendra la satiété. Tîornés uniquement l'un à l'aulrc, la nature et l'amour vous rapprocheront assez. A ces propos et d'antres semblables /TwÂV se fâche, se récrie ; Sophie honteuse tient son éventail sur ses yeux et ne dit rien. le plus mécontent des deux, peut-être, n'ct pas celui qui se plaint le plus. J'insiste im- pitoyablement : je fais rougir 7:-' /«/Vf de sou peu de délicatesse ; je me rends caution pour Sophie qu'elle accepte pour sa part le traité. Je la j)rovo(jue à |)arler, on se doute bien qu'elle n'ose me démentir. JUmile inquiet consulte Its yeux de sa jei;ne é{)onse : il les voit, à travers leurs embarras, pleins d'un trouble voiuptucux qui le rassure coutre le LIVRET. ïSî risque de la confiance. Il se jiCtte a ses pieds , baise avec transport la main qu'elh lui tend, et jure qu'hors la fidélité promise, il renonce à tout autre droit sur elle. Sois, lui dil-il, chère épouse , l'arbitre de mes plaisirs counne tu l'es de mes jours et de ma destinée. Diit ta cruauté me coûter la vie , je te rends mes droits les plus chers. Je ne veux rien devoir à ta complaisance ; je veux tout tcuu- de ton cœur. Bon Emile ^ rassure-toi : Sophie est trop f^énéreuse elle-même pour te laisser mourir victime de ta générosité. Le soir, prêt à les quitter, je leur dis, du ton le plus grave qu'il m'est possible : Souvenez -vous tous deux que vous êtes libres et qu'il n'est pas ici question des devoirs d'époux ; croyez -moi , point de fausse déférence. Emile, veux - tu venir ? Sophie le permet. Emile en fureur voudra nie battre. Et vous, Sophie, qu'en dites- vous ? faut-il que je l'emmène ? La men- teuse en rougissant dira qu'oui. Charmant et doux mensonge, qui vaut mieux que la vérité ! Le lendemain L'image de la félicite ne flatte plus les hommes ; la corruption . I4 "î53 EMILE. Hu vice n'd pas moins dt-pravé leur goût que leurs cœur». Ils ne savent plus seutir ce qui est toucliant, ni voir ce qui est ai- piablc. Vous qui pour peindre la volupté ii'imigiuez jamais que d'heureux amans ïia>^L-ant dans le sein des de'lices , que vos tableaux sont encore imparfaits ! "Vous n'eu PVez que la moitié la plus grossière ; les plus l3pnx attraits de la volupté n'y sont point. O qui de vous n'a jamais vu deux jeunes çpoux unis sous d'Iieureux auspices sortant <îu lit nu|)tial, ctporlant à-la-fois dans leurs regards laiiguissaiis et diastcs l'ivressc des doux plaisirs qu'ils viennent de goûter, l'ai- piahle sécurité de l'innocence , et laccititude elois .si charmante de couler ensemble le reste 4e leurs jours ? Voilà l'objet le plus ravissant flui puisse étie ofTert au cœur de l'homme ; voilà le vrai tabicuu de la volupté ! vous J'avez vu cent lois sans le reconnaître ; vos cœurs endurcis ne sont plus l"a:ts pour l'ai- jner. So/'/iie heureuse et jjaisible pasj^e le jour dans les bras de sa tendre mère ; c'est ini repos bien doux à prendre, après avoir passé la nuit dans ceux d'un cj)oux. Le surlendemain, j'aperçois déjà quelque changemcut de sctiic. hinUc veut païaîtia LIVRET. iS3 •an peu Lnéconteut : mais à travers cette affLCtatlon je remarque un eiupresstuient si tendre et niéine tant de bOuu!l^Slon , que je n'en augure riea de bien fâclieux. Pour Sophie ^ elle est plus gaie que la veille ; je vois briller dans ses yeux un air satisfait. Elle est charmante avec Emile ; elle lui fait presque des agaceries dont il n'est que plus dé]j lé. Ces cliaiigcm'^ns sont peu sensibles , mais ils ne mécliappent pas; je m'en inquiète, j'interroge / /«i/f eu particul-er , j'apprends qu'à son grand regret * t jnalgré toutes ses instances , il a fallu W \*. Ut à part la nuit pre'ce'dente. L'impe'rieiise s'^t hâtée d'.iscr de .«5on droit. On a un éclaircissement: Emite se plaint amèrement , Sophie plaisante ; mais enfiule voyant prêta se fach'-r tout de bon, elle lui jette un regard plein de (loiic^uret d'amour, et me serrant lamain ne prononce que ce seul mot ,mais d'un ton qui va cher- cher l'amc ; l'ingrat ! Emile est si bête qu'il n'entend rien à cela. Moi je l'entends ; j'écarte jEtoïVc, et je prends à son tour Sophie en particulier. Je vois , lui dis-jc , la raison de ce caprice. Ou ne saurait avoir plus de dcUcitesse ni l'em- 1 6 134 EMILE. ployer pins uial-à-piopos. Chère Sophie y rassurez-vous ; cest un homme que je vous ai donne, ne craignez pas de le prendre pour tel : vous avez eu les prc'juices de sa jcuiicssp • il ne l'a prodiguée à personne, il la conser- vera long-temps pour vous. « 11 faut, ma chère enfant , que ie vous « cs.pli(^ue mes vues dans la conversation qiio « nous eiiui. s tous trois avant-hier. Vousn'v «c avez peut-être aperçu qu'un art de ménager « vos plaisirs pour les rendre durables. O « Sophie! elle eut un autre objet plus digne « de mes soins. Eu devenant votre époux , « Emile est devenu votre chef; c'est à vous « d'obr'ir, ainsi l'a voulu la nature, (^uand * la femme ressemble à Sophie , il est pour- « tant bon que l'homme soit conduit par « elle ; c'est encore une loi de la nature ; « et c'est pour vous rendre autant dautorilé « sur son cœur . que son sexe lui eu donne « sur votre personne, que je vous ai fait « l'arbitre de ses plaisirs. Il vous en cmitera « de -M-ivations pénibles, mais vous régnerez « sur lui , si vous savez régner sur vous; et « ce qui s'est déjà passé me montre que cet « art difficile u'esl pas au-dessus de votre « courage. Vous régncrci: loug-tciups par L I V R E V. i55 « l'amour, si vous rendez vos faveurs rares « et précieuses , si vous savez les faire valoir. « Voulez-vous voir votre mari continucUe- « ment à vos pieds ? tcuez-le toujours à « quelque distance de votre personne. Mais « dans votre sévérité mettez de la modestie, « et non du caprice ; qu'il vous voie réser- « vée , et non. pas fantasque ; gardez qu'eu « ménageant son amour, vous ne le fassiez « douter du vôtre. Faites-vous chérir par vos « faveurs , et respecter par vos refus ; qu'il « honore la chasteté de sa femme , sans avoir ft à se plaindre de sa froideur. « C'est ainsi, mon enfant, qu'il vous don- «. ncra saconuance , qu'il écoutera vos avis , « qu'il vous consultera dans ses affaires , et « ne résoudra rieu sans eu dclibs'rcr avec « vous. C'est ainsi que vous pouvez le rap- « peler à la sagesse , quand il s'égare , le « ramener par une douce persuasion , vous « rendre aimable pour vous rendre ulilc ;. « eu'ploycrla coquetterie aux intérêts de la « vertu , et l'amour au profit de la raison. « Ne croyez pas, avec tout cela , que cet « art même puisse vous servir toujours. « (Quelque précaution qu'on puise prendre, « la jouissance use les plaisirs , et l'auiour I 6 i56 EMILE. i< gvaut tons les autres. Mais quandl'amour « «tdurc long-tc^llj)^ , nue douce habitude en « ycasplit le vid( , . t l'atlrait de la contiance « succède aux traiis|) )i-ts de la passiou. Les f< enfaiis funiieut entre ctnx qui leur ont r. donne l'élrc, une liaison non moins douce V et souvent plus forte que l'auionr uicme. y (^Jnand vo .s cesserez d'être la ninîtresse i< (Vh/iu'.'e , vous serez sa fciniue ctsou amie ; « >ous scrc/ la nùrc de ses enfans. Alors, * an-lieu de voire première reserve , cta- << l>liss(z entre vous la plus jurande lutnuitc; ^ plus de ht q part, plus de refus, plus de r ca|)rice. Devenez telleuunt sainoitic , qu'il fi ne puisse plus se passer de vous , et que ^ si-tôt qu'il vous quitte , il se sente loia V de lui-Tticuip. Vous qui fîtes si bien régner % les charmes de la vie domestique dans la « -laison paternelle , faites-les rejouer ainsi « dans la vôtre. Tout homme qui se plaît K dans sa maison , aime sa femme. Souvenez- «< vous que si votre c'poux vit heureux chçz « lui, vous serez une femme heureuse. ». Ensuite les re'uuissaat , je dis devant elle à son jeune époux : Il faut bien supporter le joug qu'on s'est iuipoï^é. Méritez qu'il vous soit rendu léger. Sur-lout , sacrifiez aux grâ- ces , et n'imaginez pa^ vous rendre plus aima- ble en boudant. La paix n'est pas difficile à faire, et chacun se doute aisément des con- ditions. Le traité se signe par un baiser ; après quoi je dis à mon élève : Cher E mil s y \\n homme a besoin toute sa vie de conseil et de guide. .T'ai fait de mou mieux pour remplir jusqu'à présent ce devoir envers vous; ici finit ma longue tâche, et commence celle d'un autre. J'abdique anjourd'hui l'autorité que vous m'avez contJée, et voici désormais ■?otre gouverneur. Peu b peu le premier délire se calme , et leur laisse goûter en paix les charmes de leur nouvel état. Heureux amans , dignes époux ! Pour honorer leurs vertus , pour peindre leur félicité, il faudrait faire l'histoire de leur vie. Çpmbica de fois contemplant eu eux moa i58 EMILE. ouvrage, ie me sens saisi d'un ravissement qui fait palpiter mou cœur! combien de fois je joins leurs mainsdaiisles iniennescn bénissant la Providence , et poussant d'ardeus soupirs ! que de baisers j'appliqne sur ces deux mains qui se serrent! de combien de larmes de joie ils me les sentent arroser ! il s'attendrissent à leur tour, en partageant mes (ransporls. Leurs respectables parens jouissent encore une lois de leur jeunesse dans celle de leurs enfans; ils recommencent, pour ainsi dire, de vivre eu eux, ou plutôt ils connaissent pour la pre- mière fois le prix de la vie : ils maudissent leurs anciennes ricliesses , qui les empèchc- rent , au même âge , de goûter un sort si cbarmant. S'il y a du bonheur sur la terre , c'est dans l'asile où nous vivons qu'il faut le chercher. Au bout de quelques mois , /v /«//<• entre un matin dans ma chauibre , et me dit en m'em- brassant:Moa maître, félicitez votre cni'anl; il espère avoir bi«nlùt l'honneur dVde père. O quels soins vont être imposes à notre zcle, et que nous allons avoir besoin de vous ! A Dieu ne plaise que je vous laisse encore élever le fils, après avoir élevé le père. A Dieu ne plaise qu'un devoir si saiut et si doux soit LIVRE V. 1S9 "jamais retnpli par un autre que moi ! dussé-ie aussi-bien choisir pour lui qu'on a choisi pour moi-même : mais restez le maître des jeunes maîtres. Conseillez-nous , gouvernez-nous ; iiousseronsdociles: tantque je vivrai , j'aurai besoin de vous. J'en ai pins besoin que jamais , maintenant que mes fonctions d'homme com- mencent. Vous avez rempli les vôtres ; guidez- inoi pour vous imiter , et reposez-voui : il en est temps. EMILE E T SOPHIE O U LES SOLITAIRES, AVIS DES ÉDITEURS Sur le fragment qui suit, JLl faut en convenir , les seuls biens sur lesquels les hommes puissent compter, sont c«ux qu'ils eut mis eu réserve au fond de leur amc ; aussi le moyen, unique peut- être , de pourvoir cQicacemant a leur bon- heur , c'est de leur donner des ressources sûres contre les coups du sort , soit pour les rc'parer à force de talens , soit pour les sup- porter à force d« vertus. Ce fut le grand objet que M. Rousseau se proposa dans son Traité de l'éducation ; l'ouvrage sui- yant était destine' à prouver qu'il l'avait rempli. En mettant Emile aux prises avec la fortune, en le plaçant dans une suite de situations eQVayantes, que le mortel le plus intre'pide n'«avisagcrait pas sans frémir , il i64 AVIS DES ÉDITEURS. voulait montrer que les principes dont il fut nourri depuis sa naissance , pouvaient seuls l'élever au-dessus de ces situations. Ce plan était beau , rcxccution en aurait été aussi intéressante qu'utile; c'était mettre en ac- tion la morale à' Emile , la justifier et U faire aimer : mais la mort ne permit pas à M. Rousseau d'élever ce nouveau mo- Bument à sa gloire , et de reprendre cet ou- vrage, qu'il avait interrompu pour ses Con- fessiong. Wous donnons au public le seul morceau qu'il en ait écrit , et nous le disons sans détour; nous le donnons avec une sorte de répugnance. Plus le tableau qu'il nous pré- sente est empreint du génie de son sublime auteur, et plus il est révoltant. Emile dé- sespéré, Sophie avilie ! (^)ui pourrait sup- porter ces odieuses images ! J'ai du moins la ressource des larmes , quand je vois la vertu malheureuse gémir ; mais ^ue me restc-t-il AVIS DES ÉDITEURS. t6S quand elle est en proie aux remords ? Et puis, quelle confiance prendrait-on dans des pré- ceptes» qui n'ont abouti qu'à faire une femme adultère ? S'il est vrai cependant que les éducations austères ne font que des hypo- crites de vertu, l'éducation seule de Sophie doit faire des tilles vertueuses ; mais des tilles vertueuses deviennent-elles des épouses per- fides et parjures? Gardons-nous d'imputer à >I, RotrssEAtJ ces contradictions : nous le savons • elles n'existaient point dans son plan. A.urait-il voulu défigurer lui-même son plus bel ouvrage? Sophie fut coupable, elle ne fut point vile, d'imprudentes liaisons firfut ses fautes et ses malheurs: une femme vicieuse et jalouse de ses vertus , sans altérer son ame pure , surprit sa simplicité : un breuvage em- poisonné n'égara ses sens qu'en troublant sa raison-, l'infortunée cédait à son époux, en. se livrant au vil séducteur qui outrageait soa innocence-, elle succomba comme Clarisse j i66 AVIS DES ÉDITEURS. et se releva plus sublime qu'elle. Mais si Emile devait conuaître rcxccs du malheur MC fallait-il pas que Sophie fût inûdcle ? Auprès d'elle pouvait-il être malheureux ? Et qui pouvait l'eu séparer ? Les hommes La mort .... Nou : le crime seul de So- phie. Pourquoi M. Rousseau n'a-t-il pas achevé ces tristes rcciLs? pourquoi ce long tissu d'ob- jets funestes , de traverses, de calamités, de fautes , de remords , de désespoir et de repen- tir, uc nous a-t-il pas conduits à ces Jours de paix et de gloire , oîi , vainqueurs du sort , des hommes et d'eux-mêmes, Emile et So- phie ^ ivres d'amour et brillans de vertus auraient, loin des humains et dans le calme de l'innocence , retrouve le bonheur de leurs premiers ans ? Quel coGur flétri par le sentiment de leur» peines, uc se serait pas ranimé aux doux ac- ceus de leur félicité.' AVIS DES ÉDITEURS. 167 Oui , ma Sopliie , retraçoj^s le cours fortuné de nos beaux jours, n'eu laissons point efl'a- cer la uie'moirc , après les avoir rendus si cliarmans. Rappelons leurs transports, leurs de'lices ; rappelons jusqu'à leurs traverses , jusqu'à ces temps cruels de ta faute et de mou de'sespoir. Temps de douleurs et de larmes, que l'amour , les vertus , le bonheur ont si bien rachetés ! Oli ! qui voudrait à ce prix n'avoir pas souffert , n'avoir pas gémi , n'avoir pas déteste' sa vie et n'avoir pas ■ve'cu ! Pleurs de douleur et de rage , qu'êtcs-vous dans ces torrcns de joie et de plaisirs qui vous ont absorbés! Souvenirs amers et délicieux , ne vous dérobez jamais à nos cœurs , dont rien ne peut plus troubler la paix. Tenez -nous lieu de tout , maintenant que , bornés à jamais l'un à l'autre , nous sommes seuls sur la terre , et que le genre- i68 AVIS DES ÉDITEURS. humain n'est plus rien pour nous. Sophie , ma chère Sophie , que ne puis-jft revivre tous les jours de ma vie dans chacun de cous que je passe avec toi ! je n'eu aurais jamais assez pour goûter ma félicit». EMILE E T SOPHIE, o u LES SOLITAIRES. LETTRE PREMIÈRE. J'ÉTAIS libre, j'étais heureux , ô mon maître ! Vous m'aviez tait un cœur propre à goûter le boiiiieur , et vous m'aviez donne Sophie. Aux délices de l'aMioiir, aux épan- cliemcus de l'amitié une famille naissante ajoutait les cliarnics de la tendresse pater- nelle : tout m'aiinoncait une vie agiénble, tout me promettait une douce vieillesse et une mort paisible dans les bra» de mes enfans. (iélas ! qu'est devenu ce temps heu- reux de jouissance et d'espérance , où 1 ave- Kmile. Tome IV. K ijo É M I L E. iiir cmbellisait le présent ; où mon cœnr ivre de sa joies'abrciivait choque jour d'un siècle d« folicitc? Tout s'est évanoui comme iiii songe ; jeune encore j'ai tout perdu , i'euuue , enfanf , amis , tout enl'in, jusqu'au comniorcc de mes semblables. Mou cœur a été dccliirc par tous ses attachemens ; il ne tient plus qu'au moindre de tous, au tiédc amour d'une vie sans plaisirs, mais exempte de remords. Si je survis loni^-tcmps à mes pertes , mon sort est de vi sens ; ce qui sert à tromper les antres lut pour moi le chemiu de la vérité. J'appris à juger sainement des choses qui m'environnaient et de rmlcrct que j'y devais prendre : j'en jugeais sur des principes vrais et simjjles ; l'autorité, 1 opi- uioM n'altoralent point nus jugemcns. Pour découvrir If's rapports dos choses tnlrc elles, j'étudiais «es rapports de chacune d'elles à moi : par deux termes connus j'apprenais à trouver h' troisième. Pour connailre l'univers par tout 00 ly- po.ivait mintércsscr , il me sullit de me vonnaître ; ma place assignée, tout fut tn u\ é. J'appris ainsi que la première sagesse est de voiilor ce qui est, et de régler son cœur sur sa dcbtincc. Voilà tout ce (jui dépend do L I V R E V. 17S jîons , me disiez-vous ; tout le reste est de nécessite'. Celui qui lutte le plus coutre son sort est le moias sage et toujoiirs le plus malheureux ; ce qu'il peut changer à sa situation le soulage moius que le trouble intérieur qu'il se donne pour cela ne le tourmente. Il re'ussit rarement, et ne gagno rien à réussir. Mais quel être sensible pciic vivre toujours sans passion , sans attache- mens ? ce n'est pas uu homme ; c'est une brute ou c'est un. dieu. Ne pouvant doua» me garantir de toutes les affections qui nous lient aux choses, vous m'apprîtes du moi.is à les choisir, à n'ouvrir mon aiae qu'aux plus nobles , à ne l'attacher qu'aux plus dignes o});ets qui sont mes semljlables , A étendre, pour ainsi dire, le moi humain sur toute l'humanité, et à me préserver ainsi des viles passions qui le concentrent. Quand mes sens éveillés par l'âge me de-^ mandèrent une compagne , vous épurâtes leur feu par les sentimens ; c'est par l'ima- gination qui les anime que j'appris à lc« subjuguer. J'aimai Sophie avant même que de la connaître ; cet amour préservait mon cœur des pièges du vice, il y portait le goiU des choses belles et honnêtes, ilj K 3 iy4 É M T L F. nrarait en traits iiuffjrablcs les sainte.- lois de la vertu, (^uand je vis culiii ce dii;nc objet de mon cnltc, quand je sentis l'empire de ses charmes , tout ce qui peut entrer de doux, de ravissant dans une anie , pénétra la mienne d'un .scnlinuiit rxquis que rien ne peut evprimer.. Tours chéris de mes prrmièns amours, jours dtlicieuK , que ne pouvez, vous rt'eommenccr sans cesse et remplir désormais tout mon élrc ! je ne voudrais point d'autre éternité. Vains regrets ! souhaits inutiles ! Tout est disparu, tout est disparu sans retour Après tant d'ardens soupirs j'en obtins le prix, tous mes vœux furent cond)lés. Epoux , et toujours amant, je trouvai dans la tran- quille possession un bonheur d'une autre espèce, mais non moins vrai que dan» lo délire tics désirs. INlon maître, vous croyez avoir connu cette lille enchanteresse. O com- bien vous vous trompez ! Vous avez connu ma maîtresse, ma femtne ; mais vous n'avez pas connu Sophie. Ses charmes de toute espèce étaient inéj)uisables , chaque instant semblait les renouveler, et le dernier jour de sa vie ui'cu luoutra que je n'avais pas i'onuus. LIVRET. 175 Dcjà pcie de deux enfaiis , je partageais mou temps entre une épouse adorée et les chers fruits de sa tendresse ; vous ui'aidiez a préparer à mou fils une éducation sem^- blable à la uiienne , et ma fille , sous les yeux de sa mère , eut appris à lui ressembler. Toutes mes affaires se bornaient au soin du patrimoine de Sophie ; j'avais oublié ma fortune pour jouir de ma félicité. Trompcn^e félicité ! trois fois jai senti tou inconstance. Ton terme n'est qu'un point , et lorsqu'on est au comble il faut bientôt décliner. Etait-ce par vous, père cruel , que devait comuieucer ce déclin ? Par quelle fatalité pûtes- vous quitter cette vie paisible que nous menions ensemble? comment mes empressemens vous rebutèrcut-ils de moi ? Vous vous complaisiez dans votre ouvrage ; je le voyais, je le sen- tais, j'en étais sur. Vous paraissiez heureux de iixon boniieur ; les tendres caresses de ^yoyy^/f semblaient flatter votre cœnr])a ter nel; vous nous aimiez, vous vous plaisiez avec nous , et vous nous quittâtes ! Sans votre retraite Je serais heureux encore ; mou lils vivrait peut-être, ou d'autres mains n'au- raicut point fermé ses yeux. Sa mère, ver- tueuse et chérie, vivrait cUc-mciuc daus les 17^ EMILE. bras de son époux. Retraite funeste, qui m'a livré sans retour aux horreurs de mou sort ! non, jamais sous vos yeux le crime et ses peines n'eussent approché de ma famille; en l'abandonnant vous m'avez fait plus de maux que vous ne m'aviez fait de biens en toute ma vie. Bientôt le ciel cessa de bénir une maison que vous n'habit.ez plus. Les maux , les afflictions se succédaient sans relâche. Eu peu de mois nous pcrdimes le père, la mère de Sophie, et enfin sa lilie, sa charmante fille qu'elle avait tant désirée , qu'elle idolâtrait, qu'elle voulait suivre. A ce dernier coup sa constance ébranlée acheva de rabaudonner. Jusqu'à ce temps, contente et paisible dans sa solitude , elle avait ignoré les amertumes de la vie, elle n'avait point arme contre les coups du sort cette aine sensible et facile à s'aQ'ecler. Elle sentit ces pertes comme on sent ses prcniiers malliciirs ; aussi ne furont- elle.s que les counnenccniens des nôtres. Jlien ne pouvait tanr ses pUnrs ; la mort de sa tille lui lit sentir plus vivement celle de sa uièrc : elle appelait sans ces.se l'une ou l'autre en gémissant ; elle fcsait retentir de leurs iioms et de ses regrets tous les lieux où jadis LIVRET. 177 elle avait reçu leurs innocentes caresses: tous les objets qui les lui rappelaient aigrissaient ses douleurs ; je résolus de réloigner de ces tristes lieux. J'avais dans la capitale ce qu'où appelle des affaires et qui u'en avaient jamais été' pour moi jusqu'alors : je lui proposai d'y suivre une amie qu'elle s'était faite au voi- sinage, et qui était obligée de s'y rendre avec son mari. Elle y consentit pour ne point se séparer de moi , ue pénétrant pas mon motif. Son affliction lui était trop chère pour cher- cher à la calmer. Partager ses regrets, pleurer avec elle était la seule consolation qu'on put lui donner. En approchant de la capitale je me sentis frappé d'une impression funeste que je n'avais jamais éprouvée auparavant. Les plus tristes prcssrntimens s'élevaient dans mon sein: tout ce que j'avais vu, tout ce que vous m'aviez dit des grandes villes me fcsait trembler sur le séjour de celle-ci. Je m'eft'rayais d'(xposer une union si pure à tant de dangers qui pouvaient l'altérer. Je frémissais en rcpardant la triste SopJiie^ de songer que j'entraînais moi-même lantdc vertus et dccharuics dans ce gouflic de i)ré)ugésctde vices où vont se piidre de toutes parts l'innocence et le bonheur. Z7^ E M 1 L E. Cependant, sûr d'elle et de moi, je nie'- prisais cet avis de la prudence que Je prenais pour un vain prcysentinient ; en uie laissant tourmenter je le traitais de chimère. Hélas! je n'imaginais pas le voir si-tôt et si cruel- lement justice. Je ne songeais guère que je n'allais j)as chcrelicr le péril dans la capitale, mais qu'il m'y suivait. Gommant vous parler des deux ans que nous passâmes dans cette fatale ville, et de l'elTct cruel que lit sur uion amc et sur moa sort ce séjour empoisonné ? ^ ous avez trop »u ces tristes catastrophes dont le souvenir, cdacé dans des jours jilus heureux , vient aujourd'hui redoubler mes regrets , en me j-amenant à leur source, (^uel changement produisit en uioi ma complaisance pour des liaisons trop aiuiables , que l'habitude com- mençait cl tourner en amitié ! Comment l'cxcuiple et l'iuiilalion , contre lesquels \ oi. s aviez si bien armé mon C(vur, l'amenèrcnt-ils insensiblement à ces goùls tVivoles que, plus jeune , j'avais su dédaigner? On'd est dillcrent de voir les choses distrait par d'autres objels, ou seulement occupé de ceux qui nous Hap- pent ! Ce u'élait plus le temps où mon ima- gination e'thauQéc ne cherchait «//^ que le nom et quelques discours. IM a IVancliise, ma liberté, n^es plaisirs, mes devoirs, vous, mon tîls , lVo/'/;/V elle-nifme , tout ce qui jadis ani- mait, élevait mou esprit et lésait la plénitude 38o EMILE. de mon cxlstcucc , eu se détachant peu à peu de moi, semblait m'en détacher moi- incme, et ne laissait phis dans mon ame aiTaisséc qu'un scntiiucut importun de vide et d'anc'autissement. Enlin, je n'aiuiais plus ou croyais ne plus aimer. Ce feu terrible, qui paraissait presque éteint , couvait sous la cendre , pour éclater bientôt avec plus de fureur que jamais. Changement cent fois plus inconcevable ! Comment celle qui fcsait la j;loirc et le bou- lieur de ma vie en ht-elle la honte et le déses- poir ? Couimeut décrirais-)c un si déplorable égarement ? Non , jamais ce détail allreux ne sortira de ma plume ni de nra bouche; il est t\op injurieux à la mémoire de la pliisdii;ne di^s femmes , trop accablant , trop horrible à mo»i souvenir , trop décourageant pour la vertu ; j'en mourrais cent fois avant qu'il fut achevé. IMorale du monde, pièges du vice et de l'exemple, trahisons d'une fausse amitié , inconstance et faiblesse humaine^ qui de nous est à votre épreuve ? Ah ! si Sophie a souille sa vertu , quelle fenune osera cotnptcr sur la sienne ? Alais de quelle treuipe unique dut être une ame qui put revenir de si loin à tout ce qu'elle fut auparavant? C'est LIVRE T. tBj C'est de vos eiiTaus legéuéres que j'ai à vous parler. Tous leurs e'garemeiis vous ont été' connus : je n'en dirai que ce qui tient à leur retour à eux-mêmes et sert à lier les e'vé- ncmens. Sophie console'e, ou plutôt distraite par son amie et par les sociétés o\x elle l'entraî- nait , n'avait plus ce goût décide' pour la vie privée , et pour la retraite ; elle avait oublié ses pertes et presque ce qui lui élaiÈ resté. Sou fils en grandissant allait devenir moins dépendant d'elle , etdéjà lamère appre- nait à s'en passer. Moi-même je n'étais plus son Emile ^ je n'étais que son mari , et le mari d'une honnête femme dans les grandes Villes est un homme avec qui l'on garde en public toutes sortes de bonnes manières , mais qn'bn ne voit point en particulier. Long- temps nos coteries furent les mêmes. Elles changèrent insensiblement. Chacun des dcu< pensait se mettre à son aise loin de la jjcr- sonne qui avait droit d'inspection sur lui. Nous n'étions plus un , nous étions deux : lo ton du monde nous avait divisés , et nos cœur» ne se rapprochaient plus. Il n'y avait que nos voisins de campagne et amis de ville qui nous réunissaient quelquefois. La femme , ÉmiU. Tome IV. L ,g2 EMILE. après m'aToir fait souvent des agaceries aux- quellesie ne résistais pas toujours sans peine, se rebuta , et s'attachaut tout-à-fait à Sophie en devint inséparable. Le mari vivait fort lié avec son épouse , et par cn.iscquent avec la mienne. Leur co.iduite extérieure était régu- lière et décente , mais leurs maximes auraient dùm'cffraycr. Leur bonne intcll.j;ence venait moins d'un véritable attacbcment que d'une • indifférence commune sur les devoirs de leur étal. Pou jaloux des droits qu'ils avaient l'uu sur rautre, ils prétendaient s'aimer beaucoup pUis en se passant tous leurs goûts sans con- trainte , et ne s'offensant point de n'en être pas l'objet. Que mon mari vive heureux , sur toute chose , disait la femme ; que j'aie ma femme pour amie , je suis content, d.sa.t le mari Nos scntimens , poursuiva.cnt-.ls , ne dépr-ndentpasdenous, mais nos procèdes en dépendent : chacun met du sien tout ce qu'il peut au bonheur de l'autre. Peut-on mieux aimer ce qu. nous est cher , que de vouloir tout ce qu'il désire ? On cn ile la cruelle neces- site dese fuir. Ce système ainsi mis à d» couvert tout d un coup nous eùtfaithorixur. Maison ne saitpas combien les épauchemens de l'am.t.e font L I V R E V. i83 passer de choses qui révolteraient sans elle ; on ne sait pas combien une philosophie si bien adaptée aux vices du cœur humain , une philosophie qui u'oftVe au-lieu des sentimeus qu'on n'est plus maître d'aroir, au-lieu du devoir cacbé qui tourmente , et qui ne pro- fite à personne, que soins, procédés, bien- séances, attentions, que franchise , liberté, sincérité , confiance ; ou ne sait pas , dis-je , combien tout ce qui maintient l'union entre les personnes , quand les cœurs ne sont plus unis , a d'attrait pour les meilleurs naturels, et devient séduisant sou.^ le masque de la sagesse. La raison même aurait peine à se défendre , si la conscience ne venait au .secours. C'était là ce qui maintenait entre Sophie et moi la honte de nons montrer un empressement que nous n'avions plus. Le cou- ple qui nous avait subjuguéss'outragcait sans contrainte et croyait saimer: mais un anciea respect l'un pour l'autre, que nous ne pou- vions vaincre , nous forçait à nous fuir pour nous outrager. En paraissant nous être mu- tuellement à charge , nous étions plus près de nous réunir qu'eux qui ne se quittaient point. Cesser de s'éviter quand on s'oHcnsc, c'est être sûrs de ne se rapprocher jamais. L z j84 Emile. Mais au luomcut où rcloignemcnt entre uous était le plus marqué , tout changea de la manière la plus bizarre. Ton t-ù-coup »3'<7/'///i; devint aussi scdcutairc et retirée qu'elle avait été dissipée jusqu'alors. Son liuiucur , qui n'était pas toujours égale , devint conslaïa- inent triste et sombre. EiilVriuéc depuis le luatin jusqu'au soir dans sa chambre, sans parler , sans pleurer, sans se soucier de per- sonne , elle uc pouvait souH'rir qu'on l'in- terrompit. Sou amie cllc-mèuic lui devint insupportable ; elle le lui dit et la reçut mal sans la rebuter : elle me pria plus dune fois de la délivrer d'elle. Je lui fis la guerre de ce caprice dont j'accusais un peu de jalousie; je le lui dis même un jour en plaisantant. Non , Monsieur , je ne suis point jalouse , uio dit-illc d'un air fioidet résolu ; mais j'ai cette fcmuie eu horreur : je ne vous demande qu'une grâce; c'est qnc je ue la revoie jamais. Frappé de ces mots , je voulus savoir la raison de sa haine; elle refusa de répondre. Elle avait déjà fermé sa porte au mari ; je fus obligé de la fernur à la feumie , et nous ue les ▼îmes plus. Cepcndantsa ui-ilesso coutinuaitctdcvenait iuquiétaule. Je coiMjuucnçai de ui'eu alarmer ; L I V R E V. ,S3 ' maiscomment en savoir la cause qu'elle s'obs- tinait à taire ? Ce n'était pas à cette ame fièic <îu on en pouvait iuiposerpar l'autorité' .-nous avons cesse depuis si loug-temps d'être les conlidens l'un de l'autre , que je fus peu surpris qu'elle dédaignât de m'ouvrir sou cœur ; il fallait mériter cette confiance et soit que sa touchante mélancolie eût récliaufTé le mien , soit qu'il fût moins guéri qu'il n'avait cru l'être, Je sentis qu'il m'en coûtait peu pour lui rendre des soins avec lesquels j'espérais vaincre enfin son silence. Je lu- la quittais plus : mais j'eus beau revenir à elle , et marquer ce retour par les plus tendres empresseiucns, ;c vis avec dou- leur que je n'avarnçais rien. Je voulus rétablir les droits d'époux , trop négligés depuis long- tt'i'ps , j'éprouvai la plus invincible résis- tance. Ce n'étaient plus ces refus agacaus , iaits pour donner un nouveau prix à ce qu'on accorde : ce n'étaient pas non plus ces refns tendres , modestes , mais ab.solus , qui m'eni- ^ raient d'amour et qu'il fallait pourtant res- pecter. C'étaient les refus sérieux d'iuic volonté décidée qui s'indigne q.,'on puisse douter d'elle. Elle me rappelait avec force les cogagcmcus pris jadis en votre présence. Ouoi L 3 t86 EMILE. qu'il en soit de moi, disait-elle , vous devez vous estimer vous-même et respectera jamais la parole A'Emile. Mes torts ne vous autori- sent point à violer vos promesses. Vous pou- vez me punir , mais vous ne pouvez me con- traindre , et soyez sur que je ne le souffrirai jamais, (^ue répondre , que faire ? si nou tâcher de la fléchir , de la toucher , de vaincre son obstination à l'orce de per>évér:incr V (es vains cllorts irritaient à-la-tois mon amour et mon amour-propre. Les dillicnltcs ciillam- niaicnt mon cœur , et je me lésais un poiut- d'honncur de lessurmontcr. Jamais peut-ctr« après dix ans de mariage , après un si long refroidissement , la passion d'na époux ne se ralluma si brûlante et si vive; jamais durant mes premières amours je n'avais tant vt ise de pleurs à ses pieds; tout fut inutile , elle de- meura inébranlable. J 'ctais aussi surpris qu'ainigc , sachant bien que cette dureté de cœur n'était pas dans sou caractère. Je ne me rebutai point , et si je ne vainquis pas son opiniâtreté , j'y crus voiv cufin moins de sécheresse. (Quelques signes de regret et de pitié tempéraient l'aigreur de ses refus , je jugeais quelquefois qu'ils lui coû- taient ; ses yeux éteints laissaient tomber sur L I V R E V. 187 moi quelques regards non moins tristes , mais moins farouches , et qui semblaient porte's à l'attendrissement. Je pensaique la honte d'ua caprice aussi outré Tempécliait d'en rcveuir, qu'elle lesoutenait faute de pouvoir l'excuser , et qu'elle n'attendait peut-être qu'un peu de contrainte pour paraître céder à la force ce qu'elle n'osait plus accorder de bon gré. Frappé d'une idée qui flattait mes désirs , je m'}' livre avec complaisance ; c'est encore un égard que je veux avoir pour elle de lui sauver l'embarras de se rendre après avoir si long- temps résisté. U«i jour qu'entraîné par mes transports je joignais aux plus tendres supplications les plus ardentes caresses , je la vis émue ; je voulus achever ma victoire. Oppressée et pal- pitante , elle était prête à succomber ; quand tcut-à-coup changeant de ton, de maintien, de v'sage , elle me repousse avec une prom- ptitude , avec une violence incroyable , et me regardant d'un œil que la fureur et le désespoir rendaient effrayant : Arrêtez , Emile , me dit-elle, sachez que je ne vous suis plus rien. Un autre a souillé votre ht, je suis enceinte; vous ne me toucherez de ma vie 5 et sur-le-champ elle s'élance avec impa- L4 îSiî E M I L T.. tuosité dans son cabiuct, dont die ferme la porte sur elle. Je demeure c'crasé.... Mon maître, ce n'est pas ici Thistoire des ^ve'uemens de ma vie ; ils valent peu la peine dVtre écrits ; c'est l'histoire de mes passions, de mes scutiiuens, de mes idées, .le dois m'c- tendre sur la plus terrii)le révolilliuiique mou cœur éprouva jamais. Les grandes plaies du corps et de lame ne saignent pas à l'instant t|u'clles sont laites ; elles n'impriment pas si-tot leurs plus vives doideurs. La ualure se recueille pour en sou- tenir toute la violence, et souvent le coup mortel est porte' long-temps avant que la Llcssure se iassc sentir. A cette scène i»iat- tcudue , à ces mots que mon oreille semblait repousser, je reste immobile , anéanti : mes •yeux se ferment, un froid mortel court dans mes veines ; sans cire évanoui je 'eus tous mes sens arrêtés , toutes mes fonctions sus- pendues; mou amc bouleversée est dans un trouble universel , senddable au chaos de la scène au moment qu'elle change , au mo- ment que tout fuit et va prendre mi nouvel aspec t. J'iguore combien de temps je demeurai LIVRE Y. iB^ dans cet état, à genonx comme j'étais, et sans oser presque remuer, de peur de m'as- siirer que ce qui se passait nVtait point un songe. J'aurais voulu que cet étourdisseiheut eût duré toujours. Mais euOu réveillé maigre moi , la première impression que je sentis fut lin saisissement d'horreur pour tout ce qui m'environnait. Tout-à-coup je me lève , je in'clance iioi-s de la chambre , je franchis l'escalier sans rien voir, sans rien dire à per- sonne, je sors , je marche à grands pas , je in^éloigne avec la rapidité d'un cerf qui croit fuir par sa vitesse le trait qu'il porte enfoncé dans son flanc. Je cours ainsi sansm'arrctrr , sans ralentir ïnoa pas , jusque dans ini jardin public. L'aspect du jour et du ciel m'était à charge; je cherchaisl'obscurité sous les arbres ; enfin , me trouvant hors d'haleine , je me laissai tomber demi-mort sur un gazon... Où suis-jc ? que suis-je devenu ? qu'ai-je en tendu ? quelle catastrophe? insensé! quelle chimère as-tu poursuivie ? iimour , honneur , foi , vertus , ou etes-vous? La sublime , la noble Sophie " est qu'une infâme ! Celte exclamation que nioii transport ht éclater, fut suivie d'un tel dccliircmcut de cœur , qu'oppressé par les L 5 15» EMILE. sanglots, je ne pouvais ui ic.>:pivcr nij^ciuir: sans la ra^e et l'einpoitrnicnt qui succédè- rent, ce saisissement m'eut sans doute etoulié. O qui pourrait démêler , exprimer cette con- fusion de sentiineus divers que la lionlc , l'amour, la fureur, les rep;rets, l'attcudrisse- ment , la jalousie , l'alTrcux désespoir nie firent éprouver à-la-fois? JNoii , cette situa- tion , ce tumulte ne peut se décrire. L'épa- nouissement de l'cxtrcme joie , qui d'un mouvement uniforme stuible rletulre et raréfier tout notre être , se conçoit , s'imaj^ino aisément. Mais quand l'excessive douleur ras- semble dans le sein d'un misérable toutes les furies des enfers ; quand mille tiraillemens opposes le déchirent sans qu'il puisse en distinguer un seul; quand il se sent mettre en pièces par cent forces diverses qui l'cn- traîncnt en sens contraire, il n'est plus un , il est tout entier à chaque point de douleur , il semble se multiplier pour souflrir. Tel était mou état , tel il fut durant plusieurs heures; comment eu faire le tableau ? Je ne dirais pas eu des volumes ce que je sentais à chaque instant. Hommes heuruux , qui dans une ame étroite et dans un cœur tiède no connaissez de revers que ceux delà fortune , ni de [>«>- L I V R E V. 19Î sions qu'un vlL intérêt, puissiez-vous traitei toujours cet horrible état de chimère et n'éprouver jamais les tourniens cruels que donnent de plus dignes attachcuicus , quand ils se rompent , aux coeurs faits pour les sentir. Nos forces sont bornées , et tous les trans- ports violens ont des intervalles. Dans un de ces moinens d'épuisement où la nature reprend haleine pour souffrir , je vins tout-à- coup à penser à ma jeunesse , à vous , moa maître , à mes leçons : je vins à penser que j'étais homme, et je me demande aussi-tôt , quel mal ai-je reçu dans ma personne ? quel crime ai-je commis? qu'ai-je perdu de moi ? Si dans cet instant, tel que je suis, je tombais des nues pour conunencer d'exister, serais-je un être malheureux ? (Iclle réflexion , plus prompte «jn'ua éclair , jeta dans mon ame un instant de lueur que je reperdis bien- tôt, mais qui me suffit pour jue rccunnaître. Je me vis clairement à ma place ; et l'us'^o de ce moment de raison fut de m'apprendra que j'étais incapable de raisonner. L'horrible agitation qui régnait dans mon ame n'y lais- sait à nul objet le temps de se faire apercevoir : j'étais hors d'état de rien voir , de rien com- parer , de délibérer, de résoudre , de jugeï L 6 S92 EMILE. de rien. C'était donc me touiuicnter raine- lUL'Ut que de vouloir rêver à ce que j'avais à faire ; c'était sans fruit aigrir mes peines , et mon seul soin devait être de ii,aguer du temps pour raffermir mes sens et rasseoir mon ima- gination. Je crois que c'est le seul parti que TOUS auriez pu prendre vous-mëuie , si vous eussiez c'té là pour me guider. Re'solu de laisser exhaler la fougue des transports que je ne pouvais vaincre , je m'y livre avec une furie empreinte de je ne sais quelle volupté' , comme a3-ant mis ma douleur à son aise. Je me lève avec pre'cipitation ; je me mets à marcher comme auparavant, sans suivre de route de'lermince: je coui-s , j'crro de paît et d'autre, j'abandonne mon corps à tonte l'aiçitalion démon coeur , j'en suis les impressions sans contrainte ; je me mets hors d'haleine, et mêlant mes soupirs tranchans à ma respiration gênée, je me sentais quel- quefois prêt il suffoquer. Les secous'cs de cette marche précipitée semblaient m'étourdirct me soulager. L'ins- tinctdans les passions violentes dicte des cris , des mouvemeus , des gestes , qui donnent un cours aux esprits et font diversion à la pas- sion : ta.it qu'on s'agite ou n'est qu'emporté ; LIVRE V: 19S le ir.ornc repos cstplnsù craindre , il eslvoisin du desespoir. Le nicine soir je lis de cette dif- fe'rence une épreuve pi-esque visible , si totit ce qui montre la folie et la misère humaine devait jamais exciter à rire quiconque y peut être assujetti. JL près mille tours et retours faits sans m'en être apperçu , je me trouve au milieu de la . ville eutourrédc carrosses à l'heure des spec- tacles , et dans une rue oii il y eu avait mi. J'allais être e'crasé dans l'embarras , si quel- qu'un , me tirant par le bras , ne m'eût averti du danger: je me jettedansune porte ouverte; c'était un café. J'y suis accosté par des gens de ma connaissance ; on me parle , ou m'en- traîne je ne sais où. Frappe d'un ]>riut d'ins- trumens et d'un éclat de luiuicrcs , je reviens }i moi , j'ouvre les yeux, je regarde : je m© trouve dans la salle du spectacle un jour de première représentation , pressé par la foule j et dans l'impuissance de sortir. Je frémis ; mais je pris mon parti. Je ne dis rien, je me tins tranquille , quelque cher que me coûtât cette apparente tranquillité. On fit beaucoup de bruit, ou parlait beaucoup , ou lue parlait; n'entendant rien que pouvais-je répoudre ? Mais uu de ceux qui m'avaient ,94 EMILE. amcnc ayant par hasard nomme ma femme , à ce nom funeste je fis un cri perçant qni fut ouï de tonte l'assemblée (t causa quelque rumeur. Je me renus proniptcmcnt , et tout s'apaisa. Cependant ayant attiré par ce cri l'atteutiou de ceux qui m'environnaient , je cherchai le moment de m'cvader , et m'ap- prochant peu-à-pcu de la porte , je sortis enha avant qu'on eût achevé. En entrant dans la rue et retirant machi- nalement ma main, que j'avais tenue dans liion sein durant toute la rcprésentaliou , je ■vis mes doigts pleins de sang, et j'en crus sentir couler sur ma poitrine. J'ouvre mon sein, je regarde , je le trouve sanglant et déchire comme lo ccur qu'il enfermait. On peut penser qu'un spectateur tranquille à ce piix n'était pas fort boa juge de la pièce qu il venait d'entendre. Je me hâtai de fuir , tremblant d'être encore rencontré. La nuit favorisant mes courses , je me remis à parcourir les rues , comme pour me dédommager de la contrainte que je venais d'éprouver; je marchai plusieurs heures sans me reposer un moment : cniwi ne pouvant presque plus me soutenir et me trouvant près de mon quartier, je rentre chez moi , uou L I V R E V. 195 «ans un afFreiïx battemeatde cœur : jedemande ce que fait mon tils ; on médit qu'il dort; je me tais et soupire : mes gens veulent me par- ler; je leur impose silence ; je me jette sur un lit, ordonnant qu'on s'aille coucher. Après quelques heures d'un repos pire que l'agita- tion de la veille, je me lève avant le jour, et traversant sans bruit les appartemens, j'approche de la chambre de Sophie ; la , sans pouvoir me retenir , je vais avec la plus de'tes table lâcheté' couvrir de cent baisers et baigner d'un torrent de pleurs le seuil de sa porte, puis m'échappent avec la crainte et les précautions d'un coupable, je sors douce- ment du logis résolu de n'y rentrer de mes jours. Ici finit ma vive mais courte folie , et je rentrai dans mon bon sens. Je crois mcme avoir fait ce que j'avais dû faire eu cédant d'abord à la passion que je ne pouvais vain- cre , pour pouvoir la gouverner ensuite après lui avoir laissé quelque essor. Le mouve- ment que je venais de suivre m'ayant disposé à l'attendrissement , la rage qui m'avait trans- porté jusqu'alors fit place à la tristesse , et je commençai à lire assez au fond de mou coeur pour y voir gravée eu traits aicQaçables la 196 EMILE. plus profonde affliction. Je marchais cepen-3 dant, je m'éloignais du lieu rcdoulablc , moins rapidement que la veille , mais aussi sans faire aucun détour. Je sortis de la ville, et prenant le premier grand chemin , je me mis à le suivre d'une déniarclie lente et mal assurée qui marquait la défaillance et l'abat- tement. A mesure que le jour croissant éclai- rait les objets, ;e croyais voir un autre ciel , une autre terre , nn autre univers ; tout était changé pour moi. Je n'étais plus le même que la veille , ou plutôt , je n'étais pins ; c'était ma propre mort que j'avais à pleurer. O combien de délicieux souvenirs vinrent assié- ger mon creur serré de détresse , et le forcer de s'ouvrir h leurs douces images pour le. noyer devaitisregrets ! Toutesmesjouissances passées venaient aigrir le sentiment de mes pertes , et me rendaient [)lus de tourmcns qu'elles ne m'avaient donne de voluptés. Ah ! qui est-ce qui connaît le contraste affreux de sauter tout d'un coup fie l'escivs du bonheur b l'excès de la misère , et de fraiiehir cet irn- xueuse intervalle , sans avoir un moment pour s'y préparer ? Hier , hier même, aux pieds d'une é])ouse adorée , j'étais le plus heureux Jcs êtres ; c'était l'amour qui m'asscryissait L I V^ R E V. 197 à ses lois, qui lue tenait dans sa dépendance ; son tyiannique pouvoir était l'onviage de ma tendresse, et je jouissais même de ses rigueurs. Que ue m'ctait-ii donne de passer le cours des siècles dans cet e'tat trop aimable, à l'cs- tlmer, la respecter , la cliérir , à gémir de sa tyrannie, à vouloir la fléchir sans y parvenir jamais, à demander , implorer , supplier, désirer sans cesse , et jamais ne rien obtenir. Ces temps , ces temps charmans de retour at- tendu , d'espérance trompeuse , valaient ceux mêmes où je la possédais. Et maintenant, haï, trahi , déshonore, sans espoir, sans ressource, je n'ai pas même la consolation d'oser former des souliaits Je m'arrêtais, cQVayé d'hor- reur , à l'objet qu'il Fallait substituer à celui qui m'occupait avec tant de charmes. Contem- pler Sophie avilie et méprisable ! (,)ucls yeux pouvaient sonllrir cette profanation ! Mou plus cruel tourment n'était pas de m'occuper de ma misèie, c'était d'y mêler la honte do celle qui l'avait causée. Cx tableau désolant était le seul que je ne pouvais supporter. La veille , ma douleur stupide et forcenéa m'avait garanti de cette affreuse idée ; je ne songeais à rien qu'à souffrir. IMais à inesuro que le scutimcut do mes maux s'arraugeaiÉ ipS I?. M I L E. pour ainsi dire au fond de mon crenr , force de remonter à leur source , je me retraçais mali^re' moi ce fatal objet. Les mouvemcns qui uiViaieiit échappes en sortant ne mar- quaient que trop l'indigne penchant qui m'y ramenait. La haîiie que je lui devais tne coû- tait moins que le dédain qu'il y fallait joindre, et ce qui me déchirait le plus cruellement n'était pas tant de renoncer à elle que d'être forcé de la mépriser. Mes premières réllevions sur elle furent amères. Si rinlidélité d'une femme ordinaire est un crime , quel nom fallait-il donnera la sienne ? Les âmes viles ne s'abaissent point en fesant des bassesses , elles rcstentdans leur état; il n'y a point pour elles d'ignominie parce qu'il n'ya point d'clcvalion. Les adul- tères des femmes du uionde ne sont que des galanteries; mais .S'o/'///> adultère est le plus odieux de tous les monsUes : la distance de ce qu'elle est à ce ses yeux ? N'est-ce pas sa tristesse qui m'a ra- mené moi-mcinc a ses pieds ? jS'est-ce pas .^a touchante douleur qui m'a rendu toute iiia tendresse ? AU 1 ce n'est pas là la eou- 202 EMILE. duite artificieuse d'une iufidelle qui trompe sou mari et qui se touiplaît daus sa tra- hison ! Puis venant ensuite à refléchir plus ea détail sur sa couduite et sur sou étonnante déclaration , que ne sentais-je point en voyant cette femme timide et modeslc vaincre la honte par la franchise , rejeter une estime démentie par son cœur , dédaigner de con- server ma confiance et sa réputation en ca- chant une faute que rien ne la forçait d'avouer , en la couvrant des caresses qu'elle a rejettées , tt craindre d'usurper ma tendresse de père pour un enfant qui n'était pas de mon sang ? Quelle force n'admirais-ie pas dans cette in- vincible hauteur de courage qui , même au prix de l'honneur et de la vie, ne pouvait s'abaisser à la fausseté et portait jusque dans ie crime l'intrépide audace de la vertu ? Oui , me disais-jc avec un applaudissement secret , au sein mémo de l'ignominie cette ame forte conserve encore tout son ressort ; elle est cou- pable sans être vile ; elle a pu commettre un crime , mais non pas une lâcheté. C'est ainsi que pou-a-peu le penchant de mon cœur me ramenait en sa fafeur à des jujjemeus plus doux et plus supportables. L I V R E V. 2o3 Sans la Justifier, je l'excusais ; sans par- donner SCS outrages , j'approuvais ses bons procéde's. Je me complaisais dans ces senti- mens. Je ne pouvais me défaire de tout mon amour, il eût été trop cruel de le conserver sans estime. Si-tôt que je crus lui eu devoir encore, je sentis un soulagement inespéré. L'homme est trop faible pour pouvoir con- server long-tcnis des mouvemcns extrêmes. Dans l'excès même du désespoir la Provi- dence nous ménage des consolations. Malgré l'horreur de mon sort, je sentais une soi te de joie à me représenter Sophie estimable et malheureuse ; j'aimais à fonder ainsi l'in- térêt que je ne pouvais cesser de prendre à elle. Au-lieu de la sèche douleur qui me consumait auparavant , j'avais la douceur de m'attcndrir jusqu'aux larmes. Elle est perdue à jamais pour moi , je le sais , me disais-je ; mais du moins j'oserai penser en- core à elle , j'oserai la regretter ; j'oserai quelquefois encore gémir et soupirer sans rougir. Cependant j'avais poursuivi ma route , et distrait par ces idées , j'avais marché tout le jour sans m'en apercevoir , jusqu'à ce qu'enfiB revenant à moi et n'étant plus sou- 204 É M I L F- teuu par l'aiiiuiositc de la veille , je rue sentis, d'une lassitude et d'un épuisement qui demandaient de la nourriture et du re- pos. Grâces aux exercices de ma jeunesse j'étais robuste et fort , je ne craignais ni la faim ni la fatigue ; mais mou esprit malado avait tourmente mon corps , et vous m'aviez bien plus garanti des passions violentes qu'ap- pris à les supporter. J'eus peine à gagner un village qui était encore à une lieue de moi. Comme il y avait près de trente-six Leures que je n'avais pris aucun aliment, je soupai , et même avec appétit : je me cou- chai délivre des fureurs qui m'avaient tant tourmenté, content d'oser penser à Sophie y et presque joyeux de l'imaginer moins de- fi'urée et plus digne de mes regrets que je u'avais espéré. Je dormis paisiblement jusqu'au malin. La tristesse et l'infortune respectent le som- ïiicil et laissent du relâche à l'amc ; il n'y a que les remords qui n'on laissent point. I<:ii me levant je me sentis l'esprit assez calm« et en état de délibérer sur le que j'avais à iaire. Mais c'était ici la j)lus mémorable ains^i que la plus cruelle époque de ma vie. Tous mes atlachcuieus cLaient rompus ou altères, tous LIVRE V. 2oâ tous mes devoirs étaient cliange's ; je ne te- nais plus à rien de la même manière qu'au- paravant , je devenais , pour ainsi dire, nu nouvel être. Il e'tait important de peser mû- rement le parti que j'avais à prendre. J'eu pris un provisionnel pour me donner le loisir d'y re'ffêchir. J'achevai le chemin qui restait à faire jusqu'à la ville la plus pro- chaine ; j'entrai chez un maître , et je me mis à travailler de mon métier en atten- dant que la fermentation de mes esprits fût tout-?i-fait apaisée , et que je pusse voir les objets tels qu'ils étaient. Je n'ai jamais mieux senti la force de l'édu- cation que dans cette cruelle circonstance. Né avec une ame faible, tendre h toutes les impressions , facile à troubler, timide à me résoudre, après les premiers momens cédés à la nature , ;e me trouvai maître de moi- même et capable de considérer ma situation avec autant de sang-froid que celle d'un autre. Soumis à la loi de la nécessité je cessai mes vains murmures , je pliai ma volonté sous l'mévitable joug , je i*egardai le passé comme étranger à moi , je me supposai com- mencer de naître ; et .tirant de mon état prcr £'mi./e. Tome IV. 31 2o6 EMILE. sent les lè.^les de ma conduite, en atten-» dant que j'en fusse assez instruit , je me mis paisiblement à l'ouvrage comme si j'eusse été' le plus content des hommes. Je n'ai rien tant ap|)ris de vous dès mon enfance qu'à être toujours tout entier où je suis , à ne Jamais faire une chose et rêver à une autre ; ce qui proprement est ne ricii faire et n'être tout entier nulle part. Je n'é- tais donc attentif qu'à mon travail durant la journée : le soir je reprenais mes reflexions , et relayant ainsi l'esprit et le corps l'un par l'autre , j'en tirais le meilleur parti qu'il m'était possible, sans jamais fatiguer aucun des deux. Dès le premier soir, suivant le lil de mes idées de la veille , j'examinai si peut-être |c ne prenais point trop à creur le crime d'une fciniue , et si ce qui me paraissait une catas- trophe de ma vie n'était point un événe- ment trop commun pour devoir être pris si gravement. Il est certain , me disais-je , que par-tout où les moeurs sont en estime , les inlldélités des femmes déshonorent les maris: mais d est sur aussi que dans toutes les grandes villes , et par-tout où les homme> , plus cor- rompus, se croient plus éclairés , ou tient L I V R E V. 207 cette opinion pour ridicule et peu sensée. L'honneur d'un homme, disent-ils ,dcpend-il de sa femme ? Son malheur doit-il faire sa honte , et peut-il être dcshoiioré des vices d'autrui ? L'autre morale a beau être plus sévère , celle-ci paraît plus conforme à la raison. D'aille-urs , quelque iuo;ement qu'on portât de mes procéde's , n'étais-je pas par mes prin- cipes au-dessus de l'opinion publique ? Que ni'importait ce qu'on penserait de moi , pourvu que dans mon propre cœur je ne cessasse point d'être bon, juste , honnête ? Etait-ce un crime d'être miséricordieux ? Etait-ce une lâcheté de pardonner une of- fense ? Sur quels devoirs allais-je donc me régler ? Avais-je si long-lcms dédaigné le préjugé des hommes pour lui sacrifier eufiu mon bonheur ? iVIais quand ce préjugé serait fondé , quelle influence peut-il avoir dans un cas si différent des autres ? Quel rapport d'une infortunée au désespoir à qui le remords seul arrache l'aveu de son crime , à ces perfides qui couvrent le leur du mensonge et de la fraude , ou qui mettent l'effronterie à la M 2 2Co E M I L E. place de la fiaiichisc et se vantent de leur dc'.slioimcur ? Toute reuime vicieuse , toute fciuun; qui uic{)iise e«icoro plus son devoir qu'elle uc l'offense, est iiulii^nc de uieun 'c- uieut ; c'est partaj^cr sou iul'aïuic que la tolérer. jMais celle à qui l'ou reproche t)!u- tôt une faute qu'un vice, et qui l'expie par ses regrets , est jjIus dij;ne de pitié que de Laine ; on peut la plaindre et la pardonner sans honte ; le malheur uiénie qu'on lui re- proche est j^arant irellc pour l'avenir. Sopi:ic restée estimalile jusque dans le crime sera respectahle dans son repentir ; elle sera d'autant plus Ijdclle que sou cœur lait pour la vertu a senti ce qu'il en coûte à l'ofl'enser; elle aura tout à-la-fois la fciuielc qui la conserve et la modestie qui la rend aima- ble ; riiuiniliation du remords adoucira celte amc or;;;ueillcuse et rendra )iioiiis tvranniquc l'empire que l'auiour lui donna sur moi • elle Cl srra plus soi;;neuse et moins lière clic n'aura comuiis une faute que pour se guérir d'un défaut. Ouand les passions ne peuvent nous vain- cre à visage découvert , elles ])rennent le ïuasquc de la sagesse ])our nous surprendre; et c'est eu imitant le laug;igc de la raison LIVRE V. 209 qu'elles nous y fout renoncer. Tons ces so— pliismcs ne m'en imposaient que parce qu'ils flattaient mon pcucliaut. J'aurais voulu pou- voir revenir à Sop/iiein^àcWe , et j'ccoutais avec complaisance tout ce qui semblait au- toriser ma lâcheté. Mais j'eus beau faire , ma raison moins traitable que mon cœur ne put adopter ces folies. Je ne pus me dissi^nu- 1er que Je raisonnais pour m'abuscr , noa pour m'e'ciairer. Je m.c disais avec dou- leur, mais avec force, que les maximes du monde ne font point loi pour qui veut vivre pour soi-même, et que préjuges pour préjugés ceux des mœurs en ont un de plus qui les favorise : que c'est avec raison qu'où im- pute à un mari le désordre de sa femme , soit pour l'avoir mal choisie , soit pour la mal gouverner ; que jetais moi-même un esemplo de la justice de cette imputation , et que , si Emile eût été toujours sage, Sophie\x\\\t jamais failli ; qu'on a droit de présumer que celle qui ne se respecte pas elle-iticme , res- pecte au moins sou mari s'il en e.sl digue, et s'il sait conserver son autorité; que le tort de ne pas prévenir le dérèglement d'une femme est aggravé par l'infamie de le souf- frir; (jue Içs couséqucuces de l'iuipuaitésoul; M a 3IO EMILE. effrayantes, et qu'en pareil cas cette impn- BÏté marque dans l'offense' une indill'ei'vice pour les mœurs honnêtes , et une bassesse ^'^l^ae indigne de tout honneur. Je sentais sur-tout eu mon fait particulier, que ce qui rcnchiit Sop/iic encore estimable en était plus désespérant pour moi : car on peut soutenir ou renforcer une ame faible, et celle que l'oubli du devoir y fait manquer, y peut être ramenée par la raison ; mais comment ramener celle qui garde en péchant tout son couraj^e, qui sait avoir des vertus dans le cnmc et ne fait le mal que couimc il lui plaît? Oui, Scp/iic est coupable parce qu'elle a voulu l'être. (,)uanfl celte auiehau- t^ip.ea pu vaincre la honte, elle a pu vaincre toute autre passion ; il ne lui en eut pas plus coûté poiu" m'êtrc fidclle que pour me de'clarer son forfait. En vain je reviendrais à mon épouse , elle ne reviendrait plus à moi. Si celle qui m'a tant aimé, si celle qui m'était si chère n pu m'oufra^cr , si ma Sn^'hic a pu rompre les premiers uœi.d'- devenir me retrouvant sent, 11 L I Y R E T. 217 îl y avait long-temps que je u'elals pins un être isolé sur la terre : mou cœur tenait , comme vous m.e l'aviez prédit, aux attacLe'- mens qu'il s'était dounés , il s'était accoutumé à ne faire qu'un avec ma famille; il fallait l'eu détacher, du moins en partie, et cela Miême était plus pénible que de l'en détacher tout-à-fait, (^uel vide il se fait en nous , combien on perd de son existence quand ou a tenu à tant de choses , et qu'il faut ne tenir plus qu'à soi , ou qui pis est , à ce qui nous fait sentir incessamment le détachement du reste ! J'avais à chercher si j'étais cet homme encore , qui sait remplir sa place dans son espèce , quand nul individu no s'y in- téresse plus. Mais où est -elle cette place pour celui dont tous les rapports sont détruits ou chan- gés ? Que faire, que devenir, où porter mes pas, à quoi employer une vie qui ne devait pins faire mon bonheur ni celui de ce qui m'était cher, et dont le sort m'ôtait Jusqu'à l'espo.r de contribuer au bonheur de pc,- sonne? Car si tant d'instrumenspréparés pour le m.en n'avaient fait que ma misère, pou- vais-;e espérer d'être plus heureux pour au- trn. que vous ne l'aviez été pour mo. ? J\ou, Lnule. Touie 17, N 2i8 EMILE. Vaima:is mon devoir encore, mais je ne le voyais plus. En rappeler les principes et les rè-les , les appl.qncr à mon nouvel état , n'était pas l'aSaire cl'iui inomcat ; uiou es- prit faliyué avait besoin d'un peu de relâche pour se livrer à de nouvelles u.ed.tal.ous. J'avais fait un s'-^nd pasversle repos.Dc- livrë de r.nqnietnde de l'espérance , et sur de perdrcainsipcn-à-peucellodudésir,en voyant î^uele passe ne m'elait pins rien, ,e taeha.s de xuc meure tonl -à - ra:t dans Télat d uu honnne qu. connnence à v.vre. Je me d.sa.s qu'en effet nous ne IVsons jamais que com- uu-ncer, et qu'il n'y a point d'autre l.ausou dans notre existence qu'une succession de xuomen. p>^^cns , dont le premier est ton.ours celui qu. est en acte. Nous mourons et nous abaissons chaque mslant de noire vie, el que intérêt la mort peut-elle nous husser ? S il ,,'va rien i>o..r nous que ce qm sera, nous «. pouvons élre lu-ureux ou mailieuivux que par l'avenir , et se tourmenter du passe c est tir.r du néant lessujels de nol. e.u.sére. /w//^/*-, sois un homme nouveau , tu n'auras pa. pl^ns à te plaindre du son que de la nature. Tes ,.a!heu.s sont nuls , Tabyme du néant les a tous cugloutis -, luais ce qui est rccl , c» L ï V p. E V. 2T9 qui est existant pour toi , c'est ta vie , ta santé , ta jeunesse , ta raisou, tes taleiis , tes lumières , tes vertus enfin , si tu le veux , et par conséquent ton bonheur. Je repris mou travail, attendant paisible- ment que mes ide'ess'arrangeassentassezdans ma tète poiu- me montrer ce que j'avais à faire ; et cependant en comparant mon état îi celui qui l'avait ])retcdc, j'étais dans le talmc ; c'est ravanta<;c que procure iiidépen- flamnient des événcmens toute conduite con- i'orme à la raison. Si l'on n'est pas heureux malgré la fortuue , quand on sait maintenir son cœur dans l'ordre , ou est tranquiMc au- moins en dépit du sort. Mais que celte tran- quillité tient à peu de chose dans une ame sensible ! Il est bien aisé de se mettre dans l'ordre , ce qui est dilfieile c'est d'y rester. Je taillis voir renverser toutes mes résolu- tiotis au moment que je les croyais le plus allérmies. J'étais entré chez; le maître sans m'y faire 3)caucoup remarquer. J'avais lou)ours con- servé dans mes vétcmens la simplicité que vous m'aviez fait aimer ; mes manières u é- laient pas plus recherchées , et l'air aisé d'un homme qui se sent par-tout à sa place était N2 220 É M I L E. moins rctnnrquablc chez un menuisier qn'il n« l'eut été chez un grand. On voyait pourtant bien que mon équipage n'ctail pas celui d'un ouvrier : mais à ma manière de me mettre à l'ouvrage on jugea qTic je l'avais été, et qu'ensuite avance à quelque petit poste j'en étais déchu pour rentrer dans mon premier élat. Un petit parvenu retombé n'inspire pas une grande considération , et l'on me prenait à-peu-près au mot sur l'égalité où je m'é- tais mis.Tout-à-coup jc vischanger avec moi le ton de toute la famille. La familiarité prit plus de réserve , on me regardait au travail avec une sorte d'étonnemcnt ; tout ce que je fcsais dans l'atelier (et j'y fosais tout jnicnx que le maître) cxcUait l'admiration ; l'on semblait épier tous mes mouvemens , tous mes gestes. On tâchait d'en user avec moi comme à l'ordinaire, mais cola ne se fcsalt plus bans ellort, et l'on eût dit que c'était par respect qu'on s'abstenait de m'en mar- quer davantage. Les idées dont j'étais préoc- cupé m'empêchèrent de m'apercevoir de ce changement aussi-tôt que j'aurais lait dans nu autre temps: mais mou habitude en agis- sant d'être toujours à la chose me ramenant bientôt à ce qui se fcsait autour de moi ue LIVRET. 22r me laissa pas long-temps ignorer que j'e'tais devenu pour ces bonnes gens un oljjet de cu- riosité qui les inte'ressait beaucoup. Je remarquai sur-tout que la femme ne me quittait pas des yeux. Ce sexe a une sorte de droits sur les aventuriers , qui les lui rend eu quelque sorte plus intéressans. Je ne pous- sais pas un coup d'cclioppe qu'elle ne j)ariit eflrayée , et je la voyais toute surprise de ce que je ne m'étaispas blesse. Madame, lui di.'^-je une fois , je vois que vous vous déliez de mon adresse ; avez-vons peur que je ne sache pas ïuon métier ? Monsieur , me dit-elle , je vois que vous savez bien le nôtre ; on dirait que vous n'avez fait que cela toute votre vie. A ce mot je vis que j'étais connu : je voulus savoir comment je l'étais. A près bien des mys- tères , j'appris qu'une jeune dame était venue, il y avait deux jours, descendre à la porte du maître , que sans pernictlrc qu'on m'aver- tit elle avait voulu me voir, qu'elle s'était arrêtée derrière une |)orle vitrée d'où elle pou- vait m'iipcreevoir au ronddel'attelier ,qu'( Ile s'était mise à genoux à cette porte, ayant à côlé d'elle un petit enfant qu'elle serrait avec transport dans ses bras par intervalles , poussant de longs sanglots à demi étouffés, N 3 222 É :^[ i L E. \cr!.ant des tonciis tle Un mes, et donuaiii divers signes d'une douleur dont tous les té- moins avaient ctr vivement émus : qu'on l'avait vue plusieurs lois sur le point de s'c- lancer dans l'atulier, qu'elle avait paru ne so tenir que par de violcns ((loris sur elle-même î qu'cntin après m'avoir eousuleré lonj^-lemps avec plus d'attenl. on eulc rceueilU ment elle s'elalt levée tout d'ini coup, et, collant le visage de l'enlant sur le sien, elle s'cilait écriée à demi-vo x : Aon , joinnis il tie ren- dra fotcrta incre; viens ,tious- n'afons rien à faire ici. .V ces mots elle clait sortie avrr. précipitation ; pu s après avoir oblenn qu'on, ne me parlerait de rien, remonter dans soil carrosse et partir connue un éclair n'avait; cté pour clic que l'ailairc d'un instant. Ils ajoutèrent que le vif inter«?t dont ils ne pouvaient se défendre |)our celte aimahlc dame, les avait r-u'lus iidèlcs à la promesse qu'ils lui .iv.ilenl faite et qu'elle avait c\i- cée avec tant d'instances, qu'ils n'y marj- quaient qu'à rci^rit , qu'ils voyaient ai- sément à son équipai;;c et |)lus encore a sa ligure que c'était une personne d'un ha ut rang, et qu'ils ne pouvaient présumer autre chose dc.'-a démarche et de son discours, sinon que L I V R E V". 223 eette femme était la mienne, car il e'tai t impos- sible de la prendre pour une iille entretenue. jLT-ez de ce qui se passait eu moi durant ce récit! Que de choses tout cela supposait ! quelles inquiétudes n"avait-il pas fallu avoir, quelles recherches u'avait-il point fallu faire pour retrouver ainsi mes traces ! Tout cela est-il de quelqu'un qui n'aime plus ? Quel voyage ! quel motif l'avait pu faire entre- prendre ? dans quelle occupation elle m'a- vait surpris! Ah ! ce n'était pas la première fois : mais alors elle n'était pas à genoux , elle ne fondait pas en larmes. O temps , temps heureux ! Qu'est devenu cet ange du ciel ?.... Mais que vient donc faue ici cette femme. . . , elle amène son fils... mon fils... et pourquoi ? . . . Voulait-elle me voir, me par- ler ? Pourquoi s'enfuir ? . . . me braver ? . . . Pourquoi ces larmes ? Que me veut-elle , la perfide? vient-cile iusulter a ma misère? A- t-elle oublié qu'elle ne m'est plus rien ? Je cherchais en quelque sorte à m'irriter de ce voyage pour vaincre l'attendrissement qu'il me causait, pour résister aux tentations de courir après riiifortuuée,qui m'agitaient mal- grc moi. Je demeurai néanmoins. Je vis que cette démarche ne prouvait autre chose smoa N4 22+ EMILE. que i'clais encore aiuic, et cette supposition liiènie elant oiitiec dans uia dclibcralioii ue devait ricii cliaiijjcr au parti qu'elle lu'avait fait prend le. jMors cxainiiiant plus iioseiuent toutes Ie« circonstances de ce voyage , |icsant sur-touf les derniers mots qu'elle avait prononcés en partant , j'y crus démêler le motif qui l'avait amenée et celui qui l'avait fait repartir tout d'u.i coup sans s'éUe lai^5ée voir. Sophie parlait simplement; mais tout ce qu'elledi- fiait portail dans mon cœur des traits de lu- ui.ère , et c'en fut un quc ce peu de mots. Il lie t''ùtcra pas ta mèrf , tivait-elle dit. C'é- tait doue la crainte qu'on ne la lui ôtàl qui l'avait amenée , et c'était la perfuasiou que ccia n'arriverait pas qui l'avait fait repartir; et d'où la tirait-elle , cette persuasion ? qu'a- vait-elle vu ? Emile en pais , Emile au travail. (Quelle preuve pouvait -elle tirer de cette vue , sinon (\u'F.niile en cet état n'était point subjugue jiar ses passions et ne formait que des résolutions raisonnables? Celle do la sc'parer de son fils ne l'était donc pas se- lon elle, quoiqu'elle le fut selon moi : lequel avait tort ? Le mot de Sophie décidait en- core ce point ; et eu cllet en cousidc'raut L I V K E V. 225 le seul intérêt de l'ciifaiit , cela pouvait-il niêiiic clic mis en doute ? Je u'avais envisagé que l'enfant ôte' à la mère , et il fallait en- visager la mère ôle'e à l'enfant. J'avais donc tort. Oter une mère à son fils, c'est lui ôter plus fju'ou ne peut lui rendre , sur-tout à cet âge ; c'est sacrifier l'enfant pour se venger de la mère : c'est un acte de passion, jamais de raison , à moins que la mère ne soit folle ou dcuature'e. Alais Sophie est celle qu'ilfau- drait dcsiier à mon lils quand il eu aurait «ne autre. Il faut que nous relevions elle ou moij ne |)ouvant plus l'èlcver ensemble, ou bien pour contenter ma colère il faut le rendre orphelin. Mais que ferai-je d'un en- fant dans lèlat où je suis i? J'ai assez de raison pour voir ce que je puis ou ne puis faire , non pour faire ce que je dois. Traî- neiai-je un curiut de cet âge en d'autrescou- tre'cs , ou lu licndrai-je sous les yeux de sa mère, pour braver une femme que je dois fuir ? Ali ! pour ma sùrctè je ne serai jamais assez, loin d'elle! Laissons-lui renfantde peur qu'il ne lui ramène à la fin le père. (Ju'il lui reste seul pour uia vengeance ; que eiiaque jour de sa vie il rappelle a l'iulidcUe le bon,-» N5 226 EMILE. liL-iir dont il fut le gage ctrcpoux qu'elle s'est ôté. Il est certain que la icsolution d'ôlcr mon. fils à sa mère avait clé l'eflct de ma colère. vSiir ce seul point la passion m'avait aveugle, et ce fut le seul point aussi sur lequel je chan- geai de re'solution. Si ma famille eut suivi mes intentions , Sortie eut eleve' cet enfant, et peut-cire vivrait-il encore ; mais peut -cire aussi dcs-Iors Sophie était-elle morte pour moi; consolée dans cette chère moitié de uioi- mcuic, elle n'eut phissongéà rejoindre l'autre, et j'aurais perdu les plus l)caux jours de ma vie. Que de douleurs devaient nous faire ex- pier nos fautes avant que notre réunion nous les (ît oublier. Nous nous connaissions si bien nnilucllc- mont, qu'il ne me fiilUit pour deviner le motif de sa brusque retraite que sentir qu'elle avait prévu ce qui sérail arrivé si nous nous fnssions revus. J'étais raisonnable, mais faible, elle le savait ; et je savais encore mieiix com- bien cette anie sublime et fièrc conservait d'inUexibilité jusque dans ses fauses. L'idée de cSo/'///V rentrée en grâce lui était insuppor- table. Elle sentait que son crime était de ceux qui uepcuvctits'oublicrjcllc aiment mieux ctr« L I V R E V. 227 pnnie que pardonnée : un tel pardon n'était pas fait pour elle; la punition même l'avilissait moins à son gré. Elle croyait ne pouvoir ef- facer sa faute qu'en l'expiant, ni s'acquitter avec la justice qu'eti souffrant tous lesmaus qu'elle avait mérités. C'est pour cela qu'in- trépide et barbare dans sa franchise elle dit son crime à vous , a toute ma famille, taisant en même- temps ce qui l'excusait , ce qui la justifiait peut-être , le cachant , dis-je , avec une telle obstination , qu'elle ne m.'en a ja- mais dit un mot à moi-même , et que je ne l'ai su qu'après sa mort. D'ailleurs rassurée sur la crainte de perdre son fils elle n'avait plus rien à désirer de moi pour elle-même. Me fléchir eût été m'a- vilir , et cUe était d'autant jilus jalouse de mon honneur qu'il ne lui en restait point d'autJ'e.»yo/?///V pouvait être criminelle, mais l'époux qu'elle s'était choisi devait être au- dessus d'une lâcheté. Ces ralïîncmeus de son amour-propre ne pouvaient convenir qu'à elle, et peut-être n'appartenait-il qu'à moi de les pénétrer. Je lui eus encore cette obligation , mcm« après ia'ctrc séparé d'elle, de m'avoir ramené d'on parti peu raisouné que la vengeance IN 6 22S É M I L E. m'avait fait prendre. Elle s'clait trouipcc en ce point dans la bonne opinion qu'elle avait de uioi , uiais cette erreur n'en fut plus une aussi-tot que ) y;cus jjcnse; en ne considérant que l'intérêt de mon fils, )e vis qu'il fallait le laisser à sa mère, et je m'y déterminai. Du reste , conûrme' dans mes sentinicus , je résolus d'éloigner son malheureux père des risques qu'il venait de courir. Pouvais-jc être assez loin d'elle, puisque je ne devais plus m'en rapprocher ? c'était clic encore , c'était soa yoyiiÇyC qui venait de me donner cette sage leçon : il m'importait pour la suivre de ne pas rester dans le cas de la recevoir deux fois. Jl fallait fuir; c'était là ma grande aflairc, et la conséquence de tous mes prcccdcns rai- sonnemens. Mais où fuir ? Cl'élait à cctta délibération que j'en étais demeuré , et jo n'avais pas vu que rien n'était plus indiffé- rent que le choix du lieu pourvu que je m'é- joignassc. A quoi bon tant balancer sur ma retraite, puisque par -tout je trouverais à vivre ou mourir, et que c'était tout ce qyi xue restait à faire? (Quelle bclisc de l'amour- proprc de nous montrer tou)ours toute la nature intéressée aux petits événemens de notie >ie? jS'cùt-ou pas dit à me voir déli- L T V R E V. 229 Lérersur mon séjour qu'il importait beaucoup au genre - humain rjuc j'allasse liabitir un pays plutôt qu'un autre , et que le poids de mon corps allait roujpre l'équilibre du globe? Si je n'estimais mon esistciice que ce qu'elle vaut pour mes semblables , je m'in- quiéterais moins d'aller chercher des devoirs à remplir, comme s'ils ne me suivaient pas en quelque lieu que je fusse , et qu'il ne s'en présentât pas toujours autant qu'en peut remplir celui qui les aime; je me dirais qu'en quelque lieu que je vive, eu quelque situa- tion que je sois , je trouverai toujours à faire ma tâche d'homme , et que mil n'au- rait besoin des autres si chacua vivait conve- nablement pour soi. Le sage vit au jour la journée , et trouve tous SCS devoirs quotidiens autour de lui. Ne tentons rien au - delà de nos forces , et ne nous portous point en avant de notre exis- tence. Mes dçvoirs d'aujourd'hui sont ma seule tâche, ceux de demain ne sont pas en- core venus. Ce que je dois faire à présent est de m'éloigner de Sophie , et le chemin que je dois choisir est celui qui m'en éloigne le plus directement. Tenons- nous-cn là. Cette rc'soluliou prise, je mis l'ordre ^ui 23o EMILE. dépcudait de moi atout ce que je laissais eu arrière; je vous écrivis, j'écrivis h iiiaiaaiille, j'écririsà J)'o/'/7/Vellc-nicuic. Jeréj^Iai tout, je noul)liai que les soins qui pouvaient regar- der ma personne ; aucun ne m'e'tait nécessaire, et sans valet, sans argent, sans équipage, mais sans désirs et sans soins , je partis seul et à pied. Cliez les peuples où j'ai vécu, sur les mers que j'ai parcourues , dans les déserts que j'ai traversés , enant dtuant tant d'an- nées, je n'ai regretté qu'une seule chose , et c'était celle que j'avais à fuir. Si mon cœur m'eut laissé tranquille, mon corps n'eût man- qué de ricu. LETTRE II. J'ai bu l'eau d'oubli; le passé s'efTace de ma mémoire et l'univers s'ouvic divant moi. Voilà ce que je ir.r di' ùs en quillant ma patrie dont*j'avais a rougir , et à laquelle je ne devais que le mépris et la haine , puis- qu'heureux cl digne d'ho-uipiupai moi-même, je ne tenais d'elle et de ses vils habitons qio les maux dont j'étais la proie, et l'opprobre où j'étais plongé. En rompant lesnaudsqui m'attachaient à mou pays, )c l'éleiidais sur L I V R E V. 23£ toute la terre , et j'en devenais d'autant plus homme en cessant d'être citoyen. J'ai remarqué dans mes longs voyages , qu'il n'y a que l'eloignement du terme qui rende le trajetdiflîcile.Il ne l'estjamais d'aller à vine journe'e du ^ieu où l'on est , et pour- quoi vouloir faire plus , si de journée ça journée on peut aller au bout du monde ? Mais en comparant les extrêmes on s'cCFa- ïouclic de l'intervalle ; il semble qu'on doive le franchir tout d'un saut ; au-lieu qu'en le prenant par parties on ne fait que des pro- menades et l'on arrive. Les voyageurs 3'en- vironnant toujours de leurs usages , de leurs habitudes , de leurs préjugés , de tous leurs besoins factices , ont pour ainsi dire , une at- xnosplicre qui les sépare des lieux oh ils sont , conmic d'autant d'autres mondes différcnsdu leur. Un Français voudrait porter avec lui tonte la France ; si-tôt que quelque chose de ce qu'il avait lui manque, il compte pour rien les éqnivalcns, et se croit perdu. Tou- jours coinparoMt ce qu'il trouve à ce qu il a quitté, il croit ('tru mal quand il n'est pas de la même manière, et ne saurait dormir aux Indes , si sou lit n'est l'ait tout comme à Paris. 232 EMILE. Ponrnioi, jesuivais la direction coïitiairo à l'oljnt qiu'i'avnis à fuir, comme autrefois j'avais !-u.vi l'oppose' de l'ombre dans la fo- l"Ctdr Moiilmorcuci. La vîicssequc je ne met- tais pas à mes courses se coinpciisait par la ferme rc-o!utioiid> ne point relroi^r-nder. Deux jours de marche avaient de/à ferme' derrière moi 'a liairièrc en me la ssant le temps de réllecliir durant mou retour, si j'eusse été lente d'y sonj:;er. Je respirais en m'eloignant , et ):' marchais plus à m > i aise à mesure que j'écliappais au danj^cr. Borne pour tout pro- jet à celui que j'exe'cu lais , je suivais le iiiruic air de vent pour toute règle ; )e iiiarcliais tantôt yîtc et tantôt lentement selon ma coiu- liioditc, ma sanie , mon humeur, uies forces. Pourvu , non avec moi , mais eu uioi , de plus de ressources que je n'en avais besoin pour vivre, je u'elais ciidjarrassé ni de ma voi- ture , m de ma subsistance. Je ne craip,uais ])oiiil les voleurs; ma bourse et mon passe- port étaient dans mes bras : mon vêtement formait toute ina i;ar.ie-iobe ; il c'iait com- mode et bon pour un oinrier. Je le rcnou- velalssans peine ?i m sure qu'il s'usait. Comme je ne marchais ni aveu l'appareil ni avec l'in- c[uiétudc d'un yoyagciii' , je u'cxcitais rallcu- LIVRET. 233 tion de personne ; )e passais par-tout pour •un homme du pays. 11 était rare qu'on in'ar- létât sur des frontières, et quand cela ui'ar- rWii'it , peu m'importait; je restais là sans impatience , j'y travaillais tout cou'me ail- leurs ; j'y aurais sans peiue passé ma vie si l'on m'y ciit toujours retenu , et mon peu d'empressement d'aller plus loin m'ou- vrait enfin tous les passages. L'air aQ'airé et soucieux est toujours suspect , mais un homme tranquille inspire delà confiance; tout le monde me laissait libre en voyant q\i'on pouvait disposer de moi sans me lùclier. (^uand je ne trouvais pas à travailler de jnon métier , ce qui éta t rare, j'en fesais d'autres. Vous m'aviez lait acquérir l'instru- mentuniv'ersel.Tanlolpaysaii , tantôt artisan, tantôt artiste, quclquelois mciiie lionuiie à talens, j'avais par-iout quelque connaissance de mise, et je me rendais maître de leur usage parmon peu d'empressemen t à les mon- trer. Un des IVuits de mon éducarion était d'être pris nu mot sur ce que ;e me donnais pour être , et rirn de plus, parce que j'étais simple en tonte chose, et qu'en remplissant wu poste je u'cu briguais pas uu autre. Aiusi 234 E -AI I L E. j'étais tou)Ours à ma place , et l'on m'y lais- sait toujours. Si je tombais malade , accident bien rare à un homme de mon teiiiptraïuent qui ne fait excès ni d'alimcns, ni de soucis, ni de travail , ni de repos , je restais coi sans me tourmenter de guérir, ni m'tfTrayer de mou- rir. L'animal malade jeûne, reste en place, et guérit ou meuit; je fesais de même, et je m'en trouvais bien S: je me fusse inquiété de mon état, si j'eusse importuné les gens de mes craintes et de mes plaintes , ils se se- raient ennuyés de moi , j'eusse inspiré moins d'intérêt et d'empressement que n'en donnait ma patience. Voyant que je n'inquiétais per- sonne , que je ne lamentais point , on me prévenait par des soins qu'on m'eût refusés peut-être si je les eusse implorés. J'ai cent fois observé que plus on veut exiger des autres , plus on les dispose au refus : ils aiment agir librement , et quand ils font tant que d'être bons , ils veulent eu avoir tout le mérite. Demander un bienfait c'est y acquérir une espèce de droit , l'ac- corder est presque u\i devoir , et l'amour- propre aime mieux faire uu don gratuit que payer une dette. L I V R E V. 235 Dans CCS pèlerinages , qu'on eût blâmés dans le monde comme la vie d'un vagabond , parce que je uc les fesais pas avec le faste d'un voyageur opuieut, si quelquefois je mes demandais : que fais-je ? où vais-je ? quel est mou but ? Je me re'pondais : qu'ai-je fait en naissant que de commencer un voyage qui ne doit finir qu'à uia mort ? Je fais ma tâche , je reste à ma place, j'use avec inno- cence et simplicité' cette courte vie , je fais toujours un grand bien par le mal que je ne fais pas parmi mes semblables, je pour- vois à mes besoins en pourvoyant aux leurs, je les sers sans jamais leur nuire , je leur donne l'exemple d'être heureux et bons sans soins et sans peine : j'ai répudie mon patri- moine , et je vis ; je ne demande point l'au- mône, et je vis. Je suis donc utile aux autres en proportion de ma subsistance : car les hommes uc donnent rieu pour rien. Comme je n'entreprends pas l'histoire de mes voyages , je passe tout ce qui n'est qn'é- \cnemcnt. J'arrive à Marseille : pour suivre toujours la même direction je m'embarque pour Naplcs; il s'agit de payer mou passage; TOUS y aviez pourvu eu me fesant apprendre la luauœuvrc : elle n'est pas plus difficile sur 236 EMILE. la Méditerranée que sur l'Océan , quelques mots changés eu font toute la din'ércncc. Je me fais matelot. Le capitaine du bâtiment, espèce de patron renforce, était un rincj:,at qui s'était rapauié. Il avait été pris depuis lors par les corsaires , et disait s'être échappé de leurs mains sans avoir été reconnu. Des marchands napolitains lui avaient confié uu autre vaisseau et il fesait sa seconde coursa depuis ce rétablisscuieut. Il contait sa vie à qui voulait l'entendre , et savait si bien se faire valoir qu'eu anuisant il donnait de la confiance. Ses goûts étaic-nt aussi bizarres que sesaventures.il ne songeait qu'à diviriir sou équipage : il avait sur son bord deux inéchans pierriers qu'il tiraillait tout le iour; tonte la nuit il tirait des fu.i'os : on n'a (juia.s vu patron de navire aussi j;ai. Po\u- moi , je ni'auinsjis ?i ni'rxrrcer dans la marine, et quaiul je u'ctais pas de quart, je n'en demeurais pas moins à la manœuvre ou au gouvernail. L'attention u>o itnait lieu d'expérience , et je ne tardai pas à juger que nous dérivions beaucoup à l'ouest. Le compas était pourtant au runib convenable ; m.iis le cours du soled et des étoiles me sembla. t contrarier si fort sa directiou qu'il fallait. LIVRE V. 6S7 selon moi , que l'aiguille ricclinât prodigieu- sement. Je le dis au capitaine ; il battit la campagne en se moquant de moi , et comme la mer devint liaute et le temps ne'buleux, il ne me fut pas possible de vérifier mes observations. Nous enmes im veut forcé qui nous jeta en pleine m r ; il dura deux jour:-' : le troisième nous apertùuies la terre à notrô gauche. Je demandai au patron ce que c'était. Il me dit, terre de l'Eglise. Un matelot sou- tint que c'était la côte de Sardaigne ; il fut Lue , et paya de cette façon sa bienvenue ; car quoique vieux matelot, il était nouvel- lement sur ce bord , ainsi que moi. Il ne m'importait guère où que nous fus- sions; mais ce qu'avait dit cet homuie ayant ranimé ma curiosité , je me mis à fureter autour de l'Iiabitacle , pour voir si quelque fer mis làparmégarde ne fesait point décliner l'aiguille. (Quelle fut ma surprise de trouver un gros aimant caclié dans un coin ! Eu i'ôtant de sa place, je vis l'aiguille eu mou- vement reprendre sa direction. Dans le même instant quelqu'un cria : voile. Le patron re- garda avec sa lunette , et dit que c'était ua petit bâtiment français ; comme il avait le cap sur uous et que uous ne i'évitious pas. 23§ E :\i r L E. il ne tarda point tlVtic à pleine vue , et elincim vit alors que c'était une barqne barharesque. Trois marchands napolitains que nous avions à bord avec tout leur bien , poussèrent des cris jusqu'au ciel. [,'< nii;uie alors me devint claire. Je m'approchai du patron , et lui dis à l'oreille : Patron , si nous sommes pris , tu es mort; compte lit-Jessiis. J'avais paru si peu cmn , et )e lui lins ce discours d'un ton si pose qu'il ne s'en alarma guère et fei- gnit même de ne l'avoir pas entendu. Il donna quelques ordres pour la dcJfense, mais il ne se trotiva pas une arme en état, et nous avions tant brûlé de poudre que quand on voulut charger les pierriers, à |jçin« eu resta-t-il pour deux coups. Klle nous eut inénie été lort innl:Ie ; si lût que lujus fûmes à portée , au-lieu de daigner tirer sur nous on nous cria d'amener, et nous fumes abordés presque au inème inhlant. Jusqu'alors le pa- tron, sans en faire semblant, m'observait avec quulque défiance : mai.s si-tôt qu'il vit les cor- saires dans notre bord, il cessa de faire attenî tion à moi et s'avança vers eux sans précau- tion, l'.n ce mouuut |e me crus juge, exé- cuteur , pour venger mes compagnons d'et»- clarage, en purgeant le gcurc-liuiaaiu d"ua LIVREE. 239 traître , et la mer d'un de ses monstres. Je courus à lui , et lui criant : je te F ai promis ^ je te tiens parole , d'un sabre dont je m'cttlis saisi, je lui fis voler la tète. A l'instant, voyant le chef des barbarcsques venir impc- tueusementà moi , je l'attendis de pied ferme,' et lui pre'sentant le sabre par la poignée , tiens j Capitaine j lui dis-jc en langue fran- que , je viens de faire justice • tu peux la. faire à ton tour. II prit le sabre , il le leva sur ma téta : j'attendis le coup en silence: il sourit, et me tendant la main, il défendit qu'on me mît aux fors avec les autres'; mais il ne me parla point de l'expédition qu'il m'avait vu faire ; ce qui me confirma (j^u'il en savait assez la raison. Celte distinction , an reste, ne dura que jusqu'au port d'Alger, et nous fûmes envoyés au bagne en débar- quant, coii])lés comme des chiens de chasse. Jusqu'alors, attentif à toutcc que je voyais, je m'oceupais peu de moi ; mais enfin la pre- mière agitation Cessée me laissa rélk'chir sur mon changement d'état , et le sentiment qui m'occupait encore dans toute sa force me fit dire en moi-même avec nue sorte de satis- faction : Que in'ôtcra cet événement ? T^e pouvoir de faire uuo sottise. Je suis plus libre 340 EMILE. qu'auparavant. Emile esclave ! reprenais-jc, eli dans quel sens ? qu'ai-je perdu de ma liberté primitive? ne uaqnis-je pas esclave do la nécessité? (^nel nom eau joup; peuvent jn'imposer les hommes? Le travail? ne tra- Yaillais-)e pas quand j'étais liljrc? La faim? combien de fois je l'ai soulTirtc volontairc- rucnt! La douleur? toutes les forces humaines ne m'eu donneront pas plus que ne m'en lit sentir im grain de sable. La contrainte sera- t-clle pins rude que celle de mes premiers fers ? et je n'en voulais pas sortir. Soumis par ma naissance aux passions humaines, qiio leur joug me soit imposé par un autre ou par moi, ne faut-il pas toujours le porter, et qui sait de quelle part il me sera plus sup- portable? J'aurai du moins toute ma raisou pour les modérer dans un antre, combien de fois ne m'a-t-elle pas abandonne dans les uiieiines ? qui pourra uu' faire jiorter deux chaînes? n\n portais-jc jjas une auparavant? Il n'y a de servitude réelle que celle de la nature. Les liomujcs n'en sont que les ins- trumens. (^u'un maître m'assomme ou qu'un rocher m'écrase , c'est le même événement à mes yeux , et tout ce erait libre* que tous sont faibles, dépeud-uis des clio es, de la dure nécessité ; que celui qui sait le mieux vouloir tout ce qu'elle orHonne est le plus libre , pnisqn',1 n'est jamais forcé do faire ce qu'il ne veut pas. Oui , mon père , je puis le dire ; le temps de ma servitude fut celui de mon rè>nie , et jamais je n'eus tant d'autorité sur moi qu« quand je portai les fers des barbares. Sou- uiis à IciMs passions sans les partager, j'ap- pris à mieux connoître les miennes. Leurs écarts furent pour moi des instructions plus vives que n'avalent été vos leçons , et js Ijs sous ces nules maîtres un cours do phi- losophie encore plus utile que celui qua j'avais fait près de vous. Je n'éprouvai pas pourtant dans leur scr- £inile. Tome IV. O 2 , o EMILE. viiude toutes les rigueurs que j'en attendais. JVssuyai de mauvais traitcmens , mais moins , peut-être , qu'ils n'eu eussent essuyés parmi l^ous , et le connus que ces noms de maures et de pirates portaient avec eux des prcjii^c3 dont je ne m'étais pas assez défendu. Ils ne sont pas pilovables , mais ils sont ,ustcs, et s'il faut n'atUMulre d'eux ni donccuç , m clémence, on n\-n doit craindre non plus ni capncc ni nucliancelé. Ils veulent qu ou fasse ce qu'on peut faire , mais ils u'exij;ent rien de plus, et dans leurs cliitln.cns ils ne punissent jan.ais rin.puissance , nuùs seule- ment la mauvaise volonté. Les nc-resscraient trop heureux en Amérique, si rKuropccu les traitait avec la mén.e é.piilé ; mais comme il ne voit dans ces malheureux que* des nis- tri.mens do tiavail , s;, e....dnile envers eux dépend uniqiiement dr rmililr qu'il en tue; il mesure sa justice sur son prolit. Je chan;^rai pliivicurs fois de patron : l'on appelait cela me ve:>dre , comme si jauiaia on pouvait vendre un honune. On vendait le travad de me^ mains-, mais ma volonté , moii entendement, mon élre , tout ce par quoi j'étais moi et non |)as u\\ autre , uo sr \ in- duit assurément pas ; et la preuve de cela c. t L I V R E V. 24^ que la première fois que je voulus le cou- traire de ce que voulait mou pre'teudu maître , ce tut moi qui fus le vaiuqueur. Cet évéïie- meut mérite d'être lacoute'. Je fus d'abord assez doucement traite' ; l'on comptait sur mou rachat , et je ve'cus plusieurs luois daus uue iuactiou qui m'eut euuuyé si je pouvais couuaître l'enuui. Mais euQu voyant que je u'intriguais poiut auprès des consuls européens et des moines , que persoune ne parlait de ma rançon et que je ïie paraissais pas y songer moi-même , on voulut tirer parti de moi de quelque ma- nière , et l'on me fit travailler. Ce cliangc- mcnt ne me surprit ni ne me fâcha. Je crai- gnais peu les travaux pcuibles , mais j'en aimais mieux de plus amusaus. Je trouvai le moyen d'entrer daus un attclier dont le maître ne tarda pas à comprendre que j'étais le sien dans son métier. Ce travail devenant plus lucratif pour mon patron que celui qu'il me fcsait faire, il m'établit pour sou compte et s'en trouva bien. J'avais vu dispenser presque tous mes an- ciens camarades du bague : ceux qui pou- vaient être rachetés l'avalent élé. (icux qui ne pouvaient l'être avaient eu le même sort U 2 «44 EMILE. que nioî , mais tons n'y avaient pas tronvô le uicuic ndoiici>scnicnt. Deux tlievaliors do Malte cnlre antres avaient etc délaisses. Lcnrs fanullcs étaient pauvres. La religioa lie raelicte point ses cjpllfs , et les pères no pouvant racheter tout le monde donnaient ainsi que les eonsiils \ine préierence fort na- turelle et qui n'est pas inique ;i eeux dont la reconnaissanee leur pouvait être plus utile. Ces deux rlievalicrs , l'un ieunc et l'autre vieux , étaient instruits et ne manquaient pas de mérite ; mais ce méi:le était pirdu dans leur situation présente. Ils sava eut le génie, la tactique, le latin, 1( s h.ilcs-leltres. Ils avaient des talins pour hrilUr, pour eom-i mander , qiu uéun.-nt pas d'\un- j;raiidc ressource à des jsclaves. l'onr si n croit , ils portaient fort impal.enuueut leins Urs , et la pliilosopliie , dont ils se p (piaient extrc- memnit , n'avait pont appris à tes Tu i*. •;(n- tilsliomuies à servir de honne i^iace des jitcds - plats et dis hai:d is , c;;r ils n'ap- ]) laieiit pas aitnuunl leur> nwiîirts. .!• ])la.j;nais ces diiix paiivros ^".ins ; ayant re- nonce par leur nol)lisscà leur elal d'hom- mes , h Al^er ils n'ét. lient plus rien ; um'uio ils élaicuL luoius (jue rieu ; car pjrmi les L I V Pc E T. 245 torsaircs , im corsaire ennemi fait esclave est fort au-dessous du néant. Je ne pus ser- vir le vieux que de mes conseils qui lui étaient superflus , car plus savant que moi, du moins de cette science qui s'ctale , il savait à fond toute la morale, et ses pré- ceptes lui étaient très-fumiliers ; il n'y avait que la pratique qui lui manquât, et l'on ne saurait porter de plus mauvaise grâce le joug de la nécessite. Le jeune encore plus impa- tient , mais ardent, actif, intrépide , se per- dait en ])rojets de révoltes et de conspira- tions impossibles à exécuter , et qui toujours découverts ne fesaient qu'aggraver sa misère. Je tentai de l'exciter a s'évertuer à mon exemple et à tirer parti de ses bras pour rendre son état plus supportable , mais il méprisa mes conseils et me dit fièrement qu'il savait mourir. Monsieur, lui dis-je , il vaudrait encore mieux savoir vivre. Je par- Vins pourtant à lui procurer quelques sonla- gemens qu'il reçut de bonne grâce, et eu ame noble et sensible , mais qui ne lui firent pas goûter mes vues. 11 contiiuia ses (rauicsi pourscprocurer la liberté par un coup b.irdi ; mais son esprit remuant lassa la patience tii sou maître qui était le mien. C;et liomajo O 3 346 EMILE. se défit de lui et de luoi , nos liaisons lui avaient paru suspectes , et U crut que j'ein- plovais à l'aider dans ses mauœutres les entretiens par lesquels ic tâchais de l'en dé- tourner. iNousfuu.csvcudus h un entrepreneur d'ouvrages publics , et condamnes a travailler sous les ordres d'un surveillant barbare , ^ clave comme nous, mais qui pour se fane valoir à son maitrc nous accablait de plus de travaux que la force humaine n'eu pou- vait poiler. Les premiers jours ne furent pour moi que des jeux. Comme on nous partageait c-alemcnt le travail et que j'ëlais plus ro- buste et plus ingambe que tous mes cama- rades , j'avais fait ma tâche avant eux, après quoi j'aidais les plus faibles et les aile- Seais d'une partie de la leur ; mais notre piqueur ayant remarqué ma diligence et la lu né.Iovitc de mes forces , m'cmpécha de les employer pour d'autres en doublant ma tâche , et toujours augmentant par degrés, finit par me surcharger à tel point et de travail et de coups, que malgré ma v-gueur , iVtais meuacc de succomber bientôt sous le faiK ; tous mes compagnons tant loris que faibles , mai nourris et plus malliaiics. LIVRE V. 247 dépérissaient sous l^excès du travail. Cet état devenant tout-à-fait insupporta- ble ie résolus de m'en délivrer à tout risque ; mon jcuufi chevalier a qui je communiquai ma résolution la partagea vivement. Je le connaissais homme de courage, capable de constance pourvu qu'il fût sous les yens des hommes , et dis qu'il s'agissait d'actes briUans et de vertus héroïques , je me tenais sur de lui. Mes ressources néanmoins étaient tou- tes en moi-méuie et je n'avais besoin du concours de ])crsoune pour exécuter mon projet; mais il était vrai qu'il pouvait avoir lui effet beaucoup plus avantageux , exécuté de concert pannes couiparjions de misères, et je résolus de le leur i;ro>. jôcr , conjointe- ment avec le chevaliei. J'eus peine à obtenir de lui que cette pro- position se ferait simplement et sans intrigues préliminaires. Nous pérîmes le temps du repas où nous étions plus rassemblés er moins sur- Tcrllés. Je m'adressai d'abord dans ma langue à une douzaine de compatriotes que j'avais là , ne voulant pas leur parler en langue franque de peur d'être entendu des geub du pays. Camarades , leur dis je , écoulez-moi. Ce ;ncr , en m'aclievant ils ne feraient qu'éparj^ner ma nourriture. II me convient donc de choisir le moment où ma pcrtecn est encore une pour eux. Si qiielqu'uu d'entre vous trouve mes raisons bonnes , et vent à l'exemple de cet homme de courage prcudre le iuciuc parti que moi j uoUc uouibi'Q LIVRE V. 249 ■fera plus d'effet et rendra nos tyrans plus traitables. Mais fussions-nous seuls lui et moi , nous n'en sommes pas moins résolus à persister dans notre refus , et nous vous prenons tous à témoins de la façon dont il sera soutenu. Ce discours simple et simplement prononcé fut écouté sans beaucoup d'émotion. (Quatre ou cinq de la troupe me dirent cependant de comptersur eux et qu'ils feraient comme itioi. Les autres nedirentmot et tout resta calme. Le chevalier mécontent de cette tranquillité parla aux siens dans sa langue avec plus de véhémence, leur nombre était grand, il leur fit à haute voix des descriptions animées de l'état où nous étions réduits et de la cruauté de nos bourreaux. 11 excita leur indiqnaiiori par la peinture de notre avii.sst ment , et leur ardeur par l'espoir de la vcni^eaicci: cntiii ilcuHamina tellement leur courage par l'ad- miration de la force d'aine qui sait iaivvr les tourmons et qui triomphe de la jjuissance' lucaie , qu'ils l'inleroinpirent par des crus , et tous jurèrent de nous imiter et d'élic i^ié- branlables jusqu'à la mort. Le Iciidcinaiii sur notre refus de travailler, nouâfuiucs , comme uousuous y etious attcu- 2 5o É MI L E. dus, trcs-maltraite's les mis et les antres , inu- tilement toiitffo squaiit à nous deux et èi mes trois ou quatre compagnon? d; la veille , à qui nos boiiircaux n'arraelièrent pas même un seul cri. Mais l'œuvre du clievalicrnc tint pas si bif n. La constance de ses bouillans compa- triotes f.it épuisée eu quelques uiinules , et Lientôt à coups de nerfs de bœuf , on les lamena tous au travail , doux comme des agneaux. Outré de cette lâcheté , le chevalier, tandis qu'on le tourmentait lui-même, les chargeait de reproches et d'injures qu'ils n'écoutaient pas. Je tâchai de l'apaiser sur tmc désertion que j'avais prévue et que je lui avais prédite. Je savais que les effets do réloquence sont vifs mais tuomcntanés. Les liommes qui se laissent si facilement émou- Toir se calment avec la même facilité. Un raisonnement froid et fort ne fait point d'ef- fervescence , mais quand il prend il pénètre, et l'elTet qu'il produit ne s'efface plus. La faiblesse de ces pauvres gens en pro- duisit un autre auquel je ne m'étais pas attendu , et que j'attribue à une rivalité nationale plus qu'à l'eNCUipledenotre fenufté. Ceux de mes compatriotes qui ne m'avaient point imité les royaiit retenir au travail , les LIVRE V. 25t bwèvcnt, le quittèrentà leur tour, et comme pour insulter à leur couardise , vinrent se ranger autour de moi ; cet exemple en entraîna d'autres, et bientôt la révolte devint si géné- rale que le maître , attiré parle bruit elles crj's vint lui-même pour y mettre ordre. Vous comprenez ce que notre inspecteur P'.U lui dire pour s'excuser et pour l'irriter contre nous. Il ne manqua pas de me dési^^ner comme l'auteur de l'émeute, comme un clief de mutins qui cbreebait à se faire craindre par le trouble qu'il voulait exciter. Le maître me regarda et me d't : C'est donc toi oui débauclus mes esclaves ? Tu viens d'entendro l'accusation; s! tu as quelque chose àrépondre parle. Je fus frappé d( cette modération d/nis le premier emportement d'un bomme âpre an g.i n nienacé de sa ruine : r^aas un mo-< liient où iciit maître européen, touche jus- qu'au .vif par son intérêt , eu t conunrncé , sans vouloir m'entendre , par me condamner à nrlle. lounnens. Fafron lui dis-ie,en i-^i-^ue Iraïqi.e, tu ne peux nous haïr; lu ne nous conn.iis pas même ; nous n.- te haïssons pas non p. IIS, III n'es pas l'aiit-nr d> nos maux, tu l.s i^n.) es. Vous savons porter le juu"de lu utccssilc qui iu>us a souim» à toi, JVouj 252 É M I L E. ne refusons point dVinploycr nos forces pour ton service, puisque lesoi l nous y condamne; mais eu les excédant ton esclave nous les ôtc et va te rniner par notre perte. Crois-moi , transporle à nu honnnc plus saj^c l'autorité dontilahnsca ton pré|udice. Mieux distribue', ton oiivrar^e ne se fora pas moins , et tu con- serveras des esclaves laborieux dont tu tireras avec le temps un prolil beaucoup plus grand que celui qu'il le muI procurer en nousacca- Llanl. Xos plaintes sont justes; nos demandes sont utoi'crccs. Si lu nclcs écoutes pas, nolr« parti est pris ; ton homme vient d'eu faire l'épreuve -, lu peux la Taire à Ion tour. Je me lus; le plqueur voulut rc'pliquer. Lo patron lui imposa silence. Il parcourut des veux mes camarades dont le teint liàve et la inaii^reuratleslaienl la vérité de mes plaintes, mais dont la contenance au surplus n'annon- çait point du to\itdes j:,ens intimidés. Knsi.ite rn'ayantconT.idéréderecluT:Tu parais, dit-il, un homme seusc: je \eu\ vavoir ce qui en est. Tu lances la couduile de cet esclave ; voyons la lienmj à sa place ; je te la donne, et le mets à la tienne. A nssi-tot il ordonna qu'on iii'ôl;!t mes l'eis ri qu'on les mit à notre chef; cela fut fuit îi riusluiit. LIVRE V. 253 Je n'ai pas besoin de vous dire comment je Rie conduisis dans cenoiiveau poste, etce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Mon aventure fit du bruit, le soin qu'il prit de la répandre fit nouvelle dans Alger : le deyménic enten- dit parler de moi et voulut me voir. Mon patron m'ayant conduit à lui et voyant que je lui plaisais lui fit présent de ma personne. Voilà votre Emile esclave du dey d'Alger. Les règles sur lesquelles j'avais à me con- duire dans ce nouveau poste , découlaient do pruicipcs qui ne m'étaient pas inconnus. Nous les avions discutés durant mes voyages et l3ur application bien qu'imparfaite et'très en petit, dans le cas où je me trouvais , était sùrc et infaillible dans ses cfTc-ts. Je ne vous entretiendrai pas de ces menus détails , ce n'est pas de cela qu'il s'agit entre vous et moi. Mcssuccèsm'attirèreutla considération de luon patron. .dsscni Oglou était parvenu \ la suprême puissance par la route la jilus honorahlr q„i Jouisse y conduire ; car de simpls matelot passant par tous les grades de la marine et de la milice , il s'était succcssivemont élevé aux- premières plnc-.s de l'F.tat , et après la mort de sou prédécesseur il fut élu pour lui Emile. Tome IV. ^ j54 É m I L E. succéder par les suffrages unanimes clos Turcs et des Maures , des gens de j;uerrc et des gens de loi. 11 y avait douze ans qu'il remplissait avec honucurcc poste dillicile, ayant b gou- verner un peuple indocile et barbare ; une soldatesque inquiète et mutine , avide de desordre et de trouble , qui , ne sachant ce qu'elle désirait elle-même , ne voulait que remuer et »e souciait peu qu« les clioscs allas- sent mieux ponr\u qu'elles allassent autre- meut. Ou ne pouvait pus se plaindre de sou administration, quoiqu'elle ne repondit pas à l'espérance qu'on eu avait conçue. Il avait maintenu sa régence assez tranquille : tout était en meilleur état qu'auparavant , le com- merce et l'agriculture allaient bien , la ma- rinectait en vigueur , le peuple avait du pain, IMais on n'avait point de c-eb opérations éclu- tautcs /• / uY. TABLE DES MATIÈRES. T. désigne le tome premier. II. le tome second, m. le tome troisième. IV . le tome quatrième. n. les notes. .Z±B BE de Snint-Pierre ; comment éta- blissait ses ciifanï. T. II. /7. 98 Cotiiiuciit appelait les hommes. I. 89 ye// 277. n. F 6 264 TABLE Cadres dorés ^ à quoi lions. I. 3io Campagne , renouvelle les gcnciations des vilU-.. I 6^ Quelle société y convient. II[. i 6 j Canard de la foire. IJ. 24. Capitales j ( villes) se ressemblent toutes. IV. 123 Pourquoi tout y afflue. IV. 85 V03CZ f'ii.'cs. Caprice , ne vient jjoint de la liberté. I. 23JÎ N'est i)oint l'ouvrage de la nature. I. 240 Exemple de la manière d'en {guérir un enfant. I. 241 , 246 r^r/f^ Scoj;rapbiqucs. 11. 18, 19 Catéchisme. Jlj, 23« Ses réponses à contre-sens. IH. 235 Modèle d'introduction , la bonne et la petite. m. 237 et suiv. CathoIi(jues , font grand bruit de l'autoritc de l'Eglise. IH. 29. Catilina. jj. 3_^g Calon Ucenseiir^ elcya sou fils dèslc berceau, I. 36 n. Caton. JI. 3^5 Cerf-volant. j. 363 ^'^sar. Il 3^5 D E s M A T I E R E s. 265 Chardin , cité. I. 269 Charité ^ manière inepte dont oa croit l'ins- pirer aux eufaus. I. 18B Charron , cité. III. 8 n. Chasse. ( quel est pour les jeunes gens le vrai temps de la ) III. 78 Ennemie de l'amour. III. 79 ( le droit exclusif de la) source de peines. in. 168. Chasse libre ^ ses plaisirs. III. 169 Chasteté , ses fruits. III. ^r Vertu délicieuse pour une belle femme. m. 276 Chat f examine tous les objets nouveaux. I. 25l Châtiment, doit être ignoré desenfans. I. 1 55 182 CA^p^z/, réflexion sur cet exercice. I. 271 Chimères , orne les objets réels. I. 849 Chimistes. ( absurdi lé de quelques ) II. 3 1 3 ». Chrétiens , n'examinent pas ce que les Juifs allcf:;ucnt contre eux. III. 3o Christianisme , son influence sur les gouver- mens. III. 67 n. A outré les devoirs. III. 22^ Cicéron j cité. I. 16, III- 2i5 Cira. IV. 42 z66 TABLE Citoyenne. J. jq Citoyens , sens de ce mot. IV. io3 Les Fiançais en ont dénature l'idée. 111. 125 /T. Clarke , annonçant rôtie des êtres. Jf. 29.3 Classes .,\e monde u'esl proprement divise qu'en deux. JJ. .307 Cléopatre. 111. 91 Clinir.t. J. 4, S Climats tempe ILS , leurs avantages. I. 46 CoiJ/ures des en /ans. 1. 268 Colère. J. i6!î Collèges. I. 12, 104 Combinaisons de la matière , ( la multitude des ) n'explique pas riiarmonic du monde. JJ. 3i3 Commander et oin'ir , mots qui doivent être inconnus à reniant. [. 146 Compilatenrs. NI. 144 Concurrence , quand doit cesser d'être un instrument de l'cducation. JJ. 67 Condamine ^ ( M. de la) titc, sur quoi. 11, 297 n. Conji dentés , sont ordinairement de.s nour- rices dans les drames anciens. I. 60 Connaissances , leur choix relativement aux borne» de rintcUniciiLC humaine. 11. 5 D E s M A T I È R E s. 267 Connaissances, bien vues par îexirs rapports, prcscrvcntdes préjugés pour celles qu'on a cultivées. li- Conscience. II- 286 ,821 Sera la source des peines et des plaisirs dans l'autre vie. H. 335 et suie. Est le nuillcur des casuistes II. 843^ Dcpo.«:e par ellc-uiémc. II. o55 Fait l'excellence de l'iiomme. II. 3S6 Pourquoi nous n'entendons pas toiijours sa Yoix. II- ^'^(^ Consolations, tonrciu'on peut leur donner pour humilier l'amour-propre. II. 233 Contradictions de V ordre social , quelle est leur source. H- 200 Contrat social , base de toute société civile. IV. 102 Contrat , produit un corps moral et collectif. IV. io3 Teurnr du contrai. I^- i'bid. Seule loi fondauicnlalc. IV. 104 I^j'a jamais besoin t||hutrc garant que de la foi ce publique. ^^ • '°^ Rend rhonime plus libre qu'il ne serait dans l'état de nature. IV- 106 r;on*'^w^«<-<'.f,iIy enadedeuxsortrs. 111. 296 Us naturelles fout seules les. heureux jaanages, llUSio 268 TABLE Voyez Mariage. Conventions ^i devoirs ^ ouvrent la porte à tous les vices. I. j>^£ Coquetterie , cliaiigc de forme et d'objet selon ses vues. JH. jgJÏ Tenue dans ses limites , devient une loi do rboiuictctc. J|[. oScï Discernement qu'elle exige. lif. ^S.'i Coijueites , leur manège entre deux hommes avec chacun desquels elles ont des liai- sons secrètes. ]n. 256 Sansautorite surleursaïuans dausleschoscs importantes. Ui, 280 Coriolau. m 2^5 Corps ^ qu'est-ce que J'appelle des corps? II. 296 Corps ^<'/^//i', affaiblit l'auic. I. 49. II. 190 Corps hnvinin , didcrcncc de l'habitude qui lui convient dans l'exercice, ou dans l'inaction. j 263 Corps intermédiaire entre les sujets et le souverain : ses diiïerens noms seloti ses différentes relations, JV. no Corps poUliijne , et ses diffrrcns noms par rapport à ses difft'renlcs fonctious. IV. io3 C{ Droit politique , est a naître. IV. 9S DiOicultes qui naissent à l'éclaircissement de cette matière. IV. 88 Comment il faut s'y prendre pour l'étudier. IV. 98 Droit de force , jeu de mots. IV. 99 Droit de naturt ou autorité' paternelle. IV. ibid. 8a mesure. IV. ibid. DES MATIÈRES. 273 Droit d'esclavage, impossible., IV. lOi Droit de propriété. IV- ^o^ JJucIos , cité sur la politesse. III. i3o ILaU, dans quel ctatrcnfaiU la doit boire. I. 262 Education , ses diverses espèces. I. 5 , 12 Opposition entre elles. I- i Choix. I. 6, 14 But. I- '^ Sens de ce mot chez les anciens. I. 16 Connnencc à la naissance. I. 76 Kc se p;nta;2;e pa^. I- 44 Nouvelles diHicnltés. I- Sp Ouel en doit ctrc le véritable instrument. I. i55 Importance de la retarder. 1, loî^ Difficulté. I- i^'2 Doit être d'abord purement négative. I. 1 59 Progrès de ses dilîcrcnces. II- 25 £ Moyen d'en étendre l'cflet sur la vie entière. IV. 21 DlfTércnte pour les deux sexes. lil 192 Df« femmes doit être relative aux Iiotihîus. Jll 197 2-4 T A BLE Éducation , des fcmiiics doit ctro dirigi'e sur deuxrèj^Ies, le seiitiuictit inlerienr et l'opinion. 111. 2ÔO Education exclusiic , pnTcrc Ks iuslructioiis coiilciiscs. I. s-o Education naturelle , doit vciulro i'Iioiiîuic propre a loiilcs les voiiJilioiis bnuiaiiips. I. 4cr. J. 2.'-^3 (^iicl esprit elle lenr donne. I. 2.34 Egalité civile et naturelle , leur différence?., il. 200 Egalité conventionnelle , rend nécessaires le droit positif et les lois. Jl. -;j A fait inventer la inonnai<^. 11. //-/./. Eltve imaginaire que l'auteur se do.inc. Ne doit point s'envisager comme devant être uu jour sépare de son gouverneur. '■4- Inconvénient qu'il passe successivement par diverses mains. 1. (^o Avantage qu'il n'apprit ricu du tout jus- qu'à douze ans. 1, 1^1 DES MATIÈRES. 2-5 Elli'c , cotiiiiicnt on le tronvfjri capahic d'intcliigence , de uicinoire , de raison- nement. I. 23r jN'e doit recevoir de Iccoii que de J'^-xpe'- riciîcc. ]. -3_j, Doit toujours croire faire sa volon é eu fcsant la vôtre. 1. 2.38 Leiu.il de son instrncîion est moins dausce qn'd n'entend [)oint que daus ce qu'il croit entendre. II. 52 Comment je m'y prends pour que le mica ne soit pas aii;si laincaiit qu'un sanva'^e. II. iir T'tilil(' de ses travaux dai;s les arts. 11. 70 y.n j)arcourant les atteliers , doit mettre lui- même !a main à l'œuvre. W. 63 CMioix de son métier , s'il a du goi'.t ijour Its sciences spcculatires. II. 107 En cessant d'étreen[ant,doit sentir la stq.c'- rioritc du maître. II. i-'Jo Didérences du vôtre et du mien. \i. 25o Elèves , ce qu'on leur apprend , plutôt qu'à "agc^- I. 2-0 ElOijuence , manière inepte de l'enseigner aux jeunes gens. II. 244 Vrai moyen. II. 245 Emile , pourquoi paraît d'abo.d peu sur la ajô TABLE scène. I. 43 Emile , riche , et pourquoi. I. 46 A de la naissance , et pourquoi. 47 Orphelin , en quel sons. ihid. Première chose qu'il doit apprendre. I. i la N'aura ni maillot, I. 68 Ni chariots , ni Ijourlets , ni lisières. I. 114 Pourquoi je l'élève d'abord à la c.impagne. 1.65, i65 Sou dialogue avec le jardinier Robert. \. ï';b N'apprendra jauinis rienpar coeur. I. 2i5 Coiuuieiit apprend à lire. J. 228 Api)rcnd à dessiner. 1. 3o6 A nager. ]• 271 Précaution. !• 261 Avis que je lui donne sur les surprises noc- turnes. 1- -08 Pcnsifet non questioiincurdanssacuriosité. II. li Son aventure à la foire. H. 24 Sa première leçon de cosmographie. II. i5 De statique. II- 33 De physique syste'matique. Il- 38 Mot de'tcrminant entre lui et moi dans toutes les actions dt- notic vie. II. 42 Qacstion qui , de ma part, suit inf.iilli- blcmcut D E s M A T I È R E s. 277 blement toutes les siennes. H. ^3 Emile , comment je lui fais sentir rutilité de savoir s'orienter. ]l. ,-, Emule de lui-même. U. 5- <^ucl livre composera long-temps seul .sa bibliothèque. If. (^^ S'intéresse à des questions qiii lie pourraient pas même effleurer l'attention t'\\\\^ au- tre ; exemple. jî. -6 Pourquoi peu fêté des femmes daiib '-od enfance , et avantage de cela. 11. 80 //. Pourquoi je veux qu'il apprenne un métier. II. 92 Choix de son métier. II. 206 Fait à-la-fois deux apprentissages. 11. 108 Comment je loue son ouvrage , quand il est bienfait. H. j^p Question qu'il me fait, quand il juge qne je suis riche , et ma répon.se. II. 112 Est un sauvage fait pour habiter les viJh-s. IJ. 119 Ne répond point étourdiuvent à mes qucs- *'°"='- II. 122 Sait l'^ quoi bon sur fout ce qu'il fait , et le pounjuoi 5ur tout ce qn'il croit. U. 126 Etat de ses progrès à douze ans. 1. 35a E/nile Tome IV. n 278 t A B L E Emile, \ quinze ans. IL 126 JV'est pas taux comme les autres enfans. II. ion Saura tard ce que c'est que souffrir et mourir. I[. 162 Quand il commence à se comparer à ses semblables. H- 198 Quelles passions domineront dans son ca- ractère. H. 199 Impression que feront sur lui les Iceons de riiistoire. n. 216 Ne se transformera point dans ceux dont il lira les vies. 11- 222 Jugera trop bien les autres pour envirr leur sort. Il- --\ Pourra s'enorgueillir de sa supcriorit»\ 11. 225 Rcuùde à cela. H. 227 Comment s'iuNtruira dans IcsaCfaives. 11. :^4i Aime la paix. H- i/'i^^- Sou parler n'est ni velieuicnt , ni froid. \\. 246 Etendue do ses idées , et élévation de ses scntimens. I^- -■\9 Nft s'inqnictc point des idées qui passent sa portée. 11- 267 A quelle secte doit être aggrégé. }l- 269 DES MATIERES, 279 JSmile , vertueux solidement depuis qu'il conuatt Dieu. jlj. 61 L'i'gc de licence pour les autres e«t pour lui l'âge de raison : d'où vient cette difFcreuce. ]1I. 63 Adulte , sera plus docile qu'enfant. III. 67 Sa francliise. 111. -4 Doit être instruit des mystères qu'on lui avait caches. ill. y? Ne doit pas l'être subitement. III. 76 Comment j'évite ce qui pourroit échauflcr sou cœur , ou éveillsr son imagination. III. 77 Occupations pour le distraire. III. 78 Précautions dont je me sers pour lui donner les premières instructions sur les mystères qu'on lui avait caches. IJI. 86 et suit'. Me conjure lui-même de rester son maître. IJI. 93 Discours où je lui Tais sentir le poids de ses (;)t;ai;emens et des miens. lîl. 94 Comment je eaf;^ne sa conliauce. III. 96 Je l'invite à cheichcr avec moi la compa- EÇiie qui lui convient. III- 102 Bien arme' contre tout ce qui peut atta- quer ses mœurs. III- îo8 Lieon que je lui dounc contre les se'- (^ 2 28o T j^ B L E diictcurs. III. iio et suiif. "Ertiile ^ son entrée dans le inonde. III. 121 Sa manière de s'y comporter. III. 122 et s. Sa contenance ferme et nou sultisante. m. 124 Ses manières auprès du sexe. III. 126 Exact à tons les éj^ards fondes sur l'ordre de la natnre. \\\. i 27 Sa tournure d'c^prit. III. i3o (Quitte Paris avec moi. 111. 820 Sa manière de voyager. Ihid. Dans qu"l esprit il a été élevé. III. 33i Son cabinet d'histoire naturelle. III. 33^ vS'égaredanv iesmontaj^nes. III. 335 Est bien reçu dans une maison. 111. 337 Sur quoi roule l'entretien. III. 33ii Comuient il entend le nom de Sophie. IN. 341 Devient amoureux. 111. 342 Conversation qu'il a le .«^oir avec moi. III. 345 S'empresse à s'accommoder du linp^e delà maison. III. 346 Fixe son S(')Ourà (\.ç\\\ lieues. III. 35i Demande la permission de revenir. 111. 348 Tableau de son bonheur. III. 352 Revient chez Sophie. III. 25S DES MATIÈRES. sSr 'jEmile, demande Sophie à ses païens. III. 36o Ses richesses , obstacle pour obtenir Sophie d'ello-nrciiie. III. 353 Il y vent renoncer. Ibid. Comment je lui explique ce qui arrête Sophie. III. 364 et suif. A sou gouverneur pour médiateur de ses amours. III. 366 Amant déclare. III. 367 Donne diflérentes leçons à Sophie. IV. 2 Brouillcric, à quel sujet. IV. 7 Raccommodement , à quel prix. IV. 8 La nature de sa jalousie. IV. 18 Est fait pour la vie active. IV. 2.? Pourquoi ne va plus voir Sophie à cheval. IV. 27 N'est point cQeminc par l'amour. IV. 25 Ses occupations les Jours où il ne va pas voir Sophie. IV. 3r Sa eoriduito avec les paysans» IV. Zi Vaincu à la course par Sophie. IV. 3(> Est visité à l'attelier par le père de ^'o/?///e. IV. 37 Ensuite parSophic et sa mère. IV. 37 Rcfusedc Icssuivrectparquclmotif. IV. 39 Justihcdo sou refus par Sophie. IV^. 40 Attendu ohcx Sophie, 11c s'y était; pas g 3 jB2 t a b l e rendu , et pourquoi. IV. 42 , 43 Emile , présente avec Suphie un entant âii baptcujc. ^*' ''"^ Di^ Sopbie. i^ ^9 Sa situation auninuunldn départ. I\ . '"4 Aura pour obictdan ■ ses voyages d'étudier les -ouvtrrneiuens. IV. 89 Trait qui m'a suggéré l'idée de le rendre cimourciix avant que de le faire voyager. JV. 74 Senlimrus qu'il rapporte de ses voyages. IV. i34 Son retour auprès de Sophie. .IV. 14-3 Son mariage. 1'^ • i""^- Conseil que je lui donne pour prévenir le refroidissement de I amour. IV. 148 et.f. Laisse Sophie l'arbitre de ses plaisirs. IV. i5r Son mécontentement quand elle use du droit qu'il lui a cédé. IV. i53 Prêt à devenir prre. IV. i58 Muivilcà me rcpo.icr de meu travaux, mais D E s M A T I È R E s. 283 à rester le maître des jeunes maîtres. IV. 158 JSmpédoc/e y c'ilé. Ifl. i5^ ^rtr/. A|)prennentà jouer le sentiment. 11. 161 Inconvénient de cela. ^y^/j Tout est infini jjour eux. jl S'ils ne fou t pas de leurs gouverneurs leurs confiden;;, c'est la l'dute de ceux-ei.lll. -4 Ont des amnsemcns communs et des Foùts particuliers. Hj ^04 Augmente de pri.v en avançant ea à'^e. I. 'iz Doit savoir être m;ilade. I. r Supposc homme à sa naissance. 1. ^z Pourquoi tend la main avec e.Tort pour saisir un objet éloigne. \. 'iz 8Ji A quelle dépcndcincc doit être as.nijéti. I. i33 288 TABLE Enfant , ne doit point cire contraint dans sesmouvcmcus. I- i36 Ne doit rieu obtenir p;ii- des pleurs, ibid. Ne doit pas avoÉi- plus de mots que d'iders. I. 109 De la première fausse idée qui entre dans sa tcte naissent l'erreur et le vite. J. 146 Ne joint pas à ce qu'il dit les mêmes idées que nous. '• Gouverne le maître dans les éducations soignées. *■ -"" Comment n'épiera pas les moeurs du maître. J. 23ç> jVe doit point apprendreà déclamer. 1. 3i;> Moyen de le rendre curieux. H. to Ne peutétre éum par le ïcntimcnt. 11. 11 Ne s'mléresscîi rien dont il ne voie l'ulilitc. II. 56 Situation où tous les besoins naturels de l'boinnie, et Us moyens d'y pourvoir se développent sensiblement u sou esprit. 11. r)9 Comment il faut lui montrer les relations sociales. ÏI- ^^ Sa première étude est une sorte de physi- que expérimentale. H- Ne doit rien faire sur parole. Il- 40 i'. Il faut D E s M .A T I Ê R E s. 2^9 JLvfant cjui se croit bràlé par la glace. II. 114 îlnfant dyscole , mamère de le coutenir. I. 178 [Enfant -J'aie. I. 3^5 Sa peiutuie. I. 350 et sui^. 'JE 11 nu i , d'où vient. II. x82. Par où commence. III. 153 Grand fléau des riches. 111. 162 Dévore les femmes sous le nom de vapeurs. iùid. Entendement humain , son premier terme et ses progrès. I. ^2 Enuie, est amère et pourquoi. El. i5a Epictète, sa prévoyance ne lui sert de rien. II- 173 Epitaplies d«s andens et des modernes. iir. 142 Epoux y c'est à eux à s'assortir. III. 3oi Doivent oontituitr d'être amans. IV. 148 ( Jeuucs ) , tableau de leur volupté. IV~. 133 Erreur y le seul moyen de l'éviter est l'i^io- rance. H „^ Erreurs de nos sens , sont des errr«,s de nos jui^purens ; exemple. IL ii5 Emile. Tome IV. jR 2^^ TABLE Espagnole. !"• '^''^ JF^/'^^wo/^, voyaient inutilement. IV. 80 Msvâ-ancc, fait plus jouir que la réalité. IV. 65 Esprit, chaque f-vv// a sa forme, selon laquelle il doit être gouverné, f. 161 Ses caractères. II- "^ Esprit (!') d'uii cnf.int doit être d'abord exhalé niodércnient, puis retenu. 1. 19-' Esprit de votre élève et du uiicn. I. 284 Eprit vulgaire, à quoi se reconnaît dans l'enfance. 1- »97 Sens du uiot Esprit, pour le peuple et pour les cnfans. H- 267 'sens primitif. '/""'^• Esprit (T). !"• ^^7 ;?M/ de va turc , en en sortant nous forçons nos semblables d'en sortir aussi. 11. 85 Etat, quelle occupation nous en rapproche le plus. II- 9^ Etat de nature, état civil: ce qu'il faudrait pour en réunir les avanta-^es. I- i-J"' J:/^/.c, sens do ce mot en politique. IV. io3 Eternité (l'idée de T) ne sa.uait s'appliquer «ux p;cnérations humaines. III. 245 «. Etude,, s'il y eu a où .1 uc faille que des DES 31 A T I E R E S, 29T yeux. I. 207 mtudcs , s'il y eu a qui convieuneut aux eufans. I. 213 Etudes spccrilatu'es , trop cultivées aux dépens de l'art d'agir. IL 238 Etudier par cœur, habitue à mal prononcer. I. 104 Ecangih , sa sainteté. III. 40 Ses caractères de vérité. III. 48 Euripide , ce qu'il dit de Jupiter. II. 26.3 Excès d'indulgence ou de rigueur à éviter. I. 189 Exercice du corps j s'il nuit aux opérations de l'esprit. I. 282 Existe ()'), pretuicre vérité connue. II. 296 Existeuce (1') des objets de nos sensations , seconde vérité connue. II. 296 Explications en discours , font peu d'im- pression sur les enfans. II. 48 Mauvaise f-i/'Z/tv///,.// parlcsclioscs. II. 62 F yiBLES. Si leur étude convient aux enfans. I. 216 Analyse d'une de celles de la Fontaine. I. 2l8 Examen de leur morale. I. 223 Il 2 292 TABLE Fables , quel est leur vrai temps. II. 233 La morale u'y doit pas être développée. 11. 234 Facultés superflues de riiorame, causes de sa misère. 1. 124 Faiblesse j eu quoi consiste. 1. 12.3 Faiblesse , d'où vieut celle de l'Jiomme, 11. t C'est elle qui le rend sociable. II. 167 Famille , cuuuuent se dissout. 1. 87 Fanatisme y sa première source. III. 284 Ses cCFcts comparés à ceux de l'athéisme, 111. 64 n. i^^/z/^/i/f.y des eufaus gâtes. I. 142 Farineux. I. 62 Favorin , cité. I. 124 Fautes , leur temps est celui des fables, n. 2.33 Félicité àc l'homme ici -bas est néf;ative- I. 120 Femelles i\ii$. 7K\\\\w:\\\\ ^ snns honte. 111. 180 Leur exemple ne conclut rien pour les fcmuies. 111. 181 Leur 11 ^u^de siinn;;rcc et d'a<;nccrie. ibid.n. Acroupkuient exclusif dans certaines es- l)ic. s. IV. i5 Femme considérte comme uu homme im- D E s M A T I È R E s. 593 parfait. II. 129 Femme , n'est à bien des égards qu'un grand ei)fant. II. i3o Femme (la) ou Soplile. III. 176 Conformités et difléreiices de sou sexe et du nôtre. zAïd. Femmes^ notre première e'ducatiou leur appartient. I. 2 n. Ne veulent plus être nourrices ni mères. I. zi, 24 Quel air leur plaît dans les hommes. 11. 80 n. Sont hommes , et en qnoi. 111. 176 Faites pour plaire à l'homme. 111. 178 Leur timidité et leur réserve nécessaires pour la couservatiou du genre-humain. 111. 179 Font gloire de leur faiblesse, et pourquoi. m. i83 I,eur empire. 111. i85 Con.scqucnces de leurs inBdélités dans le niariai;o, III. 187 Ilai.sons qui mettent l'apparence tncnic au nombre de leurs devoirs. 111. 188 Plus fécondes dans les campagnes que dans les villrs. III. 189 Ne peuvent pas être successivement nour- R 3 294 TABLE rices et guerrières. HT. i??9 Femmes , ne doivent pas avoii la iiiéiiif édu- cation que les hoaiuics. III. 191 Ont tort de se plaindre que nous les élevons pour être vaincs et coquettes. 111. 198 Ke doivent pas rester dans l'ij^norance. III. 195 La dépendance mutuelle des lionuucs et des femmes n'est juis égale. 111. 196 Ne doivent ])as clierchcr à plaire à de petits agréables , mais à l'honnue do mérite. Hf- 198 Leur [)lus importante qualité. 111. 2i3 Doiventavoirdes lalens agréables. III. 121 L'esprit est leur véritable ressource.! 11. 217 Leur politesse. ÏH- --') Leur raisonestuncraison pratique. III. 282 Doivent avoir la religion de leurs maris. 111. 233 Toujours extrêmes. i/>td. Faut-il cultiver leur raison. Hi. 260 Simplicité de leurs devoirs. IM. 25i Pourquoi il faut les instruire. IH- 252 Lcurpolilessccouiparéeàcelledes hommes. 111. 2 53 et suii>. Les observations IJncs sout leur science, lU. ajf DES MATIERES. 295 Femmes sont moins fausses qu'adroites. III. 2S8 Ke sont point faites pour les reclicrches ahslraites. HT. 262 Juges naturels des hounucs. III. 278 Ont e'té respecte'cs chez tous les peuples qui ont eu des mœurs. lil- 274 Leur empire à Rome. ihid. Ont uu jugement plulôl forme qne les hommes. lH- "9* Ne sont pas faites pour courir. W . 36 Sont susceptibles de rcnlliousiasme , de l'honnête et du beau. III. 289 De quelle nature est leur empire. III. 32 2 Pressentent de loin l'inconstance des hommes. I^- ^4" Femmes du monde, ennuye'es pour avoir l'air de s'amuser. III. 16H w. Femmes sans pudeur, plus fausses que les autres. III- ^^° «• Femmes honnêtes, son tics seules qui aient un empire réel sur les hommes. III. 280 Femmes beaux - esprits , fléaux de leurs maisons. m* "^^'^ Ridicules au-dchors. ibia. Festins , description d'un festin de cam- pagne, ilï- ï65 R 4 296 TABLE Fétiches, II. 25S Feu de la jeunesse , pourquoi la rend iridis- ciplinable. H. 190 C'est par Jui qu'on la peu t i^ouvciner. II. 191 Filles , leur goût pour la parure des l'cn- fanca. 111. if,^^ 2o5 Filles lettrées. \\\. 326 Filles de Sparte , s'exerçaient «joninie des garçons. III. 200 Filles (les petites), leur amour pour la parure do>nue nu moyeu facile de leur apprcmlre à tenir l'aiguille. 111. 206 Ne'ccssitc de les exercer à la eoutraiufr. m. 210 Plutôt docile? et intelligentes que les petits garçons. 111. 207 Exemple de l'adresse qu'on peut employer pour leur faire apprendre ce qu'elles ont de la répugnance à e'tudicr. III. 209 Ne doivent pas être pressées sur la lecture et l'écriture. 111. 208 11 faut empêcher qu'elles ncs'ennuienl dans Isurs occujjalioiis. 111. 210 Et qu'elles ne se passionnent dans leurs anniseiuens. ihid. Plus rubées que les petits garçons. III. 2i5 et suit: D E s M A T I E R E s. 297 Filles (les petites) doivent apprendre des arts agre'dbles. III. 222 Leur faut-il des maîtres ou des inaî tresses. III. 226 Ont plutôt le sentiment de la dc'ccncc que Jes petits garçons. III. 227 Doivent être instruites à ne dire que des choses agre'ables. III. 229 Filles ^ ( les jeunes ) on doit les agacer pour les exercer à parler aisément. III. 23i Leur politesse entre elles froide et gênée. III. 23o Se caressent avec plus de grâce devant les hommes. III. 282 Pourquoi il faut leur parler de la religioa de meilleure heure qu'aux enlans mâles* ibid. Doivent voir le monde et être les compagnes de leurs mères. III. 267 Pourquoi désirent de se marier. III. 268 Gêne apparente qu'onleur impose , et dans quel but. ibid. Comment il faut leur prc'sentcr leurs de- voirs, m. 272 D'où naît la facilite' de cédera leurs pen- chans. 111. 277 R 5 398 T A R L E Filles , ( les jeunes ) moyen de les rendre vraiment sages. IIÏ. zrç) Ce qui les rend mcdisantc?. Jll. 294 Flogisti^iie , ce que c'est selon les cliimislcs. ir. ^^02 //. Foi des en/ans , à quoi (ienl. H. 26'î Fontenelle , sophisme qu'il lésait dans la dispute des anciens cl des moderucs. llf. 143 J<'orce y en quoi consiste. I. 1^3 A quel âge l'hoinnie a le jilusdc force re- lative, fl. 4 Comment il eu doit cmi)loycr l'exccdcnt. //-/./. Force du génie et de Vame ^ comment s'an- nonce dans l'enfance. ]. 198 Forces, il fjut les essayer avant le p<'ril. IV. 5^ Leur développement est l'objet de l'éduca- tion des liommes par rapport au corj)s. III. 199 Forêt de ^lonlmorcuci. II. 47 Français y ce qui rend Icurabord repoussant et de.snj^réable. 1. io5, 299 Qui en a vu dix les a tous vus. IV. 7S Français et yénglais compares par rapport aux voyages. IV. 79 D E s M A T I E R E s. 299 yjTy^IETÉ , signe très-ec^nlvocj^ue du con- tentement, lî. 181 Galaîtterie ,ionoY\^\w. HT. 184 Galerie. IH. 164 Gnn-ons ^ (les petits) moins ruse's que les petites lilics. IH. 2i5 et suw. Se le'voltont contre l'injustice. If. Gavffres isopérimltres^ ï. 3'r4 Gantes. !• 335 Genevois , peut-cLrc ne seraient plus libres, s'ils n'avaient su marcher sans souliers. I. 293 Génie , a souvent dans l'curance l'apparence de la stupidité. I- 19^ Gcniedes hommes, diiïcrcnt dans les peuples et dans les individus. H. 212 Géographie , idée qu'en ont les enfans. I. 207 Ses premières leçons. II. i^ Géométrie , s'il est vrai que les enfans l'ap- prennent. !• lOif Géomélrie , notre manièi-c de l'enseigner donne plus à l'imagination qu'au rai- sonnement. !• -°2 Comment j&>/z//e en apprendra les premiers élémcns. I- 3i4 Moyeu de la rendre intéressante. II. 7 R 6 5oo TABLE Germains, continence de \eur]çimtsse. in. 70 Gourmandise , prr'fc'rable à la vauitë, pour mener les ci.rdiis, I. 33i Vice des coeurs saus e'tofiFcs. I. 333 Gourmandise. Hf. 287 Goût physique f remarques sur ce sens. I. 327 , et svii\ Goût moral j ce que c'est. 1I[. i33 Ce qui reud «es décisions arbitraires. III, 134 Dans quelles socic'téi il faut vivre pour le foraier. III. 135 Oiz sont ses vrais modèles. i35 Le bon tient aux bonnes mœurs. III. iSy Connncnt il se corrompt. m, i38 Différence de celui des anciens et des mo- denies. III. 141 f/ suit-. Où doit être c'tudié. Ili. i^< Goûts r/at,/rc/s j sont les plus simples. I. 328 Et les plus universels. I. 320 Gouferiiemciit j ses actes dilTcrcns de ceux de la souveraineté. IV. joB Doivent différer en nalnro suivant que les Etats diffèrent en grandeur. IV. i.'^S Il est d'autant plus faible qu'il y a pins de magistrats. ihid. Le plus fort csl celui d'un seul. IV. 114 D E s M A T I Ê R E s. Sor Gouvernement , quel serait sou minimum d'activité'. IV. ii5 Ses diEFe'reutes formes. IV. ii6 Deux règles faciles pour juger deleur bonté relative. IV. 126 etsuiv. Gouvernement politique , a quoi doit se bor- ner l'idée qu'il en faut donner à l'en- faut. II. 78 Gouverneur ., première qualité qu'il devrait avoir. I. 38 Moyen d'éviter ladifliculté du cboix. I. ?><) Doit être jeune. • I. 43 S'il doit avoir déjà fait une éducation. I. ihid. Doit choisir aussi son élève. I. 44 Ne doitpoint s'envisager comme endevaut être un jour séparé. I. 47 Ne doit point se charger d'un élève in- firme. I- 49 Doit avoir de l'autorité sur tout ce qui entoure son élève , et moyeu d'acquérir cette autorité. I- 164 Doit se faire apprcntif avec son élève. II. 63 Abusa éviter dans leurs communs travaux. II. 72 Fondement de la couliaucc que l'élève doit avoir eu lui. II. 281 3o2 , T A B L E Goupfrneur, comment doit se conduire dan* les faute>;dc son élève devenu grand. II. zZz Gouverneurs , leur fausse dignité. II. 229 Grand seigneur devenu gueux. II. 87 Grasseyer. 1 . 102 Grecs j en quoi leur éducation était bien en- tendue. III. 201 Grecques , ( les femmes ) une fois mariées ne paraissent plus en public. III. 201 G risses , pain de Piéaionl, I. 98, Grossesses ^ Icurdangcr avant l'âge. IV. 6R Grotius. IV. 95, ï2i Gyninastiijue. I. 160 CoinuKiii les Grecs clicrcliaicnt à en ba- lancer les mauvais cflets. m. 20 r H. ABITVDE y n'est point la nature. I. 7 Seule habitude qu'on doit donner à l'en- fant dans le premier âge. I. -7 D'où vient rattra:t de Vhnlnfud^'. I. 355//. Habitude du corps convenable à l'exercice , différente de celle qui convient à l'inac- tion. 1. 257 Habitudes de l'enfance doivent êlre prolon- gées dans la jeunesse. IV. 21 Leur effet. IV. 22 DES MATIERES. 3o3 JJahîtrtdes , on uVn fait pas coutracter de vcritablcs aux jeunes gens ni aux eulans. IV. 23 Habitude de jouir ta 6\.c\c ^oCd, IV. 65 Ilaleiue de l'homme , mortelle à l'homme. I. 65 Henri IP'. Mot de ce prince sur les pré- dictions des astrologues. I. 19a IJernth. III. i85 Héritier , comment s'élève. I. 244 Hermès. II. 58 1 Héro. IV. 26 Hérodote., cité. I. 240 > ^20 A peint les mœurs. IV. 81 Ne doit pas être tourné en ridicule à ce sujet. IV. 84 Histoire^ n'est point à la portée des enfans. I. 208 Exemple. I- 21 r Tem|)s de sou étude. II- 204 Calomnie le f^cnre-liumain. 2o5 N'est jamais Ddcllc. Il- 206 En quoi semblable aux romans, H. 207 D0itpeindre3ansfairedep0rtraits.il. 209 Montre plus les actions que les hommes. II. 211 //i\y/Oi>cwzo^«7/e, n'a point de physionomie. II. 209 3o4 TABLE Historiens anciens. î. 34^ îSont meilleurs peiutres des mœurs que les modernes. IV. 81 ^o^<^cf.y , comment appelait le méchant. I. 8(j Eu quel seus son grand principe est vrai. I. 141 Hobbes. IV. 95 Hochets. 1-97 Homère. II£. 35 ii .^(7/«w<',coinmentdcsapprpnd à mourir. 1. 5.1 Fort par lui-même , rendu faible par la socicit'. I. 1.32 , 184 Doit s'armer contre Icsaccidcus impic'vus. I. 29.-? Est le m(?me dans tous 1rs ctals. 11. 86 Ce qui le rend essentiellement bon on me'- cbant. 11. i;^7 Doit être forme avant d'user de sou srxr. II. 1R9 Ne pas le montrer aux jeunes gcus par sou masque. \\ ^ot Commence difficilement :i penser et ne ccsso pl"'- II. 253 Sa supériorits sur les autres hommes. II. 3i7 et siiii'. Malheureux et mcchaut par l'abus de ses faculle's. U. Z2<^ DES MATIÈRES. 3o5 Homme , composé de deux substances. II. 322 , 335 Auteur du mal. II. 33o Bon naturellement. 846 et suif. Sou mérite est dans sa puissauce. III. 178 Dépend à son tour de la fcinme. Tll. 182 Homme courant <£ étude en étude , à quoi com[.aré. II. 20 Homme du monde , tout entier dans sou masque. II. 182 Homme naturel , en quoi eonsistc son bonheur. II. 39 Vivant dans l'état de nature , fort dillérent de l'homme naturel vivant dans l'état civil. II. 119, 264 Borné par ses facultés aux choses sen- sibles. II. 255 Hommes ^ pourquoi j'en parle si tard à irion élève. II. 67 Dégéucrcnt par ks désordres du premier âge. III. 120 Ne doivent pas avoir la même éducation que les femmes. Jlf. 192 La dépendance mutuelle des hommes et des femmes n'est pas égale. III. 196 Leur politesse. 111. 23o Plus fausse que celle des femmes. ihid. 3o6 T A B T, E Hommes , nicutent quand ils se plaignent que la vie est trop courte. 111. 33o Toujours les jncuics dans chaque âge. IV. 2r Tiennent par leurs vœux à mille choses, et par eux-méiues ue tiennent à rien. IV. 55 On ne les connaît qu'après avoir voyage'. IV. 77 Hommes ruli^aircs , ont seuls besoin d'être élevés. j. ^5 Jlonjiitcic ( la véritable ) est toujours sa- criliée à la deceuce. IV. 11 Horace. UI. ,-3 Hospitalité ., ce qui la détruit. lll. 238 Humanité , premier devoir de l'honinie. 1. 107 Ce qui la constitue. Jf. 160 Couuucnt s'excite et se nourrit dans le cœur d'un jeune houuue. II. 162 , 172 Maximes pour cela. 11. i(^5 et suif. Hv^'it'fie. I. b5 XDÉyîLISTES ^ leurs distinctions sont des chimères. H. 296 /./(■t'y, distinguées des images. 1. açi DES MATIERES. 3o7 /d'/^j j distinguées des sensations. II. ii3 La manière de les foriucr est ce qui donne un caraclèie à l'esprit humain. H.i/jid. F Idées simples , ce que c'est. II. i/)id. Idées , comparatives et uume'riques ne sont pas des sensations. II. 298 , 299 Abstraites , sources d'erreurs. II. 3o8 /liées , acquises , distinguées des sentimens naturels. II. 353 Identité snccessiue , comment nous avous le sentiment de la nôtre. I. iiâ Ignorance ) ne nuit pas aux mœurs. III. 324 Imagination , e'tcud la mesure des possibles. I. 121 Transforme eu vices les passions des êtres borne's. II. i53 Imitation , goût naturel. I. 191 (Comment dégénère en vice. I. ilfid. Imitation de la nature , source unique du beau dans les travaux des hommes. III. i36 Indigestions , comment les cnfans n'eu au- ront jamais. I. 842 Infans. I- tu Infini. II. 260 Ingratitude , n'est pas dans le cœur de l'homme. II- 194 3o8 T A B L K Irgratitrtde j à^où elle vient. II. 149 Inoculation. I. .iC^ ///.y^/V/c^, comment devient sentiment. II. i3S Instruction , à quel prix on la donne aui cnfans. I. 173 Doit être reuvoy-c autant qu'on peut. I. 167 L'on n'y doit emiiloycr ni rivalité' , ni vanité. H. 57 Instructions de la nature sont tardives , celles des hommes prématurées. II. 141 Itislrumens inccaniques , leur multitude nuit à l'adresse des mains et à la justesse des sens. II. 35 Intelligence j épreuve et mesure de son dé- veloppement, ir. 7 Intelligence. ( il existe une ) II. .'Jio Inti'n't , n'agit-on qtie par intérêt. II. ^~)3 Intolérance y quel dnguie est son priiuipe. II. 262 Intoltravs ., argument auquel il-; ne |)(iiveiit répondre. II F. ^\ Inspiré ( dialogue de l' ) et du raisouneur. III. iS Instinct. TI. 3, :■( n. Instituteurs , oui tort de Taire horreur «le l'amour aux jeunes gens. lll. 57 DES MATIERES. 809 Instituteurs , 1p Jeune homme ne doit rien fane à leur insçu. IH. 118 Ne doivent pas vouloir passer pour par- faits dans l'esprit de leurs élèves. JII. 119 Ce qui les trompe. IV. 21 / ALOUSJE , de deux sortes. IV. 14 Explication de celle des animaux. IV. i5 et siiiy. K'est pas naturelle à l'homme. IV. 16 Son origine. IV. 17 jâi-t-elle lieu dans le ve'ritablc amour. IV. 18 Jésus , son portrait. JII. 40 et snw. J^M, ressource d'un dcsœuvie. Hf. 164 La passion du jeu a été amortie par le goût des sciences. UI. i55 Jeune homme , objets qu'on doit lui montrer à certain âge. II. i63j i^S Exemple. II- 1^7 Doit penser biendeceuyquiviventavcclui. ir. 202 Estimer les individus , et mépriser la uujU titude. !'• 20.3 Jeunes /'enunes , leur manège pour ue pas 3io TABLE nourrir leurs eufans. I. 24 'Jeunes gens , corrompus de boune heure , sont durs et cruels. II. i56 Caractère de ceux qui conservent long- tems leur innocence. II. i/)/J. Pourquoi paraissent quelquefois insensi- bles , quoiqu'ils ne le soient pas. II. 175 Inconvéuient de les rendre trop observa- teurs. II. 202 Jeunesse , en quoi se trompe. III. Par où commcnccntses désordres. III. io5 Exemple. 111. lort et suh\ La solitude est dangereuse pour elle. 111, ii5 Precnutions qu'on doit prendre pour la pré- server d'une hal)itiidc fatale. III. 116 Jeux, parqui ctàqucllc occasion inventes. I. 343 Jeux de nuit , utilité et pratique 1. 276 , 288 Jeux o/ymyii/ues ,li ({uo'x couipaLtéf. II. 202 Jugernens acuU et passifs. 11. ii5 Distinction. ihid. ('omnicnt on npprend à bien )U£;cr. 11. 119 Jui^er et sentir ne sont pas la même chose. II. 196 Juifs, n'osent dire leurs raisons contre le cluibtianibuie. \i\- 3t DES MATIERES. 3ir Justes^ leur bonheur dans l'autre vie, sur quoi fondé. II. 336 Leur sérénité. I/. 349 Justice , quel est en nous son premier senti- ment. I. 172 Sa uolion est la luéoie chez tous les peu- ples. II. 349 Justice humaine ^ son principe. II. 1^7 //. Justice et bonté ne sont pas de purs êtres morauv. II. ii,id, Juvenal ^ cite'. U. 104 ï_jAFOXTAlKE , si ses fables convien- nent aux eiifans. I. 216 Zait , si le choix du lait de la mère ou d'une autre est indiffèrent. I. 24 D'abord séreux, puis prend de la consis- tance. I. 58 Lait ^ est une substance végétale. I. 63 Se caille toujours dans l'estomac. I. 63 Jjanguc naturelle. I. 83 /.angue française , obiccne. III. 8S Langues , si Iciu élude convient aux enfans. I. 204 Un enfant n'eu apprend jamais qu'une. 1. 205 3:2 TABLE Langues , pourquoi l'on enseigne auK cnfans par prefi rcnce les lani^iies mortes. I. 206 A quoi mène leur c'tudc. Jlf. 140 Lais. IJI. 277 Laquais, il eu faut peu pour être bieu servi. m. i5r TVuisent à la gaieté des repas. 111. \06 Uaiidre. i\- 26 Lirons , doivent être plus en actions qu'eu discours. 1. 178 Leurs iiiauvaiseffcts quaudellcs sont instes. IN. 271 Législation parfaite , ce qui la coirsiitue. IV. 114 LéoniJas. III. 42 Liberté , le premlerde tous 1rs biens. \. l'iz Je suis libre. 11. ôi.^ «t .v7/,"r. Son principe imnialc-ricl. 11. .'J27 ('omnient elle ennoblit l'Iioninie. II. 3:;8 Liberté iticn retire, seul instrument d'une bonne e.lucation. I. 142 Liberté ( la ) pclitiijuc diminue à mi sure que l'Etat s'agrandit. IV. 112 Est dan» le c jllctap/iysit/"e , ses cÏÏQt$. Jï- 3oS Métaux, choisis pour termes moyens des échanges. ^'- 74 Méthode, il en faudrait une pour apprendre dilheilemeut les •sciences. Il- ^\ La mieux appropriée h l'cspccc , h IVii^e , au sexe , est la meilleure. IL 82 Métier, pourquoi je veux qu'Emile en ap- prenne un. IL 92 Métiers y raison de leur distiuction. IL 83 DES MATIERES. S19 Miracles , difficultés de la preuVe qu'on eu tire en faveur de la révélation. III. 11 Misères de r homme ^ le rendent humain. H. liy et sui^-. Missionnaires , ne vont pas par-tout. III. 32 Objections que peuvent faire les peuples éloignés auxquels ils annoncent l'évati- gile. III. 33 et sviv. Modes. in. 218 Quelles sont les femmes qui les amènent. m. 220 //. Mœurs , comment peuvent renaître. I. 28 Comment l'enfant n'cpierapas celles de son gouverneur. I. 289 En quoi les peuples qui en ont surpassent ceux qui n en ont pas. II. 150 Molécule vivante^ inconcevable. II. 3o3 //. Monarchie , ce que c'est. IV. 117 Convient aux grands Etats. IV. iiB Monnaie , pourquoi inventée. II. 74 N'est qu'un terme de comparaison. i/)id. Tout peut être monnaie. ii^id. Pourquoi marquée. ihid. Son usage. il^id. Effets moraux de cette invention ne peu- vent être expliqués aux enfans. II. 76 Monseigneur j il faut que je vive : réflesioa 320 TABLE sur ce mot et sur !a réponse. II, 87 Montagne cité. I. 286 , 2 5o II. 212 III. m^ Continence de son père. III. 73 Montescjnicu. IV". 96 Montre du sage. II. 68 Morale } comment on l'enseigne aux cnlaiis. I. 148 Unique Icroii qu'on leur cH doit donner. I. 192 Précepte de morale qui les contient tons. IV. 61 Morale et politique ne peuvent se traiter sé- parément. II. TÇ^ Morale des fahles ^ examinée. I. 224 Ne doit pas être développée. 284 Moralité , il n'y en a point dans nos actions avant l'ài^c de raison. I. 89 Moralité de nos actiims. II. 346 et suit'. Mort ( la ) , comment devient un grand mal pour l'homme. I. 1 26 Conuncnt se lait peu sentir. I. 268 L'idée s'eu imprime tard dans l'esprit des cnfans. 11. 773 Ce qu'elle est par rapport au juste et au méchant. IV. 63 Molhe (la) supposait faussement un progrès de raisou dans l'espèce humaine, lli. 148 DES MATIERE S. 32i Mots , l'ctifant nen doit pas plus sqvoir qu'il n'a d'idées. I. 109 Seule chose qu'on apprenne aux eiifans. 1. 204 Difficulté de leur donner toujours le même sens. I. 202 n. Mouvement ^ c'est par lui que nous appre- nons qu'il y a des choses qui ne sont pas nous. I. X2 Il y en a deux sortes. H. 3o2 Ses causes ne sont pas dans la uiulière. II. 3o5 N'est pas nécessaire à la mntière. li. 3o8 Mtiscles de la/ace , plus mobiles dan s l'en Tant que dans l'bonuue. I. 84 Musiijue , moyeu de l'euteudre par les doigts. I. 291: Peut servir à parler aux sourds. I. ihid. De la manière de l'euscigucr aux enfa 1?. I. 322 Mystères. II. 263 lyi y4GE R , quel exercice ou pre'fèrcà celui- là dans la jurande cducatiou. I. 27t Ce qui le rend i)érilleux. ibid. JV^aissance de /'homme , a , pour ainsi dire , 323 TABLE deux époques. II. 125 , i^z J\^atlo7i , chacune a un caiaclèic spécifique. IV. 78 Comment les diffe'rences nationales , plus frappantes chez les anciens , s'cBTacentde jour en jour. IV. 8r lîature , routes contraires par Icsquti'les on. en sort dès l'enfance. I. .3o Exerce incessamment les enfans. I. 3r Commentl 'homme en sort par ses passions. II. i34 Ses instructions tardives et lentes. ihid. ijon progrès en développant la puissance du sexe. II. i55 T^ Opinion , D E s M A T I È R E s. 325 Opinion , pour ne lui rien donner , il ne faut rien donner à l'autorité. H. i25 Elève son trône sur les passions des hommes. jj C'est par elle que commence l'égarement de la jeunesse. I]I_ j^^ Chasse le bonheur devant nous. IJf. 1-72 N'est pas indlflérenteanx femmes. III. i^y A beaucoup plus de prise sur les petites filles que sur les petits garçons. III. , 9^ Opinion (diversité d' ) quelles en sont les causes. Tr „ Ont divers degrés de vraisemblance. II. 29.3 La plus commune est aussi la plus siinple. ilnd. Ordre à suivre dans les études. H, 22 Ordre moral , comment l'iiomme y outre. II. 196 Ordre social^ temps d'en exposer le tableau au jeune homme. Ij^ jç^. Source de toutes ses contradictions. II. 20a Témérité de s'y fier. \\ g_ Ordre du monde ^ comment j'en juge. II. \!io Organes des plaisirs secrets et des besoins dé- goûta n s, pourquoi placés dans les mêmes lieux. TT II. 147 Emile. Tome IV\ T 320 TABLE nr^veil , SCS illusions , source de m aux; ^ "^ IV. 6i Orientaux ,\oz^^ simplement. lU. i53 Orvhée. Ottoman. , ancien usage des pnnces de cette II. 109 maison. ^ Ouie , culture de ce sens. 1- ■5^9 Or-ane acl.f qu. lui correspond. I. 220 Ovtlis , plus 1< s noires sont mBenaux , plns ,.os organes dcvuuncnt grossiers et mal- adroits. P^C^.VISJIE , ses dieux abominables. II. 349 Paix de Vaine , en quoi consiste. H. 2«i Paladins , connaissaient l'amour. 111. zy^ 111. 102 Pcwtalon , pourquoi ennuyeux. 11. -•:Si> , II. 3i3 71. Paraceisc. PavalleJeC.^ mon élève et du v^lre entrant tons deux dans le monde. II. ■ 76 ^t sUn'. P^/rvsv , comment on en guérit les eufan . 1. 267 Paris , nulle part le goût général n'est plus ïll. ï29 mauvais. DES MATIÈRES. 23j paris, c'est laque le l)on goût se ciiltive.III. 189 Coûte plusieurs provinces au roi. IV. 126 Les jeunes provinciales viennent s'y cor- ronipre. III. 269 parure , incommode à mille égards. III. 1 56 Moyen d'en diminuer le goût dans les jeunes tilles. III. 218 Supplément aux grâces. 219 Ruineuse ; vanité du rang. III. ibid. Passions , une seule est naturelle à l'homme. I. l'^^Ç, Sont les instrumcns de notre conservation. 11. 1.32 Quelle est celle qui sert de principe aux autres. II. 1^4 Comment par elles l'homme sort de la nature. 11. ihid. Comment se dirigent au bien ou au mal. II. 187 Sommaire de la sagesse humain* dans leur usage. II. i53 Leur progrès force d'accélérer celui des lumières. II. 267 Passions douces et affectueuses naissent de l'amour de soi ; passions haineuses et irascibles naissent de l'amour- propre. II. 137 T 2 328 TABLE Passions impétueuses , moyeu d'en faire peur aux cnfans. I. i6-' Passions naissantes, moyen de lesordonncr, II. l52 Passions déréglées , leur? peines. IV. 56 Source de crimes. IV. ibid. C'est une erreur de les distinguer en per- mises et en défendues. IV. (^':> Paume f exercice pour les garçons. I. Wx'i Pauvre , n'a pas besoin d'éducation. I. 46 Pays j ( on doit toujours à son). IV. r:^9 Paysan suisse _, idée qu'il avait de la puis- sance royale. !'• ^''> Paysans, n'ont point peur des araignée;.. I. -i^ Ne grasseyent jamais. I. \oi Leurs cnfans articulent mieux que le* nôtres. L ic:3 Pourquoi plus grossiers que les sauvages. I. 2.32 Comment on doit soigner ceux qui «ont malados. IV. 'ii n. Pédant, en quoi ses discours difièrent do ceux d'un instituteur. HL 7^ Pédaritc , citoyen. I. i o Père , sa tàcbo. 1- ^7 D E s M A T I È R E s. 3?^ Père , ne doit point avoir de piéférence entre ses en fans. j .g Ce qui le trompe. IV. 2t Perspective , sans ses illusions nous ne ver- rions aucun espace. I. 2q5 Pérui'iens , comment traitaient les enfans. I. 69 n. Petite vérole. j 25g Pétrone 3 cite'. jj. 5^ Pétulance des enfans , d'où vient. I. 90 , i56 Peuple, a autant d'esprit et plus de bon sens que nous. II. i-j Sens de ce mot collectif. IV. 102 Peut-il se dépouiller de son droit de sou- veraineté. IV. 109 Autres questions qui lui sont relatives. IV. 110 Pourquoi Méconnaît pas l'ennui. III. 161 Peuples corrompus , n'ont ni vigueur, ni vrai courage. H. 189 Peuples qui eut des mœurs , qualités qui leur .sont propres. I. 1^0 Philippe ^médecin d'Alexandre , son lii.'^- foire. I. 209 Philippe. III, j53 Philosophes ^ (portrait des) II. 29* T 3 \ 33o TABLE Philosophes, pourquoi ils soutiennent d.a- CHU leur s>sléine , sans s'iulercsscr a la II. 291 vérité. ^ Philosophie, son pouvoir relativement aux mœurs compara à celui de la religion. jri. 55 vi Philosophicen maximes, ne convient qu'à •^ . . H. 210 rc\pcneiice. Philosophie de rotrc siccle , un de ses pins fréquens a.n.s. JJ- -^ physiciinmu: P/n-W.///. , ses premières leçon.. li-j^^ Physi^jue cxpcrimciuale^ycnl de la simpli- cité dans ses instrumens. ^'• Phys:.jue syslcm,ti.jue , à quoi bonne. 1 IL 4» Sa première l"çon. Pierre, ( abbc de saiiH-) cite. I^^- T20 Deftiut de sa politique. ^^-^^ Pitic , est douce et pourquoi. H- ^^9 Comme.it elle a-il sur nous. )L 162 Comment on l'empcche de dégénérer cil . 1 1 IL 248 laiblesse. Pitié pour les ;«6V//^//.v , cruelle au 5;emc> humain. '*• ""^^ Plaisirs , doivent se diyersiûcr selon les UL i6» a^cs. DES MATIÈRES. 23r Plaisirs de l'ame, il est difficile d'ea prendre le coût quand ou ue l'a jamais eu, II. 357 Plaisirs exclusifs ^ sont la mort du plaisir. 111. 171 Plaisirs hniyan<; , ne sont pas aime's des cœurs sensibles. IH- 3o9 JP/rt'« que l'auteur s'est trace. I. 4t Platon , son juste imaginaire. HT. 41. Re'fute' sur la promiscuité civile des deux sexes. IH- ^9^ Plébéiens , par qui obtinrent le consulat. IIJ. 274 pleurs des evfans I. B4 et snir. 94,96, 1 Sy Pliitar,jue , cite. I. 33 n. II. 263 //. II. 333 En quoi il excelle. II- 2i3 Poison f quelle idée en ont les enfans. 1. lit Politesse , idée de celle qu'on donne a-'s enfans des riclies. I. i 38 En quoi consiste. Ilï> ^-9 Counucnt diffère celle des liomm-s et celle dos Tînmes. i"- 229 Des jeunes personnes c'^tre elles. Jll. 23a( polygamie. 1 * • ' ^ Population j marque d'un bou ^ouver- T 4 332 TABLE nerncnt , mais à quelles conditions. IV. 125 Po7/7-i'<'/v77(7j ce que c'est. III. 58 n. Jr'oupt'cs , amusement spécial des jeunes filles. III. 204 Poupées ambulantes. II. 3 Prtcepteur , quel est le vrai. I. 35 Incapacité de l'auteur pour ce mrtier. I. 40 Préjugé qui uiéprise les métiers , commeut j'apprends à Emile à le vaincre. II. 92 Préjugés j s'e'norgueillir de les vaincre , c'est s'y soumettre. II. 108 Nationaux , manière de s'en garantir. IV. i33 Présent ,\\t doit point être sacrifie à l'avenir dans l'cducalion. I. 116 Prêtres et médecins j peu pitoyahlej. II. i86 Prévoyance , source de nos misères. 1. 127 Préi'oyance des hesoins , marque une intel- ligence déjà fort avancée. II. .'^9 Primeurs , leur insipidilt'. HT. i 5o Principes des choses , pourquoi tous les jienples qui en ont reconnu deux , ont regardé le mauTais comme inférieur an bon. I- 89 D E s M A T I E R E s. 335 Profession de foi du Vicaire savoyard. II. 280 et siiii: Progrès d'Emile à douze ans. T. 35i A quinze. II. 126 Prophéties ., ne font pas autorité. III. 28 Propriété j exemple de la manière d'eu don- ner la première idée à l'enfant. I. lyS Mal assure'e sans le crédit. lY. 94 Providence , considérée relativement à la liberté de l'homme. II. 827 Justifiée. II. 333 Pro^'inces reculées , c'est là qu'il faux étu- dier les in(ieurs d'une nation. IV. 124 Provinciales ^ ne se Corrompent pas toutes à Paris. III. 270 Puberté j varie dans les individus selon les tempérnniens , et dans les hounnes selon les climats. II. 140 Peut être accélérée ou retardée par des causes piorales. H. 141 Toujours plus hâtive chez les peuples policés. ihid. Et dans les villes. ifnd. n. InQuence de ce premier moment sur le reste de la vie. HT. 71 Pudeur , les enlans n'en ont point. II. 146 Distingue la fenune de l'instinct des ani- T 5 334 TABLE maux et fait honneur à l'espèce hn- uiaiiie. 1^1- i^o Puissance j sens de ce mot en politique. IV. io3 Puissance du sexe , comment les cufans raccclèrent. lî- ^^4 Pyrrhus , jugement d'Éuiile sur sa vie. JI. 2i8 \} UES TTO\ par laquelle on rc'prime les sottes et fastidieuses questions des enfaiis. Il- 4^ Ses avantages. If- 4^ Question scabreuse j et rcpousc. II. 14''^ Quinlilien j cité. I- ~-9 ±\^y4CES périssent ou dégénèrent dons les villes. l- ^^ JRailJerif. ( Qu'est-ce qui rend insensible à la). Uï- iio Haison , frein de la force. I- i IJO Connnentou ladécréditc dans l'esprit des enlans. I- ï^o Pais on sensitii'c. !• -^- Ses instnmiens. ibid. liaisonner ^ ou uc doit pas le faire scclie- D E s M A T I E R E s. 335 ment avec la Jeiiuesse. III. 85 Raisonnement y decjuellc espèce est celui des eufaiis. I. 203 Si-tôt que l'esprit est parvenu jusqu'aux idées , tout jugement est un raisonne" menu II. i23 Raisonneur (dialogue du ) et de l'inspire. IJl. i8 ^<2/^o;z.î ^ iinportance de n'eu point donner aux enfans qu'ils ne puissent entendre. II. 43 Raymond Lulle. IV. 77 Reconnaissance i%ç,\x\!i\x\.ç,Vii naturel au cœur humain. II. 194 Moyen de l'exciter dans le cœur du jeune homme. II. igS Reflexion , force active. II. 3oo Réfraction. II. 120 et suit^. Refus , n'en être point prodigue et n'ca jamais révoquer. I. i3S Régime pytagoricien. i. 69 n. '614 Régime végétal j convenable aux nourrices. 1. 61 Relations sociales , couiment on doit les montrer à i'enlaut> 11. 6.'-î jKe//;i'/o/z , ciioi\ de celle d'Éuiile. II. 26;^ T 6 336 TABLE Religion, comment on doit l'enseigner aux jeunes filles. 111. 284 Quel mal fout ceux qui la détruisent. m. S3 et suir. Religion naturelle, il est etranj^e qu'il eu faille une autre. III. 3 Religions, il y en a trois principales dans l'Europe. l'I. 28 Remords. II- ^48 Repas rustii/J/c compare' avec un festin d'appareil. 11- 7^ /j/p£,«,vt' d'un vieux c;cntilliomme a Louis XV. IlL 128 Réprimande que m'adresse un bateleur en pre'sence d'Emile. IL 21^ RCpuhlique de Platon n'est pas un traité do Politique. 1- ï2 Ce que c'est. if''^i- Coiuinent les enfans y sont élevés. L 199 Reiichlin. III- 2« "• îic'rcl'Jtion'! ^no donnent pns une plus prando idée de Dieu que la raison. III. 4 Sont la cause de la diversité des cultes lom de la prévenir. l'I- '' La raison seule est juge de leur vérité m. 9 Quelle doit être la doctrine d'une rc'icla- DES MATIÈRES. 33; tion qui V-ient de Dieu. III. i6 Révélation , quels doivent être ses dogmes. HI. 17 Les trois principales sont e'critcs en des langues qui sont inconnues aux peuples qui les suivent. III. 28 Riche, l'éducation de son état ne lui con- vient point. I. 46 , 47 JlicJig appauvri. II. 88 liiclu's , trompés en tout. I. 63 Ce qu'ils sont. III. 147 Toujours ennuyés. III. i6r Tableau d'un riche qui sait user de ses richesses. III. 147 et siiiv. Il n'est pas nécessaire de 1 être pour être heureux. 111. 172 JÀichesses , leur effet sur Tamc du possesseur. lit. 364 /Î^W^V/z/c , moyen de l'éviter. III. i63 Toujours à côté de l'opinion. ihid. Rivage ^ pourquoi quand on le côtoje ea bateau , paraît se mouvoir en sens con- traire, ir. TTÔ Robert jardinier y%o\\ dialogue avec l'auteur et son élève. 1. 176 et siiiv. Rohinson Cri/soc. 11. 60 Roi y sens de ce mot. IV. ii9 338 T A B L Tî B-omalns ^ leur aUculioii à la langue des silènes. i"- 84 Homo lus illustres , à quoi passaicnl leur jciiiicshe. AI. 241 Romans orientaux , plus attendiissans que Jcs noms. H. 166 Rome ^ SCS s'ai'dcs revolulioi\s furent l'ou- vraj^c (hs (fnnnrs. \\\. 274 et suii'. iîowK///.v d Comment distinguées par l'ctrc scnsitif. II. 298 Sensations affectives précèdent les représen- tatives. I- 7^ Sens-commun , ce que c'est. I. 847 3" t7/.f/V)///Yt', comment ou l'ctouffc ou l'eiri- pèche de germer, H. 160 Comment elle naît. II. 161 A quoi d'abord elle se borne dans un jcuno homme. !'• ^9-^ Doit servir à le gouverner. II. 193 Sentimens j gradations de ceux d'un enfant. 11. i35 Quel est le premier dont soit susceptible un jeune homme bien élevé. Il- 10 J D E s M A T I È R E s. 841 Sentimens naturels qu'on doit distinguer des idées acquises. II. 352 et suie. Sentir tt juger ne sont pas la même chose, II. 296 .S'f/v/zow.y, raison qui les rend inutiles. III. 76 Service. ( ce que c'est que le) IV". 91 Il ne s'agit plus de valeur dans ce métier. IV. ibid. Sevrer ^ temps et moyen. I. 96 Sexes, (conformité et différence des) III. 176 Elles influent sur le moral. III. 177 Sont également parfaits. ibid. Dans leur union chacun concourt diffé- remment à l'objet commun. III. 178 Première différence entre les rapports mo- raux de l'un et de l'autre. ibid. Le plus fort maître en apparence dépend en effet du plus faible. III. 182 De leur grossière union naissent les plus douces lois de l'amonr. III. i85 Il n'y a nulle parité entre eux quant à la conséquence du sexe. H>id. La rigidité de leurs devoirs relatifs n'est ni nç pcutétrela même. III. 186 Ce qui les caractérise doit être respecté dans l'éducation. III. 19a Leur relatipu sociale j admirable. III. 23a 34» T A BLE iS'/'§7îf,"''do'^i'':"3is être substitue à la chose," qnc' quand il est impossible de l;i iiion- tnr. n. 17 .y/^^nt'* , l'iuga-e enrigqiic. HI. 80 Usap;e que les aitciciis tn fcsnicnt dans la n-liu, (111 et le goiivcnitinciit. Jll. Hoefs. Dans i'éloqiKMicr. HI- ^3 Sitnationsoù les brsoinsnntnrclsclc l'hotnine et l.-s iiio\( n^ d'y pourvoir , se dëvilop- peut seusiblcjncut à l'esprit d'un en'.ant. II. 59 'iS'or/r^'/t', a fait riioin me faible. I. 182 Toute société consiste en cebnnp;ps. FT. 72 j^pplicalioa de ce principe au couiuicrce et aux arts. il- "Jo D'où il suit que toute socic'té a jiour pre- mière loi quelque égalité cotiveution- uelle. J^'iif- Sociétés civiles sont imparfaites , maux qii'elK s produisent. IV. 119 Socrate , dislance de Jésus à Socrute. Ilf. 4 1 el sui^-. Soleil , sou lever. Jl. ir So/on , acte illégitime de ce législateur. IV. 106 Sonimei! des ciiftrns. I. 2^)3 jiioycus d'eu icjjler la durée. I. ^^i DES MATIÈRES. 343 «yc/^Â/e; , corapagae future d'Einilc. III. 17S Son portrait. HI. 283 Aime la parure. 111. 283 A des talons naturels. 111. 284 Sait tons les travaux de son sexe. ibid. Applique'e aux détails du tncnage. 111.285 Sa délicatesse excessive sur la propreté 111. 286 Mais non raffinée. 111. 287 Sophie , d'abord gourmande , mais corrigée. iùid. La tournure de sou esprit. TU 288 Sa seusibilité ne dégénère pas en humeur. 111. 289 A des caprices , sa manière de les réparer. III. 290 Sa religion. III. 291 Aime la vertu. i/)iJ. Dévorée du besoin d'aiincr. III. .'.gz Connaît les devoirs et les droits de son se Ke et du nôtre. 111. 293 Sa réservf à juger. 111- 294 Point médisante. i/'id. Sa politesse ne tient pas aux formes , uin\s au désir de plaire. 29S Tî'est point asservie aux simagrées de l'usage français. iùid. 344 TABLE Sophie, sou respect pour les droits de Tàgc. III. 296 Sa conduite avec les jeunes gens. iliiJ. Manière dont elle reçoit les propos dou- cereux. III. 297 Aime les louanges de ceux qu'elle estime. Ifl. 298 Discours que lui fait son père sur le ma- riage. 1"- 299 Ancienne opulence de ses parens. III. 3oo HeurciiK dans leur pauvreté'. III. 3ot Libre de choisir son époux. III. 3o2 Effets du discours de son père , métnc en lui supposant un tempérament ardent. III. 3o5 N'est pas uu être imaginaire. III. Soj Avait été envoyée chez une tante et pour- quoi, il'id. Sa conduite avec les jeunes gens éécens, III. 3o« Revient chez ses parens. III. 3o9 Sa langueur ef l'aveu que lui arraclic sa lucre di' lacanse qui la produit. III. ihiJ.ets. Raisons qui la rendaient difficile sur le choix d'un époux. HT- ^'^ Rivale d'Eucharis. III. 3i.'î Comment elle défend son amour pour DES MATIÈRES. 845 Télemaque. JII. 3 [4, Sophie , victime de sa chimère. IJI. 3i5 Rendue à Emile. 3i6 N'est pas savante. III. 328 Voit Emile chez sou père. III. 339 Croit avoir trouve Télemaque. III. 34-3 Comment paraît sa coquetterie III. 347 Ses manières plus empressées avec moi. m. 36o Quelle dif&culté l'arrête pour épouser Emile. Il[. 36r Prend ouvertement s\xx lui l'autorité d'une maîtresse. III. 368 D'où vient sa fierté. IV. ir Gracieuse aux indifférens. IV. i3 Irrite la passion d'Emile par un peu d'in- quiétude, ihid. Sa course et sa victoire. IV. 36 Le visite avec sa mère à l'attelier. IV. 38 Y essaye d'imiter E'mile. ihid. West pas indulgente sur les vrais soins de l'amour. IV. 41 Injuste soupçon qu'elle conçoit de ce que Emile attendu n'est pas arrive. Voyez Emile. IV. 43 L-'accepte pour épou.x:. IV. 48 Va ?oir le paysan estropie. ibidn 346 TABLE Sophie , proscntc avec Emile un enfant au ba|iiciiie. 1^- ^° Ses iJ-.Hilciirs secrètes quand elle est prépa- re!.-à rabsciice de sou amant. IV. 71 Sa .-itiialion au nioinent du départ. IV". 74 "Voit revenir Euiile , et l'épouse. Voyez ]'.itiile. Couscils que je lui donne et sur quoi. IV. 164 et suit-'. Sourds , moyen de leur parleren musique. I. 291 Souverain ,?ens de ce mot en politique. IV. io3 N'agit que par des volontés communes et générales. ' ^ • ^^4 Spartiates , élevés en polissons, n'étaient pas pour cela grossiers étant grands. I. 236 Spectacle du monde , à quoi comparé. II. 20X Spectacles , écoles de goût et nou de mœurs, 111. 144 Sphère armiUaire , machine mal composée. II. 17 Spoiitanéitt. ^I- -'o^ Statit/ue , sa prctnière leron. Il- 33 Stoïciens, l'un de leurs paradoxes. 111. >£) n. D E s M A T I È R E s. 347 Stupidité d'uu eufant toujours clevé dans la maison. J. 250 Stupidité fâcheuse f sous quels traits je la peindrais, Jl. 261 Substance animale en putréfaction fourmille de vers. J. 62 Substances , combien il y en a. If. 208 Ce que j'entends par-là. II. ,32i Sucs nourrissans y doivent être espiitnés d'alimens solides. 1. 63 n. Suétone ^ c\\.é. I. 35 /;. Sujets , sens de ce mot en politique. IV. io3 Surprises nocturnes. I. 2X9 Synthèse. II. 18 Systèmes, objections insolubles communes à tous. IJ. 294 JL AC£TE , à quel âge cet auteur est bon à lire. H. 109 Cité. 1\-. f^r Tailleurs , inconnus chez les a'icirtis. II. 97 ».- Talcns agréables , trop rc'duîts en arts. III. 225. Lequel tient le prcuilcr rang dans l'iirt de plaire. 111, 227 348 TABLE ra/^/75'e/<'('eJ, inconvénient de u'avoirquVui pour toute ressource. H- y3 Talens naturels, facilite de s'y tromper- II. 99 Exemple. "• ^°® Tar.rnn. , l"" ^^ YtVHivç , quand il est avantageux d'en ]ierdre. J. 153 C'est plus le perdre d'en mal user que de n'en rien faire. ^- ^99 Trop long dans le premier âge, et trop court dans celui de l'instruction. II. 2i Quand les enfans commencent ù connaître son prix. * "^ Ténèbres , on y doit de bonne heure accou- tumer les enfans. 1- 77 Tentations , nous sommes toujours mattrcs de leur résister. H'- 9^ Tcrrasson (l'abbé) supposait faussement un progrès de raison dans l'espèce hu- mamc. ^^^ ^^3 Théâtres , voyez Spectacles. Ses héros , pleurant comme des enfans. IV. 54 Thcmistocle, comment son ûls gouvernait la Grèce. i. ' j Théolosiens ,. DES MATIÈRES. 349 Théologiens , ne se piquent pas de bonne foi, iil. 25 Thcrmopyhs ^ iascrij)tions qu'on y usait. Jli. 142 Thucydide ., modèle des historiens. 11. 210 Toilette ^ d'où eu vient l'abus. 111. 220 Tolérance ciçile ^ ne peut pas être dis- tiugue'e de la tolérance tliéologiqne. n\. 45 ;/. Tonnerre y rarement les cnfatis en ont pv ur. 1, «o Toucher ^ culture de ce sens. I. 290 et suiu. Ses jugcmetis bornés et surs. I. 290 Comment peut suppléer à la vue. 1. 274 A l'ouïe. I. -.Qi Moyens de l'aiguiser ou de l'étuou.'-se". J. 292 Sans lui nous n'aurions aucune idée de l'étendue. j. 335 Trésor de Saint-Marc à Venise, ce qui lui. manque. j. 253 Ture/ine , trait de douceur de ce graod- homm^ II. 219 PctitessB, U. 216 Emile, Tome IV: 3So TABLE TJlFSSE i ému du chant des Sirènes. Iir. 94 Ses compagnons avilis par Circé. IV. 42 VnUcrs , son mouveiuent est spontané. II. 304 Son harmonie dépose en faveur d'une in- telligence. II. 3o3, 3ii, 3iS Usage, ^n prendre presque toujours le con- trepicd pour bicMi faire. I- i6a Vsage du monde, quel âge est propre à le saisir. !"• 99 lJsa8i'!= , en toutes choses doivent être bien expliques avant de montrer les abus. ^ ^ n. 75 UtiUtc, sens de ce mot dans l'esprit des enfans. ^^- ^'> Pourquoi ce mot dans notre bouche les frappe si peu. ' ^ Exemple de l'art de le leur faire entendre. II. 47 J/^yl L E R E~^IJ X IME, cité. T. 1 1 » yanité, suites mortiliantos de son premier mouvement dans Emile. II. ^i . - !• !• Parren-y cite. D E s M A T I È R E s, 35t Venise , pourquoi sou gouvernement sans autorité estrespectc du peuple. 111. 82 n. f^érité , quand on peut sans risque exiger qu'un enfant la dise. I. 248 //. Doit coûter quelque chose à connaître, pour que l'eufaut y lasse attention. II. 14 La vérité morale , ce que c'est. III. 265 Vertu , en la préchant aux enfaus on leur fait aimer le vice. I. 187 Il y en a un principe inné dans les cœurs. II. 35o et suiç\ Est aimable , mais il faut en jouir pour la trouver telle. H. 35^ Couipare'e au Prothéc de la fable. II. r^^f^ On ne peut pas l'établir par la raison seule. II. 359 Est une, III. 269 Est favorable à l'amour. III. 27.^ Etyuiologie de ce mot. IV". 67 Qu'est-cequerhomme vertueux ?IV. 53, o>î f'ert7/s,sonl des apprentissages de l'enfance. I. 26J /" er/us par imitation. I. i^r / ticmcna , observations sur ceux des enfan7û7/^t', sou goût u'estpas naturel àrbouime. I. 335 Lambeau de Plutarquc sur cet aliuicnt- I. 336 'f'icaire sa,^OYard , sol^ histoire. IL 270 Service qu'il rend ù im jeun.- homme ne' calviniste qui avait change de roligion. II. 271 Manière dont il s'y prend pour gagner sa conhancc. **• "^7 Fait sn profession de foi. II. =85 ci sitir. Pourquoi destiné à la préirise. II. 2K6 Son rt-spect pour le mariage , cause de sa perio. 11- ^«7 Son lucrédulité. !!■ -^^ Désagrément de son état datis celte dispo- sition d'csi^rit. if'id. Son premier jias a la vérité , c'est de borner ses rcclurclus. ^*- -9^ 11 consulte la lumière intérieure. if>/J- Sa méthode dans l'esanieu de la vente. 11. 294 Ne prie pas Dieu , pourquoi. H. 36^ Son scepticisme involontaire. 111- 4» De quelle manièiC il s'aequitlc du service de rEglisc, III. 45- ci suir. D E s M A T I È R E s. 353 'f^icaire savoyard, ambitioune rhonueiir d'être curé. III- 47 Vice , il n'y en a pas un dans le cœur de l'hoiume dont on ue puisse dire com- ment il y est entré. I. i5f> Ses inconséquences. III. i58 J^ie ,pour qui la peur de la perdre en fait tout le prix. I Sa Aquel point commencevéritableme:itcclle de l'individu. 1. i iS On doit la laisser j^oi'iter aux enfans. I. 1 1 7 Les vieillards la regrettent plus que les jeunes gens. I. 127 p'ie dure, multiplie les sensations ajOjréables. I. 264 l'ie humaine , ses plus grands risques sont dans son commencement. I. ii5 Courte à plus d'un égard. II. i 3o T'ics particulières , préférables à l'histoire. II. 21.3 ficillards , déplaisent aux enfans. I. 48 Aiment à voir tout eu repos autour d'eux. I. 90 p'igueur d'esprit, comment se contracte. II. 8« Villes , sont le gouflrc de l'espèce bumaine. 1. 66 354 TABLE Villes y pourquoi les races y dcgeiièvent- II. 143 Services qu'on peut rendre en se retirant des grandes l'iV/t".?. I^ • ^4^ Villes ( les grandes ) épuisent un État. IV^ 126 Les Jeunes gens y doivent peu sciourncr dans leurs voyages. IV. 129 Il n'y a point d'cducalion privée. III. 268 Vin, nous ne l'aimons pas naturcllciucnt. 1. 329 Falsifie par la lltharge est un poison. II. 64 Moyen de connaître cette falsilication. 11. Violence , Vit peut pas avoir lieudans l'union des sexes. Uï- i^"» Pourquoi l'on en cite moins d'actes à pré- sent que dans les anciens tcms. III. i83 Virgile , son plus beau vers. II. ï65 Virginité ^ importance de la conserver long- temps. 11- m3 , ï5S Préceptes. "• '44, i^"' / 'isagesvlus beaux que leurs masques.W. 203 , T 1 51 Vivre , ce que c est. *. ir» Vocabulaire de V enfant , doit être court. I. 109 Voix^ combien de sortes rUomiuc en a. I. 32 1 D E s M A T I È R E s. 355 P'olant^ est un jeu de femme. I. 3i5 f^olonté ^ il faut recourir à une volonté pour expliquer le mouvement. II. 3o6 Connue par ses actes , non par sa nature. ihid. f'^olsques. III' 275 f^oluptueux ( tableau d'un ) qui met à part l'opinion et ne cherche que la volupté réelle. III 147 et suir. Reste toujours aussi près de la nature qu'il lui est possible. III. 148 f^oyager , non eu courriers mais en voya- geurs. III. 332 Manière dontles anciens philosophes voya- geaient. III. 334 Il faut savoir voyager. IV. 78 Différence de voyager pour voir du pays ou des peuples. IV. 86 Voyageurs à pied , plus gais que les autres. IIL 33â Ne s'accordent pas dans leurs narrations. IV. 76 Voyage!^ ^xrxx'iow du peu d'instruction qu'on tire des voyages. IV. 84, i23 Ne conviennent pas à tout le monde. IV. 87 Pris comme une partie de l'éducation ont 356 TABLE DES MATIÈRES. leurs règles. IV. 88 yue y exerc:cc de ce s^ens. I. ?o^etsiiiif. Ce qui rend s.s jugemcns équivoques. I. 295 , 296 Comment la course cxcrceuuciifautà mieux voir. I. 3o3 u^L É xoc R A TE. ir. 3 r.o Xénophon , cilé. I- 41 3 lii- 142 Z É NON. m f?4 Zurich , comment passent maîtres les C041- seillcrs de cette ville. 11. lu Fin de la Table des M a tiens. I ■#,